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Est-ce légitimement que l'on invoque la réalité des faits contre les spéculations de la raison ?

Publié le 27/02/2008

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Existe-t-il un risque, pour la raison, de perdre de vue les faits, ce qui justifierait sa disqualification ?       Eléments pour le développement   * Le danger du recours systématique à la raison : l'oubli des faits    Auguste Comte   « Si l'on a souvent justement déploré, dans l'ordre matériel, l'ouvrier exclusivement occupé, pendant sa vie entière, à la fabrication des manches de couteaux ou de têtes d'épingle, la saine philosophie ne doit peut-être pas, au fond, faire moins regretter, dans l'ordre intellectuel, l'emploi exclusif et continu d'un cerveau humain la résolution de quelques équations ou au classement de quelques insectes : l'effet moral, en l'un et l'autre cas, est malheureusement fort analogue ; c'est toujours de tendre essentiellement à inspirer une désastreuse indifférence pour le cours général des affaires humaines, pourvu qu'il y ait sans cesse des équations à résoudre et des épingles à fabriquer. »   On peut critiquer l'éloignement des faits entraîné par le recours à la raison : Comte y voit dans ce texte un automatisme aussi pernicieux que celui qui consiste à ne s'occuper que de fraction insignifiantes du réel, sans vue d'ensemble. La raison seule semblerait alors éloigner de la saisie du réel, au lieu de permettre cette saisie.   * La nécessité d'un usage pratique de la raison   Aristote, Ethique à Nicomaque   « On a donc raison de dire que c'est par l'accomplissement des actions justes qu'on devient juste, et par l'accomplissement des actions modérées qu'on devient modéré, tandis qu'à ne pas les accomplir nul ne saurait jamais être en passe de devenir bon. Mais la plupart des hommes, au lieu d'accomplir des actions vertueuses, se retranchent dans le domaine de la discussion, et pensent qu'ils agissent ainsi en philosophes et que cela suffira à les rendre vertueux : ils ressemblent en cela aux malades qui écoutent leur médecin attentivement, mais n'exécutent aucune de ses prescriptions. Et de même que ces malades n'assureront pas la santé de leur corps en se soignant de cette façon, les autres non plus n'obtiendront pas celle de l'âme en professant une philosophie de ce genre. »   Il est possible de distinguer deux usages de la raison, et deux rapports différents de la raison aux faits : le premier fait de la raison une instance autosuffisante n'ayant pas besoin d'une application au réel, le second s'efforce de travailler les faits du réel grâce à la raison ; dans ce cas, la réalité des faits et les spéculations de la raison interagissent. La critique des spéculations de la raison ne vaut alors que pour un certain usage, purement abstrait, de celle-ci.     * La raison, créatrice du fait et de la connaissance de celui-ci   Albert Einstein, « On the Method of Theoretical Physics », cité par R.

« * La raison, créatrice du fait et de la connaissance de celui-ci Texte: Einstein et de Léopold Infeld, La théorie est une interprétation du réel « Les concepts physiques sont des créations libres de l'esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire,uniquement déterminés par le monde extérieur.

Dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nousressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d'une montre fermée.

Il voit le cadran et lesaiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n'a aucun moyen d'ouvrir le boîtier.

S'il est ingénieux, il pourra seformer quelque image du mécanisme, qu'il rendra responsable de tout ce qu'il observe, mais il ne sera jamais sûr que sonimage soit la seule capable d'expliquer ses observations.

Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanismeréel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d'une telle comparaison.

Mais le chercheur croitcertainement qu'à mesure que ses connaissances s'accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple etexpliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles.

Il pourra aussi croire à l'existence d'unelimite idéale de la connaissance que l'esprit humain peut atteindre.

Il pourra appeler cette limite idéale la réalité objective.

» Dans ce texte, il s'agit de s'interroger sur les rapports entre la théorie et la réalité.

Les concepts que nous utilisons pourexpliquer la réalité ne sont pas guidés et fournis par le réel, mais sont des constructions de l'esprit humain.

Une telle thèseva alors conduire à s'interroger sur la question de la vérité.

Afin de mieux le comprendre, on peut partir ici de l'analogie :On a beau répéter qu'il nous est impossible d'ouvrir le boîtier, la tentation est grande de s'imaginer le contenu de la montre,son mécanisme.

Or c'est bien là ce qui peut retenir notre attention dans la lecture de ce texte.

Il ne s'agit pas d'uneinterdiction provisoire, conjoncturelle, mais d'une impossibilité principielle : nous ne pouvons voir la réalité physique tellequ'elle est en elle-même, indépendamment de tout sujet observant.

Bref, nous n'avons pas d'accès à la chose en soi.

Lathéorie ne pourra plus dès lors être pensée comme une copie de la réalité (ou alors une copie sans modèle, une copie quin'imite rien) mais bien comme un modèle d'interprétation, d'intelligibilité des phénomènes.

Est-ce à dire qu'il n'y aurajamais aucune connaissance de la réalité, que si toutes les théories ne sont que des interprétations, aucune ne vaut plus quel'autre ? vous pouvez montrer en quoi l'affirmation selon laquelle nous n'avons pas accès au réel en soi ne conduit pasnécessairement à de telles affirmations.

Pour reprendre l'analogie utilisée dans le texte, il y a des images du mécanismes quirendent beaucoup mieux compte que d'autres la manière dont la montre fonctionne.

Enfin, il convient d'insister sur la findu texte qui achève le passage d'un point de vue réaliste naïf à un point de vue idéaliste méthodologique puisque la notionde vérité est définie comme limite idéale de la connaissance de l'esprit humain.

Le rappel de l'impossibilité de toutecomparaison entre la description théorique et la chose elle-même opère en effet une sortie de la compréhension classiquede la vérité comme adequatio intellectus et rei (adéquation de l'esprit et de la chose).

Mais la réalité objective n'est pas laréalité en soi.

Dans une perspective épistémologique, on peut choisir d'attribuer un rôle fondamental, celui de déterminer l'usage que l'onfera des faits et l'interprétation que l'on donnera de ceux-ci, parce que la raison est seule capable de produite une visionsynthétique des problèmes posés par les faits.

Les faits, s'ils ne sont pas déterminés par la raison, sont un amas informe dedonnées ; seule la raison peut rendre leur observation productive et créatrice de connaissance.

Conclusion Si l'on reproche fréquemment à la raison de n'être que pure spéculation et d'oublier les faits, il apparaît cependant que lesfaits sans la raison ne peuvent être considérés comme des objets de connaissance valables : plutôt donc que de disqualifierune des deux instances que sont les faits et la raison au profit de l'une d'entre elles uniquement, il faut plutôt concevoir uneinteraction entre elles : ainsi, les faits et la raison se font mutuellement valoir ; c'est leur conjonction qui est productive.

Ilne faut donc pas répondre au sujet en tranchant pour l'une ou l'autre branche de l'alternative posée entre la réalité des faitset les spéculations de la raison, mais définir une interaction entre eux.. »

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