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Pourquoi voulons-nous être libres ?

Publié le 27/02/2008

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Pourquoi voulons-nous être libres ? Construire la problématique Pourquoi ?  ⋄ 2 sens en français : Sens 1 : pour quelles raisons, pour quels motifs ? (comme dans « Pourquoi pleures-tu ?) ⋄ qu’est-ce qui nous pousse à vouloir être libres ?C’est peut-être d’abord le fait de ne pas l’être. C’est sans doute d’ailleurs un présupposé de la question : si nous voulons être libres, cela semble indiquer que nous ne le sommes pas : soit pas initialement, et la liberté est une fin à atteindre ; soit pas du tout, et la liberté est un leurre.Cf. critique spinoziste du libre-arbitre (Lettre à Schuller) : c’est par vanité, par orgueil métaphysique, parce qu’il veut s’exclure des lois universelles qui régissent la nature, que l’homme veut être libre, et se berce dans l’illusion qu’il l’est. C’est le sens implicite de la comparaison avec la pierre qui tombe : l’homme, comme la pierre, obéit aux lois de la nature.Quelles que soient les raisons pour lesquelles nous voulons être libres, elles semblent par définition exclure que nous le soyons, au sens du libre-arbitre : si nous voulons être libres parce que x ou y, alors nous sommes déterminés par ces raisons x ou y à vouloir être libres, donc nous ne le sommes pas… Ici, la liberté (ou l’illusion qu’elle constitue) serait à comprendre comme  indétermination de la volonté (libre-arbitre, ou liberté d’indifférence au sens de la Lettre à Mesland) ; or si ma volonté d’être libre est déterminée par des raisons, un « parce que », elle n’est déjà plus libre (plus indéterminée). Sens 2 : pour quoi ? (Comme dans « Pourquoi coupes-tu du bois ? ») ⋄ dans quel but ? pour en faire quoi, de cette liberté ?2 pistes peuvent alors s’ouvrir : 1). On prend la question au pied de la lettre : de quoi la liberté est-elle un moyen, une condition ?- La liberté peut être une condition du bonheur, compris comme souverain bien. C'est une idée avancée par Epicure dans la Lettre à Ménécée: pour pouvoir être heureux, il faut  se savoir capable de changer sa vie, de la réformer, de ne plus subir le malheur comme un « destin » inexorable. Mais attention : ce n’est pas la liberté qui rend heureux, le bonheur ne réside pas dans le fait d’être libre. Seulement, la liberté se trouve être la condition sine qua non de toute modification de notre vie. C’est parce que le bonheur n’est pas d’emblée donné, mais exige un travail de soi sur soi-même, qu’il faut, non pas « vouloir » être libre, puisque de toute façon nous le sommes, mais vouloir savoir que nous sommes libres (au sens du libre-arbitre). Cf. dernière partie.On peut aussi, toujours dans une perspective épicurienne, comprendre la liberté comme indépendance, autarcie : cette fois, nous voulons devenir libres, à l’égard de nos désirs, de nos passions, du hasard et du monde extérieur, parce que c’est un moyen pour l’ataraxie.-La liberté, comme libre-arbitre, est une condition nécessaire de la responsabilité, donc du caractère juste de la punition. Nous voulons être libres, car sinon aucune morale, ni aucune justice digne de ce nom, ne sont possibles.Rq : c’est aussi le levier de la critique que Nietzsche adresse aux philosophies du libre-arbitre : c’est seulement pour pouvoir punir que les hommes ont inventé la responsabilité, et la soi-disant liberté (libre-arbitre) sur laquelle elle repose. Nous voulons être libres pour pouvoir punir.- Cf. aussi plus largement, et dans une perspective non critique, le texte de Hannah Arendt : nous voulons être libres pour agir, dans le champ moral et dans le champ politique.⋄ au sens du libre-arbitre, mais aussi au sens de l’autonomie, de l’autodétermination : nous voulons être libres pour ne dépendre que de nous. Mais il y a là quelque chose de circulaire : on veut être libres pour être libres ⋄ cela nous renvoie alors à la 2ème piste. 