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Qu'est-ce qu'un marginal ? (Pistes de réflexion seulement)

Publié le 24/03/2004

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Derrida une « inépuisable réserve de sens ». La marge permet les notes marginales, les commentaires... C'est une possibilité de sens qui s'ajoute au sens du texte.Socialement, la marginalité c'est le lieu de la tentative, de la recherche, de l'innovation (qui peut aussi être le retour à d'anciens modes de vie). Lieu de l'ancien, du nouveau, de l'ailleurs. La marginalité entretiendrait aussi des liens avec l'utopie (au sens étymologique » « qui n'est en aucun lieu »).* Le saint, le héros, l'amoureux comme figures de la marginalité. Trois façons d'innover, d'être contre son temps, hors la loi, mais porteur d'une autre loi (le Christ: Don Juan).* Le philosophe. Penser à Socrate condamné par la cité (voir Platon, L'Apologie de Socrate).

« Affirmer ainsi sa différence conduit à user d'un ensemble de signes faisant office de système de reconnaissanceinter-individuel.

La coiffure des jeunes « punks », l'apparence extérieure des membres de certaines sectes, jouentparadoxalement un rôle d'uniforme, pour une classe de personnes qui tiennent à se singulariser.

Les marginauxconstituent même parfois comme de petites sociétés à l'intérieur de la grande.

Dans certains cas extrêmes, commecelui du « milieu », ces micro-sociétés possèdent même, au dire des bons auteurs de romans policiers, des embryonsde règles non écrites, des codes, censés régir les relations des marginaux entre eux.Ne pourrait-on pas tenir, en ce sens, la folie pour le cas limite de la marginalité ? Si la folie n'est pas seulement lenégatif de la raison, si elle réside bien dans l'incapacité de faire partager aux autres un univers délirant, certes, maiscohérent quand même — alors le fou constitue finalement une micro-société réduite à un atome.

La démencepourrait être alors définie comme une marginalité solitaire.

Différence, délinquance et déviance confirment donctoutes trois que le marginal est un minoritaire; celui-ci s'oppose à une norme en vigueur dans la société où il vit.Freud a dit que la maladie mentale est, somme toute, un refuge pour unepersonnalité dissociée.

Mais tout marginal n'est-il pas, par essence, en quêted'un refuge ? Et l'homme « normal » lui-même ne s'adonne-t-il pas, lui aussi, àdes activités ou à des produits qui lui donnent l'illusion qu'il échappe à lamonotonie des jours ? L'ivresse qui achève d'abrutir le travailleur de force, lesvapeurs de l'opium qui font oublier la misère, apportent un bien-être trèspassager dans des vies lourdes comme des croix.

Autre hallucination, plusbanale et bien moins nocive, le rêve nocturne (dont Freud souligne F«abracadabrante » étrangeté dans ses Cinq leçons sur la psychanalyse)s'impose à chacun de nous et révèle un marginal qui sommeille chez l'hommele plus commun et le moins fantaisiste.Certains marginaux ne sont d'ailleurs jamais que des gens qui ont tiré lesconséquences ultimes de leur désir d'échapper à un travail routinier, [nugratifiant, toujours recommencé.

Avant que le chômage ne contraigne »nullement de nombreux jeunes gens à une marginalisation qui n'est pas de leurfait, les clochards étaient considérés comme ceux qui, par choix volontaire,avaient préféré la déchéance au travail.

Quant aux « gens du voyage », ilsjustifient parfois leur mode de vie particulier par le même refus d'un travailépuisant, sédentaire et peu lucratif.Et c'est encore en invoquant leur insatisfaction vis-à-vis de l'organisationsociale du travail que, dans les années soixante-dix, la plupart des membresdes communautés « hippies » ont déserté familles, écoles et autres attachesqui les retenaient jusque-là dans les métropoles urbaines.

De petites sociétés, vivant de l'élevage et d'uneagriculture sommaire, s'approvisionnant à l'occasion à la ville, se constituèrent ainsi à l'écart de la société.

Lamarginalité évoque ici la vie érémitaine, la retraite de l'ermite quittant la société.

C'est que le marginal ne rêvejamais que d'évasion.

D'aucuns ont trouvé occasion, en adoptant ce mode de vie communautaire, de mener leurrêve à son terme..Fourier en était pareillement arrivé à la conclusion que seule la mise en place des phalanstères serait à même derésoudre la question sociale.

Rotation des tâches, propriété collective des instruments de production et libérationdes désirs humains, étaient censés devoir régir ces larges communautés associatives, dont certaines virent d'ailleursle jour çà et là.

L'utopie, qui n'est qu'un rêve à usage politique, nous introduit ainsi au dernier aspect de lamarginalité, qui, pensons-nous, est aussi le plus authentique : le marginal comme révolutionnaire, commecontestataire.Mais, pour mener à bien une entreprise de réforme sociale, mieux vaut, assurément, demeurer dans la société, ypartager les peines des hommes et tâcher d'y porter remède.

Marx a tenu pour dérisoires les diverses « robinsonnades », qui proposent le salut social sous les espèces d'un « bonsauvage » à peine amélioré.

En abolissant tout, elles ne touchent à riend'essentiel : elles laissent la société en l'état.L'assimilation critique de ce qu'offre la société permet mieux que la fuiteindividuelle de conférer au marginal le don de l'efficacité.

Quelquesextrémistes italiens avaient choisi de s'appeler « Indiens métropolitains »;quelles qu'aient été leurs opinions, nous voudrions trouver dans cette formulecocasse la quintessence de la marginalité véritable. (Conclusion) Personnage d'ici et d'ailleurs, étranger par ses espérances à une cité qu'iln'entend point délaisser pour autant, le marginal incarne alors la jeunesse dumonde.. »

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