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Lecture de Vide et Plein - Le langage pictural chinois de François Cheng

Publié le 02/06/2012

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Introduction
 
« Vide et plein – Le langage pictural chinois « est une œuvre de François CHENG publiée en 1979. Comme le titre indique, l’auteur nous amène vers une réflexion sur le langage pictural et la création artistique en s’appuyant sur le Vide, notion tant philosophique qu’esthétique. En savourant cette méditation riche et nourrissante, nous pouvons en faire un double usage : non seulement pour étudier les beaux-arts chinois, mais aussi, plus généralement, pour mieux réfléchir sur la relation entre le langage qui sert à exprimer et le sujet qui est à exprimer, en d’autres termes, comment et de quoi parle-t-on.
 
I.                   Le langage, la langue et l’écrivain
 
Avant de nous prolonger dans le corpus, il est à noter que la vie de Cheng elle-même est déjà une évolution admirable à propos de sa création littéraire. Cheng est d’origine chinoise et c’était à l’âge de 20 ans, c’est-à-dire un âge assez mûr où l’assimilation d’une autre culture devrait être dure, qu’il est arrivé en France sans connaître un mot français. Cela étant le cas, il est intéressant de connaitre son sentiment à propos de ce changement de l’arme et l’âme de création[1](l’expression qui suggère déjà ladite relation dans l’introduction). Lors de son interview intitulée « Je suis devenu dialogue «, il a dit :
 « …je peux dire que mon mariage avec la langue française a été un mariage de raison, mais transmué en mariage d’amour ! Ensuite, c’est devenu une passion, à partir du moment où j’ai commencé à écrire en français… «[2]
 
Nous constatons ici que l’écrivain a énormément souffert de ce virage langagier au début. Cette souffrance n’est pas simplement des obstacles à la maîtrise d’une langue étrangère, mais plutôt une douleur lors de la digestion de ce que véhicule la langue. Sachant que le chinois est une langue très hautement idéographique par rapport aux langues occidentales, la culture chinoise a donc tendance à favoriser les arts graphiques et plastiques tels que la calligraphie et la peinture.


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« Pourtant, le cheminement vers le français n’implique point le total rejet de son langage de départ.

Pour Cheng, lesvaleurs chinoises et celles de la France, quoique différentes sous plusieurs aspects, ne sont pas antinomiques.

Il lesfait coexister harmonieusement et impartialement chez son esprit.

Superficiellement, le codage de son expressionest totalement changé, qui s’exerce conformément au vocabulaire, à la grammaire et à la syntaxe de languefrançaise.

Néanmoins, les essences de toutes les deux cultures s’unissent par une fonte qui est le fruit de longspassages réciproques entre deux rives, deux mondes.

Quoiqu’il ne puisse choisir qu’une seule langue d’écriture qu’estle français, il juge la langue chinoise comme : « Étant idéographique, elle (la langue chinoise) est reliée sensuellement et même charnellement à l’univers vivant.Cette part-là, je la porte toujours en moi, dans ma manière d’approcher la nature, l’univers vivant ou même le mondehumain sur le plan affectif. [5] » Pour cette raison, ce changement n’est plus une conversion qui crée un nouveau en anéantissant l’ancien, maisplutôt, citons l’expression de Cheng, un mariage.

La réconciliation de deux langues est également le thème de sonpetit essai, Le dialogue, une passion pour la langue française (2002) : la culture française est enfin devenue sa passion et son pays. II.

Vide dans la peinture & littérature chinoises 1. Tout en tenant compte du chapitre précédent, nous nous faisons l’idée que la langue habite la culture, etinversement, la culture nourrit sa langue.

Alors afin de mieux comprendre la conception du Vide dans le domaine desbeaux-arts chinois, Cheng nous invite à commencer par déchiffrer le Vide philosophique.

La première partie de sonœuvre traite dialectiquement les deux aspects du Vide qui sont le Vide en tant que participant du nouménal et celuidu phénoménal. La définition de l’existence est une question principale et éternelle à laquelle toute école philosophique doitrépondre.

Cheng remonte au tout commencement de la philosophie chinoise pour éclairer cette notion.

Vide (Hsu) etPlein (Shih), en d’autres termes plus simples mais très révélateurs, c’est « il y a » et « il n’y a pas », « Être » et« Néant », ou « Avoir » et « Rien » [6].

Quelles que soient les traductions, nous devons saisir l’essentiel de cette opposition : si le Plein désigne littéralement une existence, un être, son contraire, le Vide désigne en contrepartie unnéant où il n’y a aucune existence. A travers le monde, beaucoup ont pour cosmologie l’idée que l’existence est essentielle pour que l’univers puisse seconstruire : s’il n’y a rien, surtout au niveau matériel, le monde ne peut point s’établir à partir d’un zéro absolu.

S’iln’y a même pas de chair, l’esprit ne peut pas se loger.

Pourtant, selon les philosophes anciens chinois, le Vide estl’origine primordiale du cosmos.

Ici, Cheng s’appuie sur les classiques taoïstes, citant Lao-tzu, fondateur du taoïsme,« L’Avoir produit les Dix mille êtres, mais l’Avoir est produit par le Rien. [7] » Il est à noter que ce Vide-là n’est pas un néant inerte, il est un point de départ, une infinité de potentialités à évoluer, qui est perpétuellement eninteraction avec le Plein.

Nous pouvons dire que le Vide occupe une place plus supérieure que le Plein dans ledomaine philosophique.

Tel est son aspect nouménal. Si le Vide possède d’une primauté incontestable dans l’idéologie chinoise, il est aussi important dans le mondematériel en raison de sa forte liaison avec le Tao, car « le Tao a pour l’origine le Vide [8] ».

Le Tao en chinois signifie textuellement la Voie en français, une voie aussi théorique que pratique qui mène vers l’unité de l’homme et sonesprit.

Le sage est celui qui suit révérencieusement la bonne Voie parce que son destin est de chercher la vérité etla beauté de façon que le Tao lui a attribuée.

Donc, le but ultime du peintre est de représenter sa Voie dans sesœuvres, tant par ses conception, compréhension et sentiment, que par les techniques.

Et sur cette voie, bien tenirl’équilibre entre le Vide et le Plein est la plus grande préoccupation.

En fait, à n’importe quel niveau, il faut tenircompte de la relativité et de l’interaction entre le Vide et le Plein au lieu de penser que ces deux notions s’excluent.Ils sont deux marqueurs réciproques : sans l’un, l’autre n’existe plus.

Ainsi, la présence du Vide dans la peinturechinoise est indispensable, voire fatale.. »

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