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Lors de la première représentation d'Antigone, en 1944, l'affiche portait la mention «tragédie». Pensez-vous que les pièces des années trente et quarante inspirées de la mythologie appartiennent au genre tragique ?

Publié le 22/02/2012

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antigone
Introduction Dans les années trente, en réaction au théâtre de boulevard, plusieurs auteurs remettent à l'honneur des thèmes classiques en s'inspirant de la mythologie antique. Si Anouilh fait jouer Antigone en l'intitulant tragédie, cette indication de genre disparaît par la suite. Par ailleurs, Électre est présentée comme une «pièce en deux actes», La guerre de Troie n'aura pas lieu et La Machine infernale portent simplement la mention de «pièce» et Les Mouches sont sous-titrées «drame». On peut se demander à quel genre chacune de ces pièces appartient. S'il semble que le traitement de la plupart de ces pièces s'apparente à celui de la tragédie, leur tonalité, au contraire, et la façon dont elles traitent les personnages se rapprochent plutôt de la comédie. Ce paradoxe s'explique par l'aspect particulier de la notion de transcendance dans ces pièces qui n'est pas toujours, contrairement à ce qui se passe dans le genre tragique, d'essence religieuse.
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« 2.3.

Le burlesqueMais surtout, Giraudoux et Cocteau introduisent une part importante d'humour et de burlesque dans leur pièce.

Lecontraste entre la noblesse des personnages et la gravité des situations et la trivialité de certaines attitudes et decertaines répliques : Jocaste appelle Tirésias «zizi» (La Machine infernale), les petites Euménides révèlent avec uneironie féroce le non-dit de la rencontre entre Clytemnestre et Oreste (Électre, I, 12), Agathe et le président, dansÉlectre, appartiennent au théâtre de boulevard.

De tels exemples sont innombrables : Électre s'adressant àClytemnestre : «je ne suis pas ta petite Électre.

À frotter ainsi tes deux enfants contre toi, ta maternité sechatouille et s'éveille.

Trop tard.» Électre, I, 4) ; Hector demande à Pâris s'il a enlevé Hélène à cheval, «laissantsous ses fenêtres cet amas de crottin qui est la marque des séducteurs» (La guerre de Troie n'aura pas lieu, I, 4).Cette humanisation, cet embourgeoisement parfois des personnages mythiques, l'ironie, le burlesque tiennent plusde la comédie que de la tragédie.

Cette humanisation tend même à prendre le pas sur la transcendance. 3.

Une transcendance, sans essence divine 3.1.

Des héros tragiquesLa présence d'une transcendance divine, c'est-à-dire la manifestation d'un ordre divin, supérieur à l'humain, est unecomposante essentielle de la définition du genre tragique.

Le tragique naît de la confrontation de l'homme avec cequi le dépasse et de l'échec pour l'homme de cette confrontation.

Ainsi la plupart des personnages mythiques dansle théâtre au XXe siècle sont-ils entraînés vers l'accomplissement inexorable de leur destin et sont détruits(Antigone est condamnée, Électre reste seule devant les ruines d'Argos, Œdipe se crève les yeux, Hector assisteimpuissant au déclenchement d'une guerre où il va périr). 3.2.

Une conception non religieuse du destinMais la fatalité de ce destin n'est pas d'essence divine : Antigone obéit à un refus du compromis et à uneintransigeance qui ne doivent pas grand-chose aux dieux, mais à sa soif d'absolu.

Électre est avant tout pousséepar la recherche de la vérité et des considérations de justice et de vengeance, qui sont surtout liées à sa haine desa mère et de son beau-père.

Plus nettement encore, la fatalité qui rend la guerre de Troie inéluctable dans la piècede Giraudoux ne résulte pas de la volonté divine.

Les dieux se contredisent (La guerre de Troie n'aura pas lieu, II,12).

Pour Giraudoux, l'individu est aliéné, certes, mais par la complexité des facteurs, par le hasard, par la multitude.Concours de circonstances et de volontés, voilà ce qui détermine le cours de l'histoire.

Le destin est unenchaînement de causes et d'effets qui échappent à la volonté individuelle, sans être pour autant d'essence divine. La Machine infernale fait une large part au surnaturel, avec le fantôme, le personnage d'Anubis et celui du Sphinx,qui se métamorphose en jeune fille sous les yeux du public.

Mais ce surnaturel est avant tout féerique,spectaculaire.

Il relève d'une esthétique surréaliste, qui n'a pas grand-chose à voir avec la dimension religieuse destragédies. 3.3.

Les Mouches : une pièce de la libertéEnfin, Les Mouches, pièce que Sartre qualifiait lui-même de «tragédie de la liberté», délivrent un sens global quis'éloigne du tragique.

En effet, le meurtre d'Égisthe et Clytemnestre est accompli au deuxième tiers de la pièce.

Letroisième acte est consacré à l'affrontement entre Oreste, le meurtrier et Jupiter.

Oreste refuse de se reconnaîtrecoupable et de se repentir.

Jupiter ne peut rien contre lui.

Oreste est vainqueur et libre, après avoir libéré leshabitants d'Argos du remords qui les hantait.

Le parcours du héros, loin de se clore dans l'échec, s'ouvre sur ledépart d'Oreste.

Cette fin optimiste, dans le sens où Oreste conserve toujours le choix d'assumer son acte, est entotale contradiction avec l'aliénation du personnage tragique. Conclusion : modernisation du tragiqueIl s'avère donc que les sujets traités, la structure des intrigues, le choix des personnages sont fidèles à uneconception tragique du théâtre.

Cependant, l'humanisation des personnages et la fantaisie du style rompent avec lemodèle tragique.

Ce faisant, ils permettent une réflexion moderne sur le rapport de l'homme à la transcendance.. »

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