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Les machines travaillent-elles ?

Publié le 30/01/2004

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Cette expression formelle, physico-mathématique, a aussi en vue quelque chose de pratique et d'économique : il s'agit de rendre raison - mathématiquement - du rendement des machines. Cette optique consiste donc implicitement à considérer que les machines travaillent, thèse qui est subordonnée à l'adoption, pour la notion de travail, d'un sens propre physique et énergétique. Une machine travaille, dans la mesure où elle « communique » une certaine quantité de mouvement, et dans la mesure aussi où on définit le travail comme une quantité de mouvement. b) Le problème qui se posait à ces physiciens, c'est de savoir si le travail physique pouvait être érigé en modèle du travail économique. Si le sens propre du travail est physique, doit-on penser le travail de l'homme à partir de ce modèle érigé en norme, en paradigme ? L'homme n'est-il qu'un moteur parmi d'autres ? Y a-t-il une commune mesure entre la dépense énergétique humaine et celle de la machine ? C'est le pas que n'osent pas franchir les ingénieurs, et l'expression de Navier, qui définit le travail comme une « monnaie mécanique », est dépositaire de cette ambiguïté. Mais même Coulomb, lancé dans un Mémoire sur la force des hommes, ne franchit pas le pas : le sens économique doit rester premier. c) Il n'y a donc pas de commune mesure énergétique, et il faut renoncer à faire du domaine mécanique le modèle du travail.

« Pareille tentative méconnaîtrait d'ailleurs une différence fondamentale entre le travail humain et celui de la machine. a) On peut définir la machine comme une configuration de solides en mouvement telle que le mouvement n'abolit pasla configuration.

Ceci signifie qu'une machine est censée pouvoir fonctionner une deuxième fois après avoirfonctionné une première, et que le bon lave-linge doit pouvoir résister le plus longtemps possible à son proprefonctionnement.

Il n'y a donc pas d'effet en retour du travail sur la machine, ou plutôt : il doit n'y en avoir que lemoins possible, et cet effet en retour s'évalue physiquement.Au contraire, l'effet du travail sur le travailleur humain ne s'évalue pas que physiquement : ce que l'homme tire deson travail, c'est une certaine libération, par la ruse que le travail impose à la nature. b) Ne pourrait-on en profiter pour articuler ces deux sens du « travail », puisque la machine aide l'homme às'abstraire de sa dépendance vis-à-vis de la nature ? C'est que la machine n'est pas l'outil ; et là où l'outil, commeprolongement de la pensée et de la main humaines, épanouit le caractère humain du travail, la machine au contraire,par son autonomie, son automatisme, dépossède l'homme de la maîtrise de l'ouvrage : c'est le socle de l'idée (àmanier avec réserve) selon laquelle les machines remplacent les hommes.

Il est clair que la machine dépossèdel'homme de quelque chose dont l'outil ne le dépossède pas : quand je tiens un outil, ce n'est pas lui, mais moi, quitravaille.

La machine dépossède donc, en faisant retour à la nature physique (la machine met en oeuvre des lois dela nature), le travail de son enjeu culturel humain (voir à ce sujet le cours, première partie, II). III - Seuls les hommes travaillent a) Rétablir cette dimension culturelle, c'est faire glisser le sens propre de la notion de travail depuis le physique etl'économique jusqu'à l'humain.

Si l'on entend par travail une activité culturelle humaine, on dira que seuls les hommestravaillent, et que les machines ne travaillent pas : pareille thèse relève plus d'une exigence conceptuelle que d'uneconstatation de fait.Son premier fondement est l'idée qu'il n'y a pas de travail sans finalité, sans l'idée d'un but à atteindre, idée et butque seul l'homme est capable de fixer : les progrès de l'intelligence artificielle ne déboucheront jamais sur lejugement fin, par une machine, du caractère bon ou mauvais d'une finalité.

La machine n'est qu'un moyen ; ortravailler, c'est se représenter une finalité, d'où d'ailleurs l'aspect si humain et pénible de tout travail. b) Le travail est, comme tel, l'enjeu d'une véritable auto-production humaine ; grâce au « choc en retour » dutravail sur le travailleur, celui-ci se produit littéralement, il devient lui-même par son travail.

Une machine qui délivreune énergie n'est aucunement concernée par cette question d'identité : c'est à l'homme qu'il revient d'avoir àdevenir lui-même. Conclusion L'importance de cet enjeu éminemment culturel (la production, dans le travail, de l'homme par lui-même) exclut doncles machines de toute définition profonde et exigeante de la notion de travail.. »

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