En marge de l'idéalisme dramatique...

« PORTO-RICHE, MIRBEAU, CUREL 621 des écrivains de théâtre écrivent pour être joués, et pour être joués rapidement; or nous avons dit, à propos de la période de 1760-1820, pourquoi toute innovation dans le genre dramatique est particulièrement difficile, et toute évolution particulièrement lente.

Après le coup d'audace du théâtre réaliste et les tentatives du théâtre idéaliste, on verra le réalisme devenir moins agressif et donner seulement à la comédie de mœurs ou au drame bourgeois une matière plus solide, surtout un cadre plus vrai, et l'idéalisme pénétrer le théâtre psychologique traditionnel de notions un peu moins simplistes.

De Porto-Riche (1849-1930) débuta conune poète et dramaturge romantique; il se révéla vraiment en 1891 avec Amoureuse, où un dialogue de théâtre laissait voir par échappées quelques traits d'observation réaliste.

Plus tard, Le Passé (1897) et Le Vieil homme (1911) complétèrent ce Théâtre d'amour.

Classique par la construction de ses pièces, romantique par la toute­ puissance du sentiment, réaliste par la relative impudeur avec laquelle l'auteur dévoile les instincts qui sont comme les racines nourricières du sentiment, Porto­ Riche a immensément plu à un public qui pensait, en l'écoutant, goûter à un art humain, et qu'un style aigu, direct et expressif ravissait comme le langage même de l'humanité.

Tant l'optique théâtrale est déformante 1 Octave Mirbeau (1850-1917), pamphlétaire plutôt que réaliste dans ses romans (L'abbé Jules, 1888; Sébastien Roch, 1890), poursuivit au théâtre ses attaques forcenées contre la tradition sociale, avec Les mauvais Bergers (1897) et Les Affaires sont les Affaires (1903), caricatures qui se veulent féroces, mais qui sont fort simplistes et arbitraires.

François de Curel (1854-1929) débuta tardivement et vécut fort à l'écart du monde littéraire parisien; il médita dans la solitude hautaine de sa vie de seigneur campagnard des pièces audacieuses, franches et drues d'expression, des cas intéressants, des situations morales en rapport avec l'état de la société de son temps.

Pour illustrer ces problèmes préalablement posés, l'auteur invente des situations fortes mais arti­ ficiellement conçues, et les traite avec une éloquence de théâtre, en insérant, dans les grandes scènes centrales, des morceaux de bravoure démonstratifs (L'Envers. »