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Lecture analytique de Jacques Le Fataliste, Diderot

Publié le 28/11/2012

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Denis Diderot est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français du XVIIIème siècle. Il est aussi reconnu pour son talent d'érudit et son esprit critique. Il a d'ailleurs marqué l'histoire dans tous les genres littéraires auxquels il s'est essayé : il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, invente la critique à travers ses Salons et supervise la rédaction d'un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie. Pour ses premiers écrits personnels, il aura pour maître Voltaire. Dans ses Pensées Philosophiques de 1746, Diderot s'en prend violemment au christianisme et plaide pour une religion naturelle. Ses pensées philosophiques sont très mal vues et ses écrits sont brûlés sur ordre du Parlement de Paris pour ses propos choquants. Dès lors, Diderot est vu comme un provocateur .Il optera ensuite pour le matérialisme, doctrine philosophique qui considère que la matière est la seule réalité, avec Lettre sur les aveugles et à l'usage de ceux qui voient de 1749 qui provoque son incarcération au château de Vincennes pendant trois mois. Il s'affirme comme défenseur des Lumières et défend donc la liberté de penser. A soixante ans, il se rend même auprès de Catherine II impératrice de Russie afin de l'aider à appliquer les doctrines des Lumières dans son pays. Il meurt à 71 ans quelques mois après son ami et collaborateur Alembert. Le texte dont nous allons parler est un extrait d'une des oeuvres de Diderot qui a révolutionnée le monde du roman : il s'agit de l'incipit de Jacques le fataliste de 1778. Ce texte nous montre bien la volonté de l'auteur de donner de l'originalité à son oeuvre et intéresser le lecteur à une nouvelle façon de raconter. En effet, nous constaterons que cet incipit remet en cause nos habitudes de lecture avec un premier paragraphe où Diderot remet en cause les procédés du roman traditionnel avec le narrateur interpelle le lecteur en lui posant une série de question auxquelles il répond avec arrogance et de manière évasive. La suite du texte nous offre une discussion entre Jacques et son maître peut habituelle : il inverse le rapport maître et serviteur. Ces éléments nous mèneront donc à penser que cet extrait n'est pas seulement question d'un débat d'idées mais, nous amène à nous interroger sur les conventions romanesques et sur la liberté du créateur, tout comme l'ensemble de la page pose la question de la liberté humaine fasse au déterminisme qui implique tous les éléments du monde sont intimement liés les uns aux autres. Cet incipit n'a rien de traditionnel, on peut même le qualifier d'insolite. En effet, les premières pages d'un roman comportent en général toutes les indications que le lecteur attend comme le cadre spatio-temporel de l'histoire mais ici le narrateur est catégorique, nous lui demandons le nom du personnage et il nous répond « Que vous importe ? « ou encore son origine et nous dit tout simplement « Du lieu le plus prochain «. Ici, Diderot refuse de nous informer davantage, et semble taquiner le lecteur. Nous constatons aussi qu'Il nous prive de tous repères dans un récit qui est déjà entamé. Le «ils « de la première phrase n'a pas de référent, il faut attendre la cinquième ligne pour apprendre qu'il s'agit du Maître et de Jacques. Le narrateur nous présente même ce dernier à l'aide d'un discours deux fois indirects : « Jacques disait que son capitaine disait que... «. Au deuxième paragraphe nous assistons ensuite à un dialogue comme au théâtre entre Jacques et le Maître qui a déjà commencé sans nous, le lecteur ne sait donc pas immédiatement le sujet de la discussion des deux protagonistes. Le lecteur est désorienté mais Diderot veille tout de même à nous donner quelques indices nécessaires pour la compréhension de l'histoire. Malgré les refus du narrateur nous pouvons reconstituer l'histoire de Jacques, et même sa chronologie : nous sommes en France, le jeune Jacques est entrain de boire au cabaret « je m'enivre de son mauvais vin «, il oublie de s'occuper des chevaux, son père le frappe, il s'engage dans l'armée, il participe à la bataille de Fontenoy ce qui nous indique que nous sommes quelques années après le 11 mai 1745. Nous apprenons aussi que durant la bataille il a reçu une balle au genou et qu'il est désormais boiteux et cet évènement lui aura permis de connaître l'amour. Nous comprenons aussi les paroles du capitaine que Jacques rapporte dans le premier paragraphe, et donc le fatalisme de Jacques : « tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut «. Ainsi nous voyons que se pose doublement dans l'ensemble du passage la question de la liberté, celle de l'écrivain et celle de l'homme face aux conventions et au déterminisme. Le titre Jacques le fataliste nous annonce qu'il s'agit de l'interrogation centrale. Nous parlerons d'abord de la liberté que Diderot revendique sous toutes ses formes, à travers le narrateur qui fait ce qu'il veut : la narration est interrompue par un dialogue de théâtre, la chronologie est perturbée, les informations lacunaires. Il joue avec son lecteur « Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe, «. Il refuse de céder aux conventions romanesques, il est libre d'écrire comme il le souhaite. De même que le romancier nous donne une leçon de liberté créatrice, Jacques nous en donne une autre. Par un jeu symétrique à celui du narrateur vis à vis du lecteur, Jacques joue avec son maître. L e comportement des personnages montre un renversement de la relation maître-serviteur : le Maître pose des questions, parle peu, n'a pas d'individualité propre, nous ne connaissons pas son nom. Il rappelle la position du lecteur face à Diderot. Jacques en revanche à la langue bien pendue ; c'est son histoire que l'on va suivre, c'est son récit que l'on attend. Le serviteur se moque de son Maître et le fait languir. « Le moment est-il venu ? Qui le sait ? «, « Tu as donc été amoureux ? Si je l'ai été ! « Cependant cette liberté demeure paradoxale puisqu'elle est ici associée à l'idée de fatalisme et de déterminisme. Si Diderot revendique sa liberté de créateur, il faut aussi qu'il respecte la cohérence du récit. De la même façon Jacques paraît libre mais son père le bat. « Tout est écrit là-haut. «, c'est la loi de la fatalité et du déterminisme : « Chaque balle avait son billet. «. Diderot nous oblige à nous interroger sur les conventions du roman, les conventions sociales ; il inverse le rapport maître et serviteur pour mettre en cause le monde et nous-mêmes dans notre manière d'exercer notre liberté.

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