LESAGE (1688-1747): TURCARET

« A l'acte III, Turcaret vient de subir, devant la baronne, les ironies cinglantes du marquis de la Tribaudière qui a rappelé sans ménage­ ment qu'il fut autrefois laquais de son grand~père et qu'il ne répugne pas, aujourd'hui, à prêter sur gage, à un taux usuraire.

T urcaret essaie de se justifier aux yeux de la baronne, quand il est demandé par l'un de ses commis, M.

Rafle.

M.

TURCARET.

- De quoi est~il question, monsieur Rafle? Pourquoi me venir chercher jusqu'ici? Ne savez~vous pas bien que, quand on vient chez les dames, ce n'est pas pour y entendre parler d'affaires? 5 M.

RAFLE.

-L'importance de celles que j'ai à vous commu- niquer doit me servir d'excuse.

M.

TURCARET.

- Qu'est~ce que c'est donc que ces choses d'importance? M.

RAFLE.

- Peut~on parler ici librement? 10 M.

TURCARET.

- Oui, vous le pouvez; Je sms le maître.

Parlez.

M.

RAFLE, regardant dans un bordereau.

- Premièrement.

Cet enfant de famille à qui nous prêtâmes, l'année passée, trois mille livres, et à qui je fis faire un billet de neuf 1 par votre 15 ordre, se voyant sur le point d'être inquiété pour le paiement, a déclaré la chose à son oncle le président, qui, de concert avec toute la famille, travaille actuellement à vous perdre.

M.

TURCARET.

- Peine perdue que ce travail~là; laissons~ les venir.

Je ne prends pas facilement l'épouvante.

20 M.

RAFLE, apres avoir regardé dans son bordereau.

- Ce caissier que vous avez cautionné 2 , et qui vient de faire ban~ queroute de deux cent mille écus! M.

TURCARET.

- C'est par mon ordre qu'il 3 .•.• Je sais où il est.

25 M.

RAFLE.

- Mais les procédures se font contre vous; l'affaire est sérieuse et pressante.

1.

T urcaret a réellement prêté trois ! neuf mille.

- 2.

Pour lequel vous vous mille livres; mais le jeune homme lui êtes porté garant.

-3.

T urcaret est a si11né une reconnaissance de dette de complice d'une manœuvre frauduleuse.. »