2). On dégage ce que la question peut avoir d’absurde, ou de provoquant : elle semble indiquer, ce qui ne va pas de soi, que la liberté peut être un moyen en vue d’autre chose, et non une fin en soi. Mais la question devient absurde si l’on refuse cela, et si l’on considère la liberté comme un bien absolu, le souverain bien. Cf. la question « pourquoi veux-tu être heureux ? », pour un eudémoniste : c’est une question absurde, vide de sens. Or, on peut tout à fait considérer que la liberté se situe au-dessus du bonheur, et voir en elle un idéal au-dessus duquel il n’y a rien. On veut alors être libres pour être libres, c’est tout, la liberté étant à elle-même sa propre fin.C’est l’un des enjeux du débat Hobbes/Rousseau : pour Hobbes la liberté n’a pas de valeur absolue, c’est pourquoi je peux l’amputer, voire y renoncer, en échange d’autres avantages : la paix, la sécurité (= une certaine idée du bonheur). Pour Rousseau, au contraire, la liberté ne se subordonne à rien d’autre, il n’est pas question d’y renoncer en échange d’autre chose. Cf. La Fontaine, « Le loup et le chien ».Voir le corrigé « Peut-on vouloir le bonheur à tout prix? » ⋄ il peut y avoir une tension entre bonheur et liberté, car on peut préférer la liberté au bonheur. Cf. des contre-utopies comme Fahrenheit 451 (Bradbury), Le meilleur des mondes (Huxley), Matrix (Wachowski), etc. Et si c’est toujours le bonheur, en un sens, que recherchent les héros rebelles de ces contre-utopies, il faut alors opposer un bonheur véritable, et un bonheur illusoire : autrement dit le bonheur, s’il doit se payer au prix de la liberté, est insipide, est un faux bonheur.Dans un cadre non politique, c’est aussi le problème qu’affronte Descartes dans la Lettre à Mesland : il peut y avoir des cas où nous choisissons ce qui est désavantageux pour nous, où nous choisissons contre notre intérêt (cf. Ovide : « Je vois le meilleur et je suis [verbe suivre] le pire »), « pourvu seulement que nous pensions que c’est un bien d’attester par là notre libre-arbitre ». Je peux donc sacrifier mon intérêt, mon bonheur, mon avantage, pour (me) prouver que je suis libre.Cf. le Sous-sol : Dostoïevski s’engouffre ici dans la voie ouverte par Descartes (mais Descartes n’allait pas jusque là) : si la liberté suppose la capacité de choisir A quand j’ai toutes les raisons de choisir B, alors le libre-arbitre peut nous conduire à commettre des actes gratuits, sans motifs, pouvant aller jusqu’au crime sans mobile, au crime que l’on commet alors même qu’il va à l’encontre non seulement de la loi morale, mais aussi de notre intérêt.  On retrouve cette idée chez Gide, dans Les Caves du Vatican, où le « héros », Lafcadio, avec la même indifférence et la même absence de mobiles, un jour sauve la vie d’une jeune fille, l’autre jour tue Amédée Fleurissoire, son compagnon de train. Voulons-nous On distingue en principe la volonté du simple désir, ou du souhait, parce que la volonté est réfléchie, et ne se rapporte à une fin à atteindre qu’en envisageant du même coup les moyens pour y parvenir (elle est « réaliste », ou « pragmatique », pourrait-on dire : en ce sens, on peut désirer être immortel, mais on ne peut pas le vouloir). Or, il est possible d’envisager que la prétendue volonté d’être libres, se réduise en définitive à un simple désir : cf. critique spinoziste du libre-arbitre dans la Lettre à Schuller. On distinguera bien, aussi, le simple caprice de liberté de l’enfant qui désire faire tout ce qui lui plait (conception spontanée de la liberté comme indépendance, comme capacité de faire ce que bon nous semble), de la véritable volonté de liberté, qui repose sur une définition plus subtile de cette dernière, où la liberté, qu’elle soit morale ou politique, a pour condition l’obéissance à la loi – mais à une loi que l’on se prescrit (autonomie). Etre libresVis-à-vis de quoi ?- du déterminisme ? (liberté métaphysique ou libre-arbitre) La question ne peut alors aboutir qu’à des réponses critiques, dans la mesure où sa formulation même présuppose que nous ne sommes pas libres : si la volonté d’être libre est déterminée par des raisons, elle n’est pas libre. Ou alors, il faut rejeter la question comme absurde, en posant, avec Descartes ou Dostoïevski, le libre-arbitre comme bien souverain : on ne veut pas être libre pour autre chose que la liberté.