Devoir de Philosophie

Le langage est-il un instrument de domination ?

Publié le 25/01/2004

Extrait du document

langage
74). C'est pourquoi les catégories de pensées sont dictées par la langue (Benveniste montre que les catégories aristotéliciennes sont des catégories linguistiques propres au grec), tout comme les concepts par lesquels on approche le réel (par exemple le concept de temps diffère selon les cultures en fonction des temps verbaux. Cf., sur le temps en Islam l'étude de L. Massignon, Parole donnée, chap. V, coll. 10-18). Toute pensée est donc langage (cf. Hegel, Philosophie de F esprit : « C'est dans le mot que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité.
langage

« Ainsi donc, le langage structure et organise le monde, nous permettant ainsi de le maîtriser.

Ce que confirment lescritiques mêmes qui ont été portées contre le langage par Nietzsche et Bergson. • Le langage, condition de l'action et fonction vitale a) Pour Bergson, il existe au-delà du langage une pensée pure qui est la penséeintuitive, « vision directe de l'esprit ».

Le langage est une manière de prisme,propre à la pensée conceptuelle, qui masque ou déforme la réalité, car le mot,parce qu'il « dépasse l'individuel et appartient au genre » (Brice Parain) estincapable d'exprimer la réalité dans toutes ses nuances ; bien au contraire, il lafige et la morcelle.

Mais si la pensée, et avec elle la réalité, « demeureincommensurable avec le langage » (Essai sur les données immédiates de laconscience, p.

124), le langage n'en reste pas moins un outil nécessaire, car ilconstitue une condition de l'action : il nous permet de nous diriger à travers laréalité mouvante et d'avoir prise sur elle en lui imposant précisément unecertaine constance et une certaine ordonnance.

Les mots sont ainsi des repèreset des appuis pour la conscience agissante. b) La critique bergsonienne du langage rejoint celle de Nietzsche, mais cettedernière est encore plus radicale.

« L'importance du langage dans ledéveloppement de la civilisation, observe Nietzsche, réside en ce que l'homme ya situé, à côté de l'autre, un monde à lui, un lieu qu'il estimait assez solide pour,s'y appuyant, sortir le reste du monde de ses gonds et s'en rendre maître.

Dansla mesure même où l'homme a cru aux concepts et aux noms des choses commeà autant de vérités éternelles, il a vraiment fait sien cet orgueil avec lequel ils'élevait au-dessus de l'animal : il s'imaginait réellement tenir dans le langage la connaissance du monde.

L'artiste du verbe n'était pas assez modeste pour croire qu'il ne faisait qu'attribuer desdénominations aux choses, il se figurait au contraire exprimer dans ses mots le suprême savoir des choses ; lelangage est en fait la première étape dans la quête de la science.

» (Humain, trop humain, I, 11.) Le langage estainsi, comme l'art ou la science, une illusion qui cache la véritable nature des choses, la Vérité originaire, illusionvitale car « on ne peut pas vivre avec la Vérité ». • Le langage comme obstacle épistémologique et limite à la connaissance scientifiqueD'un point de vue moins métaphysique que celui de Nietzsche et Bergson, on peut remarquer que si le langagepermet la connaissance et la science, et qu'il est de ce fait un moyen de maîtrise et de domination de la nature, ilpeut constituer en lui-même une entrave au développement de la connaissance scientifique :a) Selon Bachelard, le langage forme un « obstacle épistémologique ».

Le mot, observe-t-il, « permet d'exprimer lesphénomènes les plus variés.

Ces phénomènes, on les exprime : on croit donc les expliquer » (La Formation de l'espritscientifique, p.

73).

Ainsi, pour expliquer la dissolution de Pair dans l'eau, le chimiste Réaumur compara l'air à uneéponge et crut avoir fait progresser la pensée scientifique en disant que l'air est un corps spongieux. b) Un problème plus grave a été posé par le développement de la physique quantique.

En effet, comme le rappelleW.

Einsenberg, « en physique, notre travail consiste à poser des questions concernant la Nature dans le langageque nous possédons et à essayer de tirer d'une expérience une réponse grâce aux moyens dont nous disposons »(Physique et philosophie, p.

50).

Or les progrès de la microphysique (en particulier avec les « relations d'incertitude») ont conduit à des résultats qui remettent complètement en cause nos représentations classiques et que l'on neparvient précisément plus à « se représenter ».

« C'est pourquoi, nous dit Einsenberg, l'on a parfois suggéré qu'ilfaudrait s'écarter totalement des concepts classiques et qu'un changement révolutionnaire des concepts utiliséspour décrire les expériences pourrait peut-être nous ramener à une description non statistique et complètementobjective de la Nature.

Mais cette hypothèse repose sur une erreur d'interprétation : les concepts de physiqueclassique ne sont qu'un raffinement des concepts de la vie journalière et sont une partie essentielle du langage quiforme la base de toutes les sciences de la nature » (id., p.

48).

En transformant la formule de Weisâcker, nouspourrions dire « la Nature a précédé le langage, mais le langage a précédé les sciences de la Nature ».

Ainsi l'hommeest-il prisonnier de son langage qui, paradoxalement, lui ouvre et lui ferme la compréhension du monde. Transition Mais si « le langage est la grande médiation entre l'homme et le monde » (Ricoeur) et par là un moyen de maîtrise etde domination de ce monde, il est aussi la grande médiation « entre l'homme et l'homme ».

Est-il donc également unmoyen de maîtrise et de domination sur l'homme ? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles