Devoir de Philosophie

« La liberté n'est pas un droit, c'est un devoir. » Nicolas Berdiaev

Publié le 03/08/2010

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Septembre 2007 : des milliers de moines bouddhistes manifestent dans les rues de Rangoon, la capitale birmane, leur désapprobation à l’égard du gouvernement militaire. Quelques semaines de manifestation pacifique alertent ainsi l’opinion internationale, rappelant à chacun l’existence de cette dictature. Et qui dit dictature, dit absence de liberté. « La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir. «, écrivit le philosophe russe Nicolas Berdiaev, lui-même expulsé de son pays en 1922 par le régime soviétique. Bien que la liberté constitue l’un des thèmes majeurs de son œuvre1, de tels événements historiques permettent-ils en effet de considérer la liberté comme un devoir plutôt que comme un droit ? Comment apprécier la liberté, cette valeur notamment si chère aux Français ? Comment analyser la notion de devoir, qui peut prendre des couleurs si différentes aux yeux de chacun? Pour tenter de répondre à ces questions, nous préciserons d’abord ce qui peut légitimer une telle position pour expliquer ensuite les raisons pour lesquelles la liberté peut être définie comme un devoir. Nous évoquerons enfin les conséquences qui peuvent en être tirées. L’article premier de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen2 déclare que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. « La liberté est donc considérée comme une valeur fondamentale et intrinsèque, faisant partie de la nature humaine, pourtant loin d'être acquise sur l'ensemble de la planète. Lorsque la liberté des uns est menacée par les agissements des autres, que cet autre soit une personne ou une institution, il faudra la défendre puisque la voilà menacée. La liberté soudainement bafouée, désapprouvée, doit être sur-lechamp secourue : le devoir de la protéger légitime ainsi le droit de la revendiquer. Ainsi agirent ces moines birmans qui, agacés par la mauvaise foi et la politique injuste de la junte au pouvoir, décidèrent un jour de descendre dans la rue pour le leur faire savoir, impérieusement et sereinement, mus par le besoin d’exprimer leur désapprobation et par la conscience de leur rôle, en d’autres termes le sens de leur devoir – être la voix du peuple et à ses côtés, soutenir physiquement et moralement la population. Agir par devoir fait également partie du système de valeurs de tout un chacun, mais la valeur que nous accordons à cette notion nous fait agir différemment. Les convictions religieuses ou morales d’un médecin pourraient par exemple l’empêcher de pratiquer certains actes médicaux; pour des raisons professionnelles en revanche – serment d’Hippocrate oblige, ce même médecin ne pourra pas révéler à la famille la nature du mal de son patient. Que ce soit donc pour des raisons d’ordre personnel ou déontologique, la liberté de pouvoir choisir son mode d’action répond donc ici à une certaine idée du devoir, qui peut aller de celui de dire la vérité, lorsqu'il faut prêter serment devant un tribunal, à celui de ne pas dire, de devoir taire ou encore de cacher la vérité. Dans un autre ordre d’idées, nous pourrions également évoquer ici notre devoir de citoyen qui, dans nos sociétés démocratiques, nous appelle régulièrement à aller voter. Alors qu’en France, toute personne disposant de ce droit peut choisir de ne pas voter, en Belgique en revanche, le droit de vote constitue un devoir : sous peine d’amende, les Belges doivent se rendre aux urnes. Si d’ailleurs, lors des élections présidentielles de 2001, les Français avaient dû aller voter dès le premier tour, le candidat du Front national aurait-il été évincé ? Dans quelle mesure par conséquent le devoir de voter est-il pertinent ? Est-ce parce qu'en France ce droit ne comporte aucune obligation que l'on oublie bien souvent quel « devoir « civique il représente ?  1 2    Voir notamment « Philosophie de la liberté «, 1911 http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/dudh/1789.asp    Droit défendu par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, certes... Mais ne doit-on pas songer que ce droit est loin d'être acquis dans tous les pays du monde et qu'il représente encore souvent un privilège ? D’un point de vue politique, la liberté n'est-elle d’ailleurs pas surtout un devoir de conscience, de responsabilité devant ce privilège, celui de pouvoir donner son avis et d'être écouté ? Si tel est bien le cas, nous devons penser non seulement à la défendre, mais aussi à éduquer chacun à en être conscient : à trop oublier qu'il s'agit d'un droit auquel tout le monde n'a pas accès, à laisser à d'autres le soin de prendre les décisions sans s'en mêler, nous pourrions voir resurgir des situations de dictature, telles celles qu’a vécues l’Europe au XXe siècle. La liberté est un droit conquis après de longues luttes, et reconnu à tout être humain, même si l'application de la Déclaration est loin d'être universelle, et qu'à l'exemple de la Birmanie, elle doit et devra encore être souvent défendue et réclamée. Elle est aussi un devoir, bien que, comme nous l'avons dit, ce mot puisse prendre un sens différent pour chacun ; il reste qu'il représente une forme de responsabilité vis-à-vis des autres, de soi, de la liberté elle-même, et qu'il est important de ne pas l'oublier. Peut-être faut-il aujourd'hui se poser la question des moyens : moyens de réclamer cette liberté pour ceux qui ne l'ont pas, de la rappeler au souvenir de ceux qui la considèrent comme une habitude, moyens d'être responsables de notre liberté.

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