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LE MARIAGE DE FIGARO : Acte II, scène 1 : La solidarité féminine face à l'épreuve

Publié le 30/07/2010

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mariage

 

INTRODUCTION Dans le premier acte du Mariage de Figaro, comédie de Beaumarchais jouée pour la première fois en 1784, le spectateur découvre une partie de l'exposition : Figaro, le valet du compte Almaviva doit épouser Suzanne, la camériste de la Comtesse, mais le Comte est bien décider à faire capoter ce projet, en faisant de Suzanne sa maîtresse : outre le fait de tromper sa femme, le Comte remet également en cause ses engagements passés en voulant rétablir pour sa servante un droit de cuissage qu'il avait aboli à l'occasion de son mariage. Au début de l'acte II, où se situe le passage que nous allons étudier, nous retrouvons ainsi Suzanne exposant à sa maîtresse la situation qui s'est mise en place à l'acte I. C'est l'occasion pour le spectateur de découvrir pour la première fois, de façon détaillée le personnage de la Comtesse. Et c'est surtout l'opportunité pour Beaumarchais de camper pour la première fois un duo féminin qui, face à l'adversité, va jouer un rôle essentiel dans le reste de l'action. ANNONCE DES AXES I- Puisque le début de l'acte II poursuit les scènes d'exposition développées à l'acte I, nous verrons dans un premier temps ce que cette scène nous apprend sur le nouveau couple maître/valet au féminin qui apparaît pour la première fois ici. II- Puis nous verrons ensuite que cette page est aussi l'occasion de nous dresser, tout en délicatesse, un beau portrait de femme : celui d'une Comtesse blessée et tourmentée par l'amour.