- de la contrainte extérieure ? (liberté morale et politique). Etre libre ici, c’est dépendre de soi, obéir à soi-même ⋄ autonomie (obéir à la loi que l’on se donne), par opposition à l’hétéronomie (obéir à une loi imposée de l’extérieur). Cf. la notion de contrat social : la liberté politique suppose que l’on ne soit soumis qu’au pouvoir que l’on a voulu.Il faut bien voir qu’en ce sens, la liberté n’est pas exclusive de l’obéissance à la loi, au contraire : cette obéissance au devoir, dans le cas de l’autonomie morale, ou au droit, dans le cas de l’autonomie politique, est la condition de la liberté véritable – pourvue que cette loi ne vienne pas de l’extérieur (le devoir, encore une fois, n’est moral que si je choisis librement de m’y soumettre, indépendamment de ce qu’exigent mes parents, la société, l’école ou la religion !). 3 présupposés que l’on pouvait questionner :1°). Le « pour-quoi » laisse entendre que nous voulons être libres pour autre chose que la liberté elle-même ; il suppose que la liberté ne soit pas le souverain bien. Cela peut être remis en question, comme plus haut : on peut vouloir être libre pour être libre, sans que la liberté vise quoi que ce soit d’autre qu’elle-même, et même si elle est parfois en conflit avec le bonheur, le confort, la sécurité, la vie elle-même… Cf. le combat politique, la résistance par exemple : on peut sacrifier son bonheur, son bien-être, son confort, sa vie même, et celle de ses proches, pour la liberté.2°). Si nous voulons être libres, c’est peut-être parce que nous ne le sommes pas. Ce serait la thèse de Spinoza sur le libre-arbitre. Mais attention ce n’est pas un présupposé nécessaire, pour d’autres sens de la liberté : peut-être le simple fait de vouloir être libres fait-il de nous des êtres libres, dans le cas de la liberté morale ou politique. Cf. l'idée de contrat social chez Rousseau : on choisit par une association volontaire d’être libres. On passe alors de la liberté naturelle (indépendance) à la liberté civile (autonomie) : cette dernière forme de liberté étant posée par la volonté des contractants, il suffit bien de le vouloir pour être autonome.3°). La question présuppose enfin tout simplement que nous voulions être libres ; or est-ce bien sûr, de fait ? On peut avoir l’impression que l’homme, au contraire, par paresse ou par lâcheté, préfère parfois la servitude à la liberté.2 références :-La Boétie, Discours sur la servitude volontaire (XVIè s.) : les hommes préfèrent bien souvent une obéissance passive et lâche, à l’émancipation ou à la révolte. Sans cela, comment expliquer que tant de peuples restent si longtemps soumis à un homme ou à une poignée d’hommes, bien inférieurs en force ? Les hommes trouvent en fait souvent leur intérêt dans la servitude, et les tyrans ne gouvernent que parce que les tyrannisés (au moins une grande partie d’entre eux) le veulent bien. L’expérience du régime de Vichy, entre autres (les exemples ne manquent pas), montre que l’on peut parfaitement, de fait, préférer son confort, sa sécurité, sa vie, à sa liberté.-Kant, Qu’est-ce que les Lumières ? On peut avec Kant transposer cette analyse politique dans la sphère de la pensée : apprendre à penser par soi-même (autonomie de la raison), plutôt que de laisser les autres (parents, professeurs, livres, savants, autorités religieuses…) penser à notre place, demande un effort intellectuel que beaucoup, par paresse et par manque de courage, préfèrent ne pas faire. De même qu’il est difficile, pour le petit enfant, de lâcher sa trotteuse pour apprendre à marcher seul (il commencera par tomber), il est difficile et pénible de sortir de l’état de tutelle et d’hétéronomie intellectuelles.⋄ en ce sens, il n’est pas sûr que nous voulions être libres, mais nous devons vouloir l’être. C’est une tâche que nous devons nous imposer. Introduction La volonté que nous avons d’être libres peut apparaître, à première vue, comme allant de soi, de même que la volonté d’être heureux. Il semble naturel (conforme à la nature humaine) de rechercher la liberté, cette faculté qui nous distingue des animaux, et qui fait de nous des êtres à part dans la nature. Mais on peut se demander pourquoi, après tout, nous tenons tant à cette liberté : pourquoi voulons-nous être libres ?         