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MALEBRANCHE: PASSIONS ET RAISON

Publié le 31/03/2005

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malebranche
De toutes les passions, celles dont les jugements sont les plus éloignés de la raison et les plus à craindre, sont toutes les espèces d'aversions, il n'y a point de passions qui corrompent davantage la raison en leur faveur, que la haine et que la crainte; la haine dans les bilieux principalement ou dans ceux dont les esprits sont dans une agitation continuelle, et la crainte dans les mélancoliques ou dans ceux dont les esprits grossiers et solides ne s'agitent et ne s'apaisent pas avec facilité. Mais lorsque la haine et la crainte conspirent ensemble à corrompre la raison, ce qui est fort ordinaire, alors il n'y a point de jugements si injustes et si bizarres qu'on ne soit capable de former et de soutenir avec une opiniâtreté insurmontable. La raison de ceci est que les maux de cette vie touchent plus vivement l'âme que les biens. Le sentiment de douleur est plus vif que le sentiment du plaisir. Les injures et les opprobres sont beaucoup plus sensibles que les louanges et les applaudissements, et si l'on trouve des gens assez indifférents pour goûter de certains plaisirs et pour recevoir de certains honneurs, il est difficile d'en trouver qui souffrent la douleur et le mépris sans inquiétude. MALEBRANCHE

Le thème de ce texte est la passion. La thèse que soutient Malebranche est la suivante : les passions ne sont pas toutes mauvaises, ne vont pas toutes à l'encontre des jugements ou la raison. Seules celles qui provoquent la crainte et la haine, seules celles qui sont autant d'« espèces d'aversion « sont à rejeter.  Le « bilieux « a tendance à se laisser emporter par ses passions haineuses.  Je peux en vouloir à la Terre entière parce que je crois être le seul à vivre dans la crainte de la maladie de l'avenir, parce qu'un rien bouleverse mon humeur. Je peux également en vouloir aux autres parce qu'ils possèdent une santé moins fragile que la mienne.  Le mélancolique a tendance à se laisser emporter par la crainte. Le mélancolique, parce qu'il ne s'aime pas assez, trop sensible, craint de ne plus être aimé, de ne pas savoir aimer. Pessimiste, le cours des événements prend toujours à ses yeux un tour fâcheux.  Haine et crainte conduisent à défendre, contre les jugements de la raison, des opinions aussi « injustes « que «bizarres «. Parce que je suis malade, je peux critiquer les comportements de mon voisin qui lui est en bonne santé. Je peux craindre que l'on ne m'aime pas (alors que j'en ai besoin) parce que je ne m'aime pas assez, parce que je crois ne pas mériter cet amour.  Les âmes faibles, les âmes «bilieuses«, les âmes mélancoliques «, parce qu'elles sont faibles, sont plus sensibles aux « injures « et aux « opprobres «, qu'aux «louanges « et aux « applaudissements «.  Les passions ne valent la peine d'être vécues qu'à la condition de fortifier la pensée et non de conduire à l'aversion ; c'est-à-dire la négation d'autrui, la négation de la vie qui devient, de la raison qui raisonne.

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