I- LA CONSTITUTION D'UN NOUVEAU COUPLE MAITRE/VALET AU FEMININ A. Le pendant féminin d'un couple maître valet traditionnel 1- Des relations a priori conventionnelles : supériorité hiérarchique de la Comtesse sur Suzanne • Jeu du tutoiement/vouvoiement • Désignations qu'utilise Suzanne et qui montrent bien son infériorité sociale : - "Madame" (l. 3) - "Monseigneur" (l. 5), "sa servante" (l. 6) pour se désigner - Rectification / interrogation de la Comtesse (l. 4) : le Comte ne veut pas la séduire, ce qui serait la mettre au même rang ; il "n'y met pas tant de façons" et veut "l'acheter" (l. 6-7) = montre bien la conscience de son statut • C'est toujours la Comtesse qui mène la conversation, qui pose les questions, Suzanne ne faisant qu'y répondre : on voit qui dirige : - Impératif "conte-moi" (l. 2) - Repérer les différentes questions - C'est la Comtesse qui réoriente la conversation après la parenthèse concernant le page : cf. points de suspensions qui équivalent à un ordre de parler : "mon époux à fini par te dire ?…" (l. 28-29) 2- En //, Suzanne apparaît comme un personnage de soubrette traditionnelle : fidèle à sa maîtresse, mais sachant garder la spontanéité et l'espièglerie de son rôle. • Quand elle rapporte la scène qui s'est déroulée avec Chérubin, elle apparaît comme le messager fidèle de sa maîtresse : - Elle montre son accord avec sa maîtresse : "C'est ce que j'ai dit " (l. 12), de même, elle montre comment, par fidélité pour la Comtesse, elle a voulu enlever le ruban à Chérubin : "J'ai voulu le lui ôter" (l. 20) • En même temps que cette fidélité inébranlable, elle ne se départit cependant pas d'une certaine espièglerie qui caractérise traditionnellement au théâtre les emplois de serviteurs : voir comment elle rapporte l'épisode avec Chérubin, dramatisant avec malice la situation pour mieux aiguiser les sentiments de la Comtesse. - Le point d'exclamation + phrase nominale qui ne donnent que plus de force à l'admiration de Chérubin pour la Comtesse (l. 12-13) - Exagération de l'action : "c'était un lion ; ses yeux brillaient" (l. 20-21) ; elle ne retient volontairement que les propos susceptibles de toucher la Comtesse : "Tu ne l'auras qu'avec ma vie" (l. 21). - En même temps, elle montre ironiquement qu'elle n'est pas dupe de ce petit jeu : "en forçant sa petite voix douce et grêle" (l. 23) = contraste ironiquement avec l'évocation du lion ! TRANSITION Une relation maîtresse/servant qui a priori se situe sur un terrain assez conventionnel. Cependant, à y regarder de plus près, le lien qui unit les deux femmes est bien plus fort et se trouve conforté par la nécessité d'une alliance face à l'adversité que constitue le Comte : plus qu'une maîtresse et sa servante, on a ici deux femmes qui s'allient pour être plus fortes. B. Au-delà des conventions et face à l'adversité, l'alliance de deux femmes 1- Délicatesse mutuelle et recherche d'une réelle complicité • Voir les termes affectifs qu'utilise la Comtesse et qui témoignent d'une réelle affection, au-delà d'une relation maîtresse servante : - Diminutif "Suzon" (l. 4) - "ma pauvre Suzanne" (l. 29) - "ma chère" (l. 35) • En //, Suzanne manifeste beaucoup de tact envers sa maîtresse : - Euphémisme "m'acheter" (l. 6) - Quand elle évoque de façon détournée le trouble visible de sa maîtresse : "C'est que Madame parle et marche avec action" (l. 44). D'un côté comme de l'autre, il y a un respect mutuel qui va au-delà d'une simple relation de classe. On pourrait presque parler ici de relation amicale. • De même, d'un côté comme de l'autre, on sent une totale confiance : - Volonté d'intimité rassurante pour elles deux : "Ferme la porte" (l. 1) - "conte-moi tout dans le plus grand détail - Je n'ai rien caché à Madame" (l.2-3) =vocabulaire de l'absolu qui témoigne d'une confiance mutuelle 2- Des intérêts communs En // de cette proximité affective, il est en outre clair que, face à l'adversité que représente le Comte, les deux femmes ont intérêt à s'allier ; d'où l'évocation dans la fin de la scène du recours à la seule aide commune qui puisse leur être efficace à toutes deux : Figaro (citer les répliques de la fin de la scène). TRANSITION A ce stade de la pièce, et dès leur première apparition côte à côte, l'alliance des femmes semble donc assez solide du fait de leur complicité et de leur solidarité ; mais ce n'est pas le seul intérêt de ce passage qui nous livre aussi, tout en finesse, un magnifique portrait de la psychologie de la Comtesse. II- UN BEAU PORTRAIT DE FEMME : LA COMTESSE A. Une femme amoureuse, en proie aux doutes et au tourment 1- A ce stade, la comtesse apparaît encore amoureuse de son mari : - Champ lexical de l'amour dans son aveu : "Ah ! je l'ai trop aimé ! je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour ; voilà mon seul tort avec lui" (l.36-38) - Les exclamations qui témoignent de son trouble - En // cependant, on voit qu'elle emploie le passé pour évoquer le Comte, et les termes "lassé" (l. 36) et "fatigué" (l. 37) laissent à penser qu'elle ne se fait pas beaucoup d'illusion sur la suite de leur relation : "Il ne m'aime plus du tout" (l. 33) - En apparence, elle semble assez fataliste et lucide : voir les généralisations qu'elle utilise à propos du Comte : "Comme tous les maris" (l. 35), "Les hommes sont bien coupables !" (l. 47) = une manière d'affirmer que ce qui lui arrive est assez commun. Pourtant sous cet apparent détachement, c'est une femme qui apparaît blessée : si ses mots ne la trahissent pas, ce sont ses attitudes qui le font : - cf. didascalie "se lève et se promène en se servant fortement de l'éventail" (l. 32-33) - l. 42-45 : chaleur = tout dans son comportement laisse transpirer sa détresse. 2- Outre cette détresse amoureuse, un autre sentiment un peu contradictoire semble animer la Comtesse : un attachement, un peu trouble, à Chérubin. • Curieusement, c'est la Comtesse qui, au début de la scène, par ses questions va orienter la conversation sur Chérubin = parenthèse qui concerne les lignes 7 à 28. C'est elle qui suscite le rapport de Suzanne : "Et le petit page était présent ?" (l. 7) • Ensuite les nombreux points d'interrogation qui émaillent ses propos témoignent de son vif intérêt pour ce que dit Suzanne (faire le relevé) • Au lieu de s'indigner (ce qui serait l'attitude attendue pour une femme de son rang), elle apparaît complaisante et attendrie : "Mon ruban ?… Quelle enfance !" (l. 19), et les didascalies évoquent de sa part une attitude un peu équivoque : "rêvant" répété à deux reprises, aux lignes 23 et 28. • Curieusement elle met un terme à cette discussion au moment où Suzanne évoque les tentatives de Chérubin pour l'embrasser : trouble ? jalousie ? la porte est ouverte à toutes les interprétations pour le spectateur. à Il y a là, de la part de la Comtesse, une attitude ambiguë qui fait toute la profondeur de son personnage : "Laissons… laissons ces folies…" (l. 28) = les folies sont-elles les siennes ou celles de Chérubin ? Les points de suspension entretiennent habilement l'ambiguïté. B. La richesse du non-dit En fait, toute la profondeur des sentiments de la Comtesse repose dans cette scène sur le non-dit : - De toute évidence, la Comtesse est bien plus blessée par l'attitude de son mari qu'elle ne veut bien l'admettre devant Suzanne, sans doute par pudeur : elle se trahit cependant l'espace d'un instant : didascalie (l. 46) + "Sans cette constance à me fuir…" (l. 46-47) : les points de suspension témoignent ici d'une réflexion intérieure faite de prise de conscience et de regrets tus. - De même, elle éprouve pour Chérubin, bien plus de sentiments qu'elle ne peut (ou ne veut) admettre : voir à nouveau les didascalies et les points de suspension qui témoignent de cela. CONCLUSION

Au terme de cette étude, on voit donc que le début de ce deuxième acte est assez riche en informations : le duo formé par la Comtesse et Suzanne semble mettre en place une complicité assez forte pour entraver les projets du Comte. De même, le personnage de la Comtesse que le spectateur découvre en détail pour la première fois laisse entrevoir des sentiments complexes et ambigus qui risquent de compliquer la suite de l'intrigue : habilement, Beaumarchais suggère sans tout révéler, ce qui témoigne d'un talent dramaturgique remarquable : poussé par la curiosité, le spectateur est déjà projeté dans la suite de la pièce.