Le « pourquoi » peut s’entendre en deux sens différents. On peut se demander, d’une part, quelles sont les raisons profondes qui poussent l’homme à désirer la liberté. Mais alors, si la volonté d’être libre est déterminée par des raisons, des motifs extérieurs, la liberté, au sens métaphysique du libre-arbitre (indétermination de la volonté), n’est-elle pas par définition illusoire ? Il existe en effet une tension, dans la question, entre le pourquoi (qui renvoie à un principe de causalité), et le libre-arbitre (comme exception au principe de causalité). D’autre part, si l’on se demande pour quoi, dans quel but, nous voulons être libres, il en résulte que la liberté sera toujours soumise à d’autres fins qu’elle-même, et donc ne pourra jamais constituer qu’un moyen en vue d’autre chose ; et en effet il n’est pas sûr que la liberté, de fait, soit désirable par-dessus tout, qu’elle puisse constituer la finalité ultime de nos choix et de notre existence. Ne peut-on pas sur le plan éthique comme sur le plan politique, vouloir renoncer à une partie de notre liberté, afin d’obtenir d’autres avantages (le bonheur, la sécurité) ? Ou bien la liberté doit-elle être considérée comme une fin absolue, et jamais comme un moyen en vue d’autre chose ? Ne faut-il pas, alors, refuser d’instrumentaliser la liberté (en soumettant notre volonté d’être libres à un « pourquoi »), et affirmer que nous voulons être libres seulement pour être libres ?         Après avoir examiné les différentes fins auxquelles la volonté d’être libre peut-être soumise, nous nous demanderons si le fait même de soumettre la volonté de liberté à des finalités extérieures, ou de l’expliquer par des causes, ne rend pas cette liberté illusoire, sur le plan métaphysique, et relative, sur le plan pratique. Mais n’est-il pas possible, voire nécessaire, de penser la liberté autrement, et de s’y rapporter comme à une finalité absolue ? Plan détaillé I. Nous voulons la liberté car elle est un moyen nécessaire pour obtenir d'autres biens/choses (thèse immédiate) 1). L’axiome de la liberté, postulat nécessaire de l’action, dans le champ moral et politique.Cf. texte de H. Arendt (chap.4) 2). La liberté, condition nécessaire de la vie heureuse.Cf. Epicure, Lettre à Ménécée : liberté comme moyen en vue du bonheur, à la fois au sens du libre-arbitre (ne pas subir le malheur comme une fatalité), et au sens de l’auto-suffisance (condition de l’ataraxie). 3). Le libre-arbitre, condition nécessaire de la responsabilité.Cf. Chap. sur le libre-arbitre. Transition : La liberté nous distingue des choses et des animaux : elle fait de nous des êtres agissant (on ne parle pas d’action animale, mais de comportement), des êtres responsables, échappant au déterminisme universel.Mais ceci jette un doute, du coup, sur cette volonté d’être libres : n’est-elle pas illusoire, car comment les actions humaines pourraient-elles échapper au principe de causalité universel (cf. Arendt) ? Et ne se réduit-elle pas, en définitive, au désir vaniteux de se différencier du reste de la nature, pour flatter notre orgueil métaphysique ? II. Mais nous voulons aussi/surtout être libres pour des raisons/causes moins « nobles » (thèse critique) 1). Le désir de liberté (libre-arbitre), fruit de l’orgueil humainCf.critique spinoziste du libre-arbitre dans la Lettre à Schuller : c’est par vanité que l’homme veut être libre, et c’est par ignorance qu’il croit l’être. 2). Le désir de liberté comme conséquence du désir de vengeance.Cf. Nietzsche. 3). Vouloir être libre pour une raison, c’est dèjà ne plus être libre, au sens du libre-arbitre (indétermination de la volonté : capacité de la volonté de se déterminer en l’absence de raison, ou contre toute raison). Cf. définition du libre-arbitre chez Descartes : la liberté d’indifférence suppose l’absence de détermination nécessaire et suffisante par des motifs.Ainsi, dès que l’on se situe dans un cadre causal (quelles sont les causes de la volonté d’être libre ?), qu’il soit matérialiste (quelles sont les causes physiques, physiologiques, biologiques du désir de liberté ?) ou strictement rationnel (pour quelles raisons, bonnes ou mauvaises, voulons-nous être libres ?), on aboutit de toute façon à une réponse déterministe (je veux x parce que y) : le choix humain est déterminé par des raisons, il n’y a pas de libre-arbitre. Transition : la formulation même de la question présuppose que nous ne sommes pas libres. Car si nous voulons être libres pour autre chose, ou si nous voulons être libres en vertu d’autres raisons, le résultat est toujours le même : au sens du libre-arbitre, la liberté est une illusion (la volonté, même celle d’être indéterminée, est toujours déterminée !).Mais la liberté ne peut-elle pas être comprise autrement que comme libre-arbitre ? Cf. autonomie : il suffit peut-être de le décider, de le vouloir, pour être libre.On peut alors peut-être, dans la sphère morale et politique, mais aussi pourquoi pas dans la sphère métaphysique (libre-arbitre), remettre en question le sens même de la question : on ne veut pas être libres pour autre chose que la liberté elle-même ⋄ nous voulons être libres pour être libres, la liberté étant à elle-même sa propre fin. III. La liberté doit être posée comme finalité ultime de la volonté (réhabilitation de la liberté comme fin de l'action: non plus de fait mais de droit) 1). Le contrat social : c’est parce que nous voulons être libres que nous le devenons.Rousseau : le contrat social nous fait passer de l’indépendance à l’autonomie. La volonté des contractants est ici la condition nécessaire et suffisante de leur autonomie. 2). La liberté comme souverain bien2(a) : au sens de la liberté politique. Rousseau contre Hobbes : valeur absolue de la liberté. Nous voulons être libres, et ce n’est pas monnayable. On ne peut pas troquer sa liberté contre la sécurité, ou même contre le bonheur. Cf. « Le loup et le chien », de La Fontaine. Critique du contrat de dupes et du contrat hobbesien.2 (b) : au sens de la liberté éthique. Il n’est pas certain que le bonheur soit le souverain bien. On peut considérer que l’idéal eudémoniste est subordonné à l’idéal de liberté. Cf. Peut-on vouloir le bonheur à tout prix? : le bonheur n’est souhaitable que s’il va de pair avec la liberté ; le bonheur en tant que tel n’est donc pas une finalité absolue.[2 (c) : au sens du libre-arbitre. Cf. Descartes ou Dostoïevski : nous voulons être libres par-dessus tout, et cette volonté peut même nous pousser à choisir ce qui est désavantageux, ou à refuser l’évidence – « pourvu seulement que nous pensions que c’est un bien d’attester par là notre libre-arbitre ». Ce « pourvu que » cela dit doit inviter à la prudence : il y a bien une raison, un motif, qui détermine le choix ici… Il semble donc très difficile d’échapper au déterminisme. ] 3). Mais est-il bien sûr que nous voulions toujours, de fait, la liberté ? que nous nous y rapportions comme au souverain bien ? Ne semble-t-il pas au contraire que les hommes préfèrent parfois, à la liberté, le bonheur, le confort, l’ordre ou la sécurité ? Ne sommes-nous pas enclins souvent, dans nos démocraties contemporaines, à renoncer à certaines libertés, pour plus de sécurité ?⋄ de fait, on constate que l’amour de la liberté n’est pas universel. Cf. La Boétie, Discours sur la servitude volontaire ; Kant, Qu’est-ce que les Lumières ?La volonté d’être libre n’est plus alors posée comme une donnée, mais comme une tâche à accomplir : nous devons vouloir être libres, par-dessus-tout, même au prix, peut-être, du confort et du bonheur. Cette thèse peut se soutenir aussi bien dans la sphère politique que dans la sphère morale (Cf. Kant, texte sur le devoir de ne jamais renoncer à sa liberté, en échange de quoi que ce soit).(N.B. : c’est une thèse possible sur la question, ce n’est pas la seule, car elle ne va pas de soi. On peut tout à fait s’opposer à cette idée que la liberté vaille plus que le bonheur ou que la vie.) Conclusion       Les hommes peuvent vouloir être libres pour donner du sens à leur action, pour fonder la responsabilité, pour pouvoir atteindre le bonheur, ou pour se bercer dans l’illusion de leur caractère supra-naturel, méta-physique, au-dessus de la nature et du principe déterministe qui la régit. A chaque fois, il semble alors que la liberté soit, au mieux, un bien relatif, subordonné à d’autres biens, au pire une illusion, fruit de l’ignorance et de la vanité humaines.      Mais est-il bien sûr que nous voulions être libres pour autre chose que la liberté elle-même ? La liberté n’est-elle pas, de droit sinon de fait, une fin en soi, le bien suprême, la fin architectonique auquel tout est soumis, mais qui n’est elle-même soumise à rien ? La liberté devient alors pour nous une tâche, un devoir. Nous ne voulons pas toujours la liberté, ou en tout cas nous ne la voulons pas toujours par-dessus tout (nous la recherchons pour d’autres raisons, ou en vue d’autres buts) ; mais nous devons la vouloir de manière absolue, et, peut-être, la placer plus haut que l’intérêt, que le bonheur, ou que la vie elle-même.

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