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Mal du siècle

Publié le 22/02/2012

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Il s'agit du sentiment d'ennui et de lassitude extrême dont semble frappée une certaine jeunesse au début du XIXe siècle. L'expression de ce "Mal du siècle" coïncide - ce n'est pas un hasard - avec les premières heures du Romantisme. La publication des Souffrances du jeune Werther de Goethe avait entraîné une vague de suicides dans la jeunesse oisive et nantie d'Europe. Des jeunes lecteurs estimaient, à l'instar du personnage de Goethe, que la vie ne méritait pas d'être vécue, dans la mesure où elle n'offrait plus aucune occasion de réaliser leurs idéaux. Cette épidémie singulière fut le premier symptôme de ce qu'il est courant d'appeler le "Mal du siècle". Chateaubriand met dans la bouche de son double romanesque, René, le diagnostic : "...sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout'. Ce dégoût profond naît d'une insatisfaction sociale très vive. Avec la chute de l'Empire, toute une jeunesse qui rêvait d'aventures et de gloire militaire, se découvre impuissante dans la société figée dont la Restauration offre le spectacle. Le commerce, l'industrie deviennent les seuls domaines où il est permis de manifester son audace. La disparition de l'idéal impérial et l'impuissance des politiques conduisent donc la jeunesse à choisir le repli sur elle-même. Se détournant d'un monde extérieur décevant, les lecteurs de Musset, Chateaubriand, Vigny, partent à la découverte de leur monde intérieur. Loin d'apaiser le mal, ce repli l'avive. Il porte à l'hypertrophie de la sensibilité. Le dégoût des autres se mue en un dégoût de soi qu'une débauche cynique et désespérée ne parvient pas à masquer (Confessions d'un enfant du Siècle, Musset). Le "Mal du siècle" ne touche cependant qu'une infime partie de la jeunesse. Ce sont de jeunes aristocrates désoeuvrés qui vont tirer de ce désoeuvrement et de cet ennui la matière de leur création. Le paradoxe vient en effet de ce que cette impuissance à vivre révèle une étonnante puissance créatrice. Le malaise, lié au sentiment d'être arrivé trop tard dans un monde désormais trop vieux, fait naître l'urgence d'écrire et devient l'une des composantes essentielles du romantisme.

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