 

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« B.

Au-delà des conventions et face à l'adversité, l'alliance de deux femmes1- Délicatesse mutuelle et recherche d'une réelle complicité • Voir les termes affectifs qu'utilise la Comtesse et qui témoignent d'une réelle affection, au-delà d'une relationmaîtresse servante :- Diminutif "Suzon" (l.

4)- "ma pauvre Suzanne" (l.

29)- "ma chère" (l.

35)• En //, Suzanne manifeste beaucoup de tact envers sa maîtresse :- Euphémisme "m'acheter" (l.

6)- Quand elle évoque de façon détournée le trouble visible de sa maîtresse : "C'est que Madame parle et marcheavec action" (l.

44).D'un côté comme de l'autre, il y a un respect mutuel qui va au-delà d'une simple relation de classe.

On pourraitpresque parler ici de relation amicale.• De même, d'un côté comme de l'autre, on sent une totale confiance :- Volonté d'intimité rassurante pour elles deux : "Ferme la porte" (l.

1)- "conte-moi tout dans le plus grand détail - Je n'ai rien caché à Madame" (l.2-3) =vocabulaire de l'absolu quitémoigne d'une confiance mutuelle2- Des intérêts communs En // de cette proximité affective, il est en outre clair que, face à l'adversité que représente le Comte, les deuxfemmes ont intérêt à s'allier ; d'où l'évocation dans la fin de la scène du recours à la seule aide commune qui puisseleur être efficace à toutes deux : Figaro (citer les répliques de la fin de la scène). TRANSITION A ce stade de la pièce, et dès leur première apparition côte à côte, l'alliance des femmes semble donc assez solidedu fait de leur complicité et de leur solidarité ; mais ce n'est pas le seul intérêt de ce passage qui nous livre aussi,tout en finesse, un magnifique portrait de la psychologie de la Comtesse. II- UN BEAU PORTRAIT DE FEMME : LA COMTESSE A.

Une femme amoureuse, en proie aux doutes et au tourment 1- A ce stade, la comtesse apparaît encore amoureuse de son mari : - Champ lexical de l'amour dans son aveu : "Ah ! je l'ai trop aimé ! je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de monamour ; voilà mon seul tort avec lui" (l.36-38)- Les exclamations qui témoignent de son trouble- En // cependant, on voit qu'elle emploie le passé pour évoquer le Comte, et les termes "lassé" (l.

36) et "fatigué"(l.

37) laissent à penser qu'elle ne se fait pas beaucoup d'illusion sur la suite de leur relation : "Il ne m'aime plus dutout" (l.

33)- En apparence, elle semble assez fataliste et lucide : voir les généralisations qu'elle utilise à propos du Comte :"Comme tous les maris" (l.

35), "Les hommes sont bien coupables !" (l.

47) = une manière d'affirmer que ce qui luiarrive est assez commun. Pourtant sous cet apparent détachement, c'est une femme qui apparaît blessée : si ses mots ne la trahissent pas,ce sont ses attitudes qui le font :- cf.

didascalie "se lève et se promène en se servant fortement de l'éventail" (l.

32-33)- l.

42-45 : chaleur = tout dans son comportement laisse transpirer sa détresse. 2- Outre cette détresse amoureuse, un autre sentiment un peu contradictoire semble animer la Comtesse : unattachement, un peu trouble, à Chérubin. • Curieusement, c'est la Comtesse qui, au début de la scène, par ses questions va orienter la conversation surChérubin = parenthèse qui concerne les lignes 7 à 28.

C'est elle qui suscite le rapport de Suzanne : "Et le petit pageétait présent ?" (l.

7)• Ensuite les nombreux points d'interrogation qui émaillent ses propos témoignent de son vif intérêt pour ce que ditSuzanne (faire le relevé)• Au lieu de s'indigner (ce qui serait l'attitude attendue pour une femme de son rang), elle apparaît complaisante etattendrie : "Mon ruban ?… Quelle enfance !" (l.

19), et les didascalies évoquent de sa part une attitude un peuéquivoque : "rêvant" répété à deux reprises, aux lignes 23 et 28.• Curieusement elle met un terme à cette discussion au moment où Suzanne évoque les tentatives de Chérubin pourl'embrasser : trouble ? jalousie ? la porte est ouverte à toutes les interprétations pour le spectateur.à Il y a là, de la part de la Comtesse, une attitude ambiguë qui fait toute la profondeur de son personnage :"Laissons… laissons ces folies…" (l.

28) = les folies sont-elles les siennes ou celles de Chérubin ? Les points desuspension entretiennent habilement l'ambiguïté.. »

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