MAUPASSANT : Le Horla (Fiche de lecture)

« La segmentation temporelle du roman, bien qu'apparemment arbitraire, n'est pas totalement gratuite.

La mêmeremarque vaudrait pour les données spatiales.

Le journal, en effet, se déroule en un lieu unique avec deuxinterruptions correspondant à deux déplacements : — La visite au mont Saint-Michel (décidée le 3 juin, p.

24).

— Le séjour à Paris (annoncé le 10 juillet, p.

28). De là une division possible, assez simple, en cinq parties : 1.

A Rouen, chez le narrateur (du 8 mai au 3 juin, pp.

19à 24).

— 2.

Le mont Saint-Michel (du 4 juin au 1 er juillet, mais description rétrospective dans le journal le 2 juillet, pp.

24 à 26).

— 3.

Le retour à Rouen (du 3 juillet au 10, pp.

24 à 28).

— 4.

Paris (narration immédiate, sur place, du12 au 19 juillet, pp.

29 à 35).

— 5.

A Rouen, chez la narrateur (du 30 juillet au 10 septembre, pp.

35 à 49). Les deux sorties de la chambre marquent deux étapes importantes car elles permettent deux rencontres : Au mont Saint-Michel avec le moine, « homme de Dieu » dont les réflexions sur l'au-delà assurent à la nouvelleune opportune coloration mystique (pp.

25 à 26).A Paris avec le docteur Parent, homme de science qui fonde sur l'expérience un raisonnement dont le sérieuxdonne au récit une caution scientifique. L'interprétation du mal dont souffre le héros (jamais clairement formulée) pourra hésiter entre une attitude religieuseou scientifique et autoriser également les spéculations syncrétiques.

On notera également la disproportion desparties (deux pages pour la deuxième séquence, seize pour la cinquième), la prédominance d'un lieu (Rouen) etl'homologie entre la séquence d'ouverture (1) et celle de clôture (5). 3.

La structure psychologique a/ L'étrange maladie Du 8 au 25 mai, pp.

19 à 33.

Divers symptômes semblent annoncer une maladie naissante : la fièvre (pp.

20 et 21),le froid, l'état cyclothymique, l'insomnie, etc.

Le narrateur va donc consulter un médecin (p.

21), accepte untraitement à base de bromure et de douches.

La crise du 25 mai prépare la mise en doute de l'explication médicale. b/ L'hypothèse de l'invisible Du 2 juin au 5 juillet, pp.

23 à 28.

L'hypothèse de la maladie semble définitivement abandonnée le 2 juin (« Ilme sembla que j'étais suivi », p.

23) et relayée par celle, vaguement pressentie quelques jours plus tôt, d'uneprésence invisible (p.

21).

Le narrateur va chercher les indices susceptibles soit de le distraire, soit de lerassurer.

le moine du mont Saint-Michel, son cocher Jean, ne -font qu'augmenter son inquiétude.

L'épisode dela carafe (5 juillet, pp.

26 à 28) marque l'ultime état de ses hésitations. c/ La confirmation par l'expérience Du 6 juillet au 15 août, pp.

28 à 40.

Le narrateur, qui a formulé clairement l'hypothèse d'une présence inconnue(6 juillet), veut désormais comprendre, Ce sont d'abord les « épreuves surprenantes)) (10 juillet), puisl'expérience de l'hypnose (6 juillet), enfin l'épisode de la rose (6 août) qui viendront apporter les éléments depreuve qui manquaient à sa démonstration.

Il s'interroge encore sur son état, mais admet l'existence d'un autremoi qui agit à sa place et conclut son raisonnement par une affirmation (« Donc les Invisibles existent », p.40). d/ La vérification concrète Du 16 au 19 août (première notation), pp.

40 à 46.

Ce qui était probabilité est devenu certitude.

Le narrateurne doute plus mais voit (cf.

par ex., pp.

42 et 46) réellement des faits anormaux, il nomme cet inconnu qui, du coup, est investi d'une réalité (p.

44). e/ Le duel et l'échec Du 19 août au 10 septembre, pp.

46 à 50.

Un plan de bataille est dressé : le narrateur, sûr de sa découverte, nepense qu'a la détruire, l'annuler, la tuer (pp.

44 et 47).

L'irrationnel n'est plus de croire, mais elle ne pas croire ;l'irra tionnel est d'imaginer le feu capable d'anéantir une réalité menaçante.

Mais l'être invisible résiste aux flammes, comme la vérité à l'oubli ou au mensonge.

Sa disparition se confondra avec celle du narrateur lui-même. Cette structure psychologique explique et redouble les découpages chronologiques et spatiaux.

Par exemple, lescinq étapes de l'évolution du mal correspondent respectivement à 5, 6, 20, 4, 4 notations dans le journal.

L'écrituresuit l'évolution de l'esprit : légèrement préoccupé lors des premiers symptômes, affolé au moment de la prise deconscience (au point de revenir avec une fréquence obsédante au journal senti comme refuge), progressivementabattu et défait quand s'imposent les certitudes. A noter encore sur la question des structures l'effet de « récit dans le récit)) produit par l'aventure de Mme Sablé(16 juillet, p.

30).

Cette séquence est en effet la plus longue du journal, elle se situe à peu près au milieu du récit,elle est relativement indépendante du contenu de l'intrigue, elle met en scène des personnages nouveaux et sedéroule presque entièrement au style direct.

L'analyse montrerait que les étapes dégagées pour le récit principal. »