Devoir de Philosophie

La liberté peut-elle faire l'économie du risque ?

Publié le 24/01/2004

Extrait du document

. Autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est libéré. Si, d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n'avons ni devant nous, ni derrière nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuse. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamné à être libre. » Etre condamné à la liberté signifie être totalement libre et par suite responsable, devant les autres et devant soi-même, d'une conduite qui n'est guidée par aucune valeur prédonnée. Nul Dieu, nulle Eglise, nul credo ne peuvent définir à l'avance notre conduite ni la justifier. A chaque fois, dans chaque situation concrète, nous avons à nous engager, à choisir, à agir, sans qu'aucune ligne de conduite ne soit fixée à l'avance. C'est pourquoi, aussi exaltante que soit notre liberté, elle sonne comme une condamnation, et produit de l'angoisse, cette angoisse que Sartre décrira dans « La Nausée ».

« Dans la conception traditionnelle, l'homme est créé par Dieu, il est produit selon une définition de la naturehumaine.

Ainsi chaque homme existant n'est qu'une réplique ou une version d'une nature humaine, d'une essenceunique, présente dans l'esprit divin.

Sartre conclut que dans cette vision traditionnelle, à laquelle il s'oppose avec vigueur, puisque l'essence précède l'existence : « L'homme des bois, l'homme de la nature, comme le bourgeois sont astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base.

» Or, poursuit Sartre , si l'on est athée, et athée de façon cohérente, il faut poser qu'il y a « au mois un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant d'être défini par aucun concept, et cet être c'est l'homme. » L'homme existe d'abord et se définit ensuite.

Il n'est pas un exemplaire d'une norme ou d'une nature préexistante, ilse fabrique lui-même au cours de l'histoire.

La première signification de la liberté est cette capacité humaine à sedéfinir par soi-même.

Un objet technique, voire un objet naturel, une pierre, ne sont rien d'autre que ce que leurdéfinition préalable nous dit qu'ils sont.

L'homme, à l'inverse, parce qu'en lui « l'existence précède l'essence » a reçu cet étrange privilège de se fabriquer lui-même. Mais « si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est ».

Sur chacun de nous pèse la responsabilité pleine et entière de nos actes et choix.

Nous ne pouvons nous retrancher derrière aucune« nature » qui nous définirait et limiterait notre possibilité d'agir et de nous faire.

Pire : « Nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de tous les hommes ».

En effet, en posant tel ou tel choix politique, affectif, etc.

j'en affirme la valeur, et la valeur pour la totalité de l'humanité. Cette liberté, nous nous la masquons la plupart du temps, car elle est terriblement difficile à assumer.

Il vaut lapeine de citer le passage où Sartre résume et sa position philosophique et son athéisme, et décrit l'angoisse qui peut nous atteindre quand nous comprenons notre liberté. « Dostoïevsky avait écrit : « Si Dieu n'existait pas, tout serait permis ».

C'est là le point de départ de l'existentialisme [...].

Autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est libéré.

Si, d'autrepart, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notreconduite.

Ainsi, nous n'avons ni devant nous, ni derrière nous, dans le domaine lumineux des valeurs, desjustifications ou des excuses.

Nous sommes seuls, sans excuse.

C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme estcondamné à être libre. » Etre condamné à la liberté signifie être totalement libre et par suite responsable, devant les autres et devant soi-même, d'une conduite qui n'est guidée par aucune valeur prédonnée.

Nul Dieu, nulle Eglise, nul credo ne peuventdéfinir à l'avance notre conduite ni la justifier.

A chaque fois, dans chaque situation concrète, nous avons à nousengager, à choisir, à agir, sans qu'aucune ligne de conduite ne soit fixée à l'avance. C'est pourquoi, aussi exaltante que soit notre liberté, elle sonne comme une condamnation, et produit de l'angoisse,cette angoisse que Sartre décrira dans « La Nausée ».

Ainsi nous tentons de nous défaire de cette responsabilité. C'est alors une conduite que Sartre qualifie de « mauvaise foi ». « L'Etre & le Néant » en donne un exemple cocasse.

Soit une jeune femme qui se rend à un rendez-vous galant. Elle sait pertinemment à quoi elle s'attend, mais elle refuse de céder ou de rompre immédiatement.

Elle refuse en unsens de faire usage de sa liberté.

Par suite, dit Sartre dans une description qui est un morceau d'anthologie, elle abandonnera sa main, mais « comme si » elle ne s'en apercevait pas, ce qui est à la fois une façon d'accepter l'invitation et de la dénier : une façon de se démettre de sa capacité de choix.

Cet exemple d'ordre intime peut seredoubler de l'exemple politique de Garcin dans « Huis-clos » : celui-ci refuse de reconnaître qu'il a agi de la dernière des façons possibles dans l'ordre politique en cédant à la lâcheté. Sartre ne nie pas le conditionnement social ou historique.

A l'inverse celui-ci forme des « situations ».

Mais s'il est donné à tout homme d'agir en situation, dans des conditions données, sociales, historiques, familiales, celles-ci nedéfinissent en rien un déterminisme qui aliénerait notre liberté.

En déclarant « nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'occupation allemande », Sartre n'est pas seulement provocant.

Il entend aussi signifier que la liberté d'action et de choix, aussi douloureuse et difficile soit-elle, est toujours entière. La « condamnation » à la liberté signifie que nous sommes responsables d'une conduite qui n'est guidée et justifiée par aucune valeur préétablie, aucune norme, aucun destin.

L'homme est essentiellement un projet, il se définit parses actes, sans qu'aucune excuse ne vaille.

Nous avons à assumer l'angoisse d'une telle liberté, au lieu de sombrerdans la mauvaise foi. À la différence des choses (la carafe d'eau, le coupe-papier...) qui ont été pensées avant d'être réalisées, l'hommen'a pas d'essence prédéfinie, il existe d'abord ; ce qu'il est, il le devient chaque jour par l'ensemble des choix qu'ilopère.

Nous sommes toujours contraints de nous déterminer, sans cesse contraints de choisir: « L'homme est libre,note-t-il, parce qu'il peut toujours choisir d'accepter son sort avec résignation ou de se révolter contre lui.

»Ainsi la liberté s'accompagne-t-elle d'un véritable sentiment d'angoisse.

Que ferai-je? Je n'en sais rien précisémentparce que je suis libre.

Si j'étais bête, machine ou chose, je ne redouterais rien parce que la nature ou quelqueautre concepteur aurait prévu les choses à l'avance pour moi.

Mais je suis libre et de cette liberté naissentl'angoisse, le risque de la liberté.Les hommes aimeraient très souvent feindre de ne pas être libres, faire comme s'ils étaient déterminés à la manière. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles