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LE MATÉRIALISME.

Publié le 11/01/2010

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Né de la physique d' Epicure, le matérialisme de Lucrèce va nous retenir d'abord, en nous fournissant l'occasion de dégager des thèmes caractéristiques du matérialisme, que nous retrouverons ensuite chez les auteurs modernes.

   A) Le matérialisme de Lucrèce.    a) Le premier thème qui apparaît avec vigueur exprime le souci de défendre l'âme de la terreur que la religion fait naître en elle en lui inspirant la crainte des dieux : il faut d'abord prendre conscience du principe « rien ne naît de rien «, qui dissipe la fausse idée d'une création de la nature par un Dieu : « Le principe que nous poserons pour débuter, c'est que rien n'est jamais créé de rien par l'effet d'un pouvoir divin. Car si la crainte tient actuellement tous les mortels asservis, c'est qu'ils voient s'accomplir sur terre et dans le ciel maint phénomène dont ils ne peuvent aucunement apercevoir la cause, et qu'ils attribuent à la puissance divine. Aussi, dès que nous aurons vu que rien ne peut être créé de rien, nous pourrons ensuite mieux découvrir l'objet de nos recherches, et de voir de quels éléments chaque chose peut être créée et comment tout s'accomplit sans l'intervention des dieux. « Le refus d'admettre une création peut exorciser les vaines craintes nées de l'ignorance.  b) Mais de quoi cet univers éternel puisque incréé est-il fait ? Uniquement de matière et de vide : « ... toute la nature, telle qu'elle existe, se compose donc essentiellement de deux choses : les corps, et le vide dans lequel les corps prennent place et se meuvent en tous sens. Pour la matière, le sens commun suffit à en affirmer l'existence : si tout d'abord nous ne posons pas cette croyance comme un principe inébranlable, quand il s'agira de faits plus obscurs, nous ne saurons à quoi nous référer pour rien établir par le raisonnement. D'autre part, si l'étendue, l'espace que nous nommons le vide, n'avait pas d'existence, les corps ne pourraient être situés nulle part, ni se mouvoir dans aucun sens... « Qu'il ne puisse y avoir de troisième principe, c'est ce que Lucrèce nous démontre en ces termes : « En outre il n'existe rien que l'on puisse dire éloigné et en dehors aussi bien de la matière que du vide, et qui se trouverait pour ainsi dire former une troisième manière d'être. Car tout ce qui existe devra par là même être en soi quelque chose. S'il a une masse tangible, si légère et menue soit-elle, elle ira grossir d'une unité grande ou petite, peu importe, pourvu qu'elle existe, le nombre des corps et s'ajoutera à leur total. S'il échappe au toucher, et que d'aucun côté il ne puisse empêcher un corps de le traverser, ce sera évidemment cet espace libre que nous appelons le vide. « La matière est faite de corps analysables en éléments irréductibles, les atomes : « Les corps premiers sont donc d'une simplicité impénétrable, et forment un ensemble homogène et étroitement cohérent de parties irréductibles ; ce ne sont pas des composés hétérogènes provenant du concours de celles-ci, mais ils se prévalent au contraire d'une simplicité éternelle, dont la nature ne permet pas qu'on puisse encore rien retrancher ni soustraire, les réservant pour être les semences des choses. «

« sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile, on assimile la pensée, qui est immatérielle à la bile, qui estmatérielle, c'est-à-dire que l'on énonce une absurdité.

Voici la mise au point proposée par Büchner : « (Le sujet dece chapitre nous a été fourni par l'aphorisme connu de Vogt) : il y a le même rapport entre la pensée et le cerveauqu'entre la bile et le foie ou l'urine et les reins — expression qui a provoqué tant d'injures, et que Vogt lui-même faitprécéder de ces mots : pour m'exprimer en quelque sorte crûment.

Sans nous associer à ces savants, à cesjournalistes et à ces théologiens qui ont fulminé une condamnation générale contre son auteur, nous ne pouvonspourtant nous empêcher de dire que la comparaison n'est pas heureuse.

Malgré le plus scrupuleux examen, nous nepouvons trouver une analogie entre la sécrétion de la bile ou celle de l'urine et le procédé par lequel se forme lapensée dans le cerveau.

L'urine et la bile sont des matières palpables, pondérables, visibles, et de plus des matièresexcrémentielles que le corps a usées et qu'il rejette.

La pensée, l'esprit, l'âme au contraire n'a rien de matériel, n'estpas une substance, mais un enchaînement de forces diverses formant une unité, l'effet du concours de beaucoup desubstances douées de forces et de qualités...

La vapeur rejetée par la machine est une chose accessoire, n'a riende commun avec le but de la machine et peut comme matière être vue et sentie.

Personne cependant ne s'aviseraitde dire que la nature de la machine à vapeur est de produire de la vapeur.

De même que la machine à vapeurproduit du mouvement, de même l'organisation du corps animal composée de substances douées de forces produit,d'une manière analogue, un ensemble d'effets que nous appelons dans leur unité esprit, âme, pensée.

» Ainsisommes-nous invités à ne pas confondre matière avec manifestations de la matière.

Pour qu'il y ait matérialisme, ilsuffit de dériver les phénomènes de l'esprit du fonctionnement de la matière. b) On trouve chez Haeckel une profession de foi qui nous paraît aujourd'hui bien naïve sur la convergence desrésultats obtenus par les différentes sciences quant à la connaissance de l'univers.

L'auteur énonce deux lois quitémoignent de ce progrès et, en un sens, l'achèvent, la loi de substance et la loi d'évolution : la première est une ...« loi cosmologique fondamentale, qui démontre la permanence de la force et celle de la matière dans l'Univers...

»qui est devenue « le guide le plus sûr pour conduire notre philosophe moniste à travers le labyrinthe compliqué del'énigme de l'Univers, vers la solution de cette énigme ».

Elle est complétée par la loi d'évolution, que nous devons àDarwin : « Sans doute, quelques penseurs, chercheurs isolés, avaient parlé depuis des siècles de l'évolution deschoses; mais l'idée que cette loi gouverne tout l'Univers et que le monde lui-même n'est rien autre qu'une éternelle «évolution de la substance », cette idée puissante est fille de notre XIXe siècle.

» C) Le matérialisme dialectique. Le matérialisme de Marx et Engels est d'une tout autre espèce.

Issu d'une réflexion sur la critique de la religion faitepar Feuerbach, sur l'idéalisme de Hegel, sur le matérialisme français du XVIIIe siècle, d'une part, sur les doctrineséconomiques classiques, d'autre part, il peut être caractérisé ainsi : 1.

C'est un matérialisme économique.

Il y a, nous l'avons vu, autant de formes de matérialisme que de sciences : onpeut en ce sens parler d'un matérialisme physique, d'un matérialisme biologique, etc.

Selon Marx et Engels, l'hommeest déterminé par les conditions d'existence économique de son milieu.

Conception qui présente sur les précédentesau moins deux avantages : elle tient compte de l'aliénation, de l'objectivation des forces matérielles de l'homme quitransforment le monde extérieur : « Dans l'industrie ordinaire, matérielle (...) nous avons devant nous, sous formed'objets matériels, étrangers, utiles, sous la forme de l'aliénation, les forces objectivées de l'être humain.

» De plus,elle rend raison de la nature sociale de l'homme, nature qui ne lui est pas conférée extérieurement parl'appartenance à une société, mais qui pénètre son être individuel : « Et même lorsque je suis actif scientifiquement— activité que je puis introduire en communauté directe avec d'autres — je suis actif socialement, parce que je lesuis au titre d'homme.

Ce n'est pas seulement la matière de mon activité qui m'est donnée comme produit social...,c'est ma propre existence qui est l'activité sociale ; c'est pourquoi, ce que je fais de mon chef, je le fais pour laSociété, avec la conscience de le faire uniquement comme être social.

» 2.

C'est un matérialisme historique ; comme le montre la critique faite par Marx au matérialisme de Feuerbach, levieux matérialisme avait le tort d'isoler l'homme de sa situation historique, de fabriquer une notion abstraite d'hommeen général, conçu sans doute comme être physique, mais dont on oublie la situation concrète.

L'homme estdéterminé non pas par des lois physiques ou biologiques s'imposant à lui en vertu d'un mécanisme fonctionnanttoujours semblablement à lui-même au sein d'un univers sans histoire, mais par un conditionnement matériel qui estsitué et daté.

La nature elle-même est soumise à l'histoire. 3.

C'est aussi un matérialisme dialectique dans la mesure, nous l'avons vu, où l'histoire n'est pas une successionsans loi, où le conditionnement économique d'un état de l'individu ou de la société est générateur d'unetransformation qui le modifiera : le capitalisme bourgeois sort nécessairement de l'économie féodale, comme lesocialisme sortira du capitalisme bourgeois.Le matérialisme marxiste est beaucoup plus compréhensif, au sens précis du terme, que les autres formes plusanciennes de matérialisme.

Marx lui-même a pu voir dans sa doctrine une synthèse supérieure dépassant à la foisl'ancien spiritualisme et le matérialisme classique.

Là se trouve la raison pour laquelle nous avons localisé le texte deMarx et celui de Engels dans notre chapitre de conclusion : c'est par cette « compréhension » qu'il influence sifortement la pensée contemporaine.

On le voit dans la théorie des « superstructures » : les manifestations de lapensée, de l'esprit, art, littérature, religion, philosophie, constituent une superstructure de la structure économiqued'une société donnée, et s'en trouvent évidemment fonction; mais il y a réaction de la superstructure ainsi forméesur le conditionnement matériel ultérieur, si bien que la pensée possède une force active et créatrice : née de lamatière, elle modifie la matière : « La conception de la nature et des relations sociales, qui est au fond del'imagination grecque et partant de l'art grec, est-elle compatible avec les machines automatiques, les chemins de. »

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