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Lautréamont, les Chants de Maldoror (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Lautréamont, les Chants de Maldoror (extrait). Le mal qui ronge Maldoror et nourrit son délire est dominé par la figure de Dieu, créateur déchu que la prose de Lautréamont enchaîne dans un tourbillon métaphorique. Dans une mise en scène délibérément blasphématrice, le chant III trace le portrait d'un Créateur ivre mort et sanguinolent. Le vin et le sang, métaphores du dogme religieux sont ici mêlés dans une communion païenne remplie de la révolte des créatures animales oubliées de Dieu. Les Chants de Maldoror de Lautréamont C'était une journée de printemps. Les oiseaux répandaient leurs cantiques en gazouillements, et les humains, rendus à leurs différents devoirs, se baignaient dans la sainteté de la fatigue. Tout travaillait à sa destinée : les arbres, les planètes, les squales. Tout, excepté le Créateur ! Il était étendu sur la route, les habits déchirés. Sa lèvre inférieure pendait comme un câble somnifère ; ses dents n'étaient pas lavées, et la poussière se mêlait aux ondes blondes de ses cheveux. Engourdi par un assoupissement pesant, broyé contre des cailloux, son corps faisait des efforts inutiles pour se relever. Ses forces l'avaient abandonné, et il gisait, là, faible comme le ver de terre, impassible comme l'écorce. Des flots de vin remplissaient les ornières, creusées par les soubresauts nerveux de ses épaules. L'abrutissement, au groin de porc, le couvrait de ses ailes protectrices, et lui jetait un regard amoureux. Ses jambes, aux muscles détendus, balayaient le sol, comme deux mâts aveugles. Le sang coulait de ses narines : dans sa chute, sa figure avait frappée contre un poteau... Il était soûl ! Horriblement soûl ! Soûl comme une punaise qui a mâché pendant la nuit trois tonneaux de sang ! Il remplissait l'écho de paroles incohérentes, que je me garderai de répéter ici ; si l'ivrogne suprême ne se respecte pas, moi, je dois respecter les hommes. Saviez-vous que le Créateur... se soûlât ! Pitié pour cette lèvre, souillée dans les coupes de l'orgie ! Le hérisson, qui passait, lui enfonça ses pointes dans le dos, et dit : « Ça, pour toi. Le soleil est à la moitié de sa course : travaille, fainéant, et ne mange pas le pain des autres. Attends un peu, et tu vas voir, si j'appelle le kakatoès, au bec crochu. « Le pivert et la chouette, qui passaient, lui enfoncèrent le bec entier dans le ventre, et dirent : « Ça, pour toi. Que viens-tu faire sur cette terre ? Est-ce pour offrir cette lugubre comédie aux animaux ? Mais, ni la taupe, ni la casoar, ni le flammant ne t'imiteront, je te le jure. « Source : Lautréamont, les Chants de Maldoror, 1869. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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