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Manhattan Transfer de John Dos Passos

Publié le 22/02/2012

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Roman publié en 1925; traduit de l'américain par Maurice-Edgar Coindreau, Gallimard, Folio, 505 pages. John Roderigo Dos Passos est né le 14 janvier 1896 à Chicago, mort le 28 septembre 1970 à Baltimore. En partie d'origine portugaise (par son grand-père), il a l'enfance d'un descendant de famille aisée : il fréquente Choate School, entre à Harvard à seize ans, quitte l'université diplômé cum laude. Toute sa vie, il sera reporter et écrivain. Il ne cessera de décrire et de contester la société américaine : « à travers l'ordre social, c'est l'ordre des choses qu'il vise et atteint [..j Et si l'on définit la métaphysique comme un effort pour justifier — ou récuser — l'Etre, on verra que la technique même de U.S.A. est, comme toute bonne technique (suivant le mot si profond de Sartre), grosse de toute une métaphysique » (Claude-Edmonde Magny : L'Age du roman américain.) S'il conte, à sa façon, l'histoire de son pays, il en fait moins un progrès qu'une défaite, lourde d'illusions.
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« Avait-il cessé d'être l'écrivain contestataire des années précédentes, si opposé à l'ordre établi, que certains crurentbon d'expliquer sa tendance à la critique par son propre « roman familial »? Enfant illégitime, mis au monde dans unhôtel de Chicago, il porta d'abord le nom de sa mère, Lucy Madison, passa son enfance avec elle souvent envoyage, à l'hôtel, à l'étranger.

Et certes, certaines scènes de Manhattan Transfer transposent des expériencesvécues (de la vie à l'hôtel à la mort de la mère, sans oublier la quasi-absence du père de Jimmy Herf, le personnagele plus proche du romancier).

Mais la critique biographique et psychologique montre là ses limites : l'explication par lavie rend compte de ce qui reste de celle-ci dans le récit, pas du tout des transformations qu'il opère sur elle, commeon travaille un matériau. LE ROMAN Ni l'isolement total de l'individu dans la ville, ni son absorption par l'univers collectif : la confrontation des destinéesparticulières et de l'engrenage qui les broie, le paradoxe d'une organisation d'ensemble implacable et du désordregénéralisé (multiplicité des solitudes se croisant au hasard).

La Ville : l'ordre par le chaos, le langage par et contre lebruit.Il est très difficile de résumer l'action, de dire ses principaux événements.

Certains critiques ont parlé de roman sansintrigue : l'intrigue est la montée progressive vers l'affrontement d'un petit nombre de protagonistes ou vers lamaturation d'un héros, et la décharge de tensions accumulées.Or ce tableau de la vie new-yorkaise fait se rencontrer des dizaines de personnages appartenant à toutes lescouches de la société.

Beaucoup disparaissent soudainement, d'autres réapparaissent de façon inattendue.

L'action,dès lors, est multilinéaire, discontinue, irrégulière : multilinéaire car elle suit le cours de plusieurs existencesdifférentes : discontinue, car elle passe d'un personnage à un autre, puis encore à un autre, revient à celui surlequel l'éclairage avait été jeté, le perd à nouveau, le retrouve ; irrégulière car cette navette ne fait pas suivre unordre de succession déterminé.Cette construction du récit semble avoir pour fonction de dire ce qu'est la Ville, véritable héros du roman : « la ville,dit un critique américain, est un milieu humain dans lequel des inconnus se rencontrent » (Sennett).

L'expériencecitadine est « cette expérience fascinante, mais dangereuse, qui consiste à vivre dans plusieurs mondes différents,certes contigus, mais malgré tout bien distincts » (Robert E.

Park).On peut remarquer, alors, que le découpage en trois parties correspond à l'évolution d'une telle expérience ; uneévolution négative : la ville est, dans la première partie, perçue comme la Terre promise.

Les émigrants qui arrivent,Bud, Émile, Congo, Jimmy, ont l'espoir d'une vie transfigurée par New York, et, parfois, s'émerveillent devant lesgratte-ciel, le paysage urbain.

Peu à peu l'espoir se change en désillusion, que disent dans la troisième partie lesfuites de Densch, Alice Sheffield, Jimmy, l'envie de Nellie Mac Niel de partir pour l'Europe.

Manhattan n'évoque plusla Terre promise ; on a avancé en vain vers un but qui reculait, on ne croit plus y arriver en franchissant « encoreune rivière avant le Jourdain ».

Le texte dit alors « le fardeau de Ninive », cette cité orgueilleuse d'Assyrie qui secroyait immortelle avant que les Babyloniens ne la détruisent.

Un vagabond annonce l'Apocalypse proche etl'incendie où périt, peu après, Anna Cohen semble en être l'horrible préfiguration. L'ANALYSE Le titre Manhattan est l'un des cinq districts (boroughs) de New York, l'île qui en constitue la majeure partie.

Sesmonuments et ses gratte-ciel sont célèbres.

Déçu, mais aussi fasciné par la cité, l'auteur en chante la beauté aveclyrisme : «Entassés dans l'île étroite, les édifices aux mille fenêtres se dresseront, étincelants, pyramides surpyramides, sommets de nuages blancs au-dessus des orages.

» Et il la rapproche des plus belles villes de l'Antiquité.« Athènes était toute en colonnes de marbre d'or.

Rome reposait sur de grandes voûtes en moellons.

» Si l'histoires'oriente vers le désenchantement, l'ensemble du roman exprime une émotion ambivalente d'amour et de haine.Le titre a été expliqué ainsi par le traducteur français : « C'était une gare de triage où il fallait changer de trainquand on venait du New Jersey et prendre des navettes [..] Manhattan Transfer alimentait New York comme nostrains de banlieue alimentent Paris (M.

E.

Coindreau).

Il peut paraître symbolique que le titre désigne un carrefour,une croisée des chemins, car le récit narre les rencontres, souvent au hasard, de protagonistes et de destinéesmultiples et séparées. Les personnages Pas de personnage central, pas de « héros » autour duquel tout le récit s'organise.

Des dizaines de protagonistesdont les vies parfois se rejoignent.

Certains portent un nom et d'autres pas (le nouveau-né du premier chapitre, parexemple).

Pas de perspective centrale et unique non plus : parfois les impressions et les réflexions sont livrées,parfois même une scène est vécue d'un point de vue subjectif, parfois les êtres sont vus de l'extérieur comme desobjets, et l'on constate leur mimique ou leur comportement.Il est possible toutefois de distinguer, comme Morel, des personnages récurrents, des personnages ponctuels qui nesont que des figurants, mais servent de charnière.

Les plus importants (Ellen, Jimmy Herf et Baldwin) reviennent. »

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