Mémoires à Goëzman
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) était le fils d'un horloger; il apprit le métier de son père, mais préféra chercher sa voie dans les sphères aristocratiques. Il fut notamment professeur de harpe des filles de Louix XV et juge des délits de braconnage sur les terres royales. Il s'anoblit en 1761 en achetant le titre de secrétaire du roi. Les deux chefs-d'oeuvre de Beaumarchais, ce sont évidemment Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1784), mais ce sont les Mémoires à Goëzman (1774) qui l'ont fait connaître au public.
«
Souper chez le prince
de Conti, où
Beaumarchais fut
hébergé après la
publication des
Mémoires à Goëunan
EXTRAITS ~ ~~~~~~ ~
Beaumarchais parle
de sa confrontation avec madame Goëzman
On n'imaginerait pas combien nous avons
eu de peine
à nous rencontrer, madame et
moi ; soit qu'elle
fût réellement incommo
dée autant de fois qu'elle l'afait dire au
greffe, soit qu'elle eût plus besoin d'être
préparée
pour soutenir le choc d'une
confrontation aussi sérieuse que la mienne.
Enfin nous sommes en présence.
(
...
)
Madame Goëzman, sommée ensuite
d'arti
culer ses reproches, si elle en avait à four
nir contre moi, répondit : « Écrivez que je
reproche et récuse monsieur, parce qu'il est
mon ennemi capital,
et parce qu'il a une
âme atroce connue pour telle dans tout
Paris, etc.
»
Je trouvai la phrase un peu masculine pour
une dame ; mais en
la voyants' affermir sur
son siège, sortir d'elle-même, enfler sa voix
pour me dire ces premières injures,
je jugeai
qu'elle avait senti
le besoin de commencer
l'attaque
par une période vigoureuse pour
se mettre en force ; et je ne lui en sus pas
mauvais gré.
En passant, l'auteur
se plaît à critiquer la justice
On sait bien qu'au rapport des procès un
peu chargés d'incidents, tous les juges ne
peuvent pas apporter le même degré
d'at
tention ; que tous ne sont pas également
frappés de la liaison des faits justificatifs,
surtout quand elle est coupée sans cesse
par
le plaidoyer d'un rapporteur fort de poi
trine, et préoccupé de tête ; de sorte qu'avec
toute l'intégrité et les lumières possibles,
lorsqu'un rapporteur,
à la voix de stentor,
soutient opiniâtrement son avis, il peut
ar
river que les juges, fatigués d'une trop
longue contention d'esprit,
s'accordent
moins qu'ils ne lui cèdent, et que la plura
lité des suffrages se forme alors plus de
l'ennui de disputer, que d'une véritable
conviction de la bonté de l'avis qui prévaut
sur tous les autres.
L'accusé se présente
comme la victime d'une machination
L'importance du cas, du lieu et de la
personne, est établie : en dénonçant le
faux,
j'en ai prouvé la liaison, l'intimité,
l'identité, l'inhérence
à la cause que je
défends.
J'ai montré de plus qu'il n'a
pas tenu à ce faneste magistrat que je ne
fusse écrasé sous le poids d'une
accu
sation criminelle.
J'ai démontré que la
suggestion,
la subornation, le faux, la
cabale et l'intrigue ont été, sans
scru
pule, emplo yés contre moi.
Et dans ce
combat
à outrance, où il faut qu'un des
deux périsse, des gens légers me
blâ
ment d'oser unir la dague à l'épée,
contre un ennemi sans pudeur, qui me
poursuit avec la flamme et le
fer ! ( ...
)
A entendre quelques personnes, je suis
un méchant homme, instrument servile de
je
ne sais quelle haine qui veut, dit-on, perdre
M.
Goëzman ; et pour accréditer ces bruits,
on feint d'oublier que ce
n'est pas moi qui
ai fomenté
la querelle.
Joseph Pâris Duverney, ami et protecteur de
Beaumarchais
NOTES DE L'ÉDITEUR vraie bonté, la vraie sensibilité, celle qui
ne s'évapore pas en phrases et en larmes,
qui est dans le cœur, arme le bras, délie
la bourse :
il fut le meilleur des fils, des
frères, des pères.
Il donnait son argent
comme il le gagnait.
Ce maître intrigant,
de la littérature française, Éditions
Hachette, 1951.
Le succès des
Mémoires, nous l'avons
dit, fut immédiat et large, Beaumarchais se
posant habilement en victime des abus de la
justice.
Preuve de ce succès, le quatrième
libelle des
Mémoires, tiré à dix mille
exemplaires, fut vendu en trois jours.
« Car Beaumarchais, en vrai fils de son
siècle, trouva le secret d'unir l'excellence
du cœur
à l'immoralité foncière.
Il eut la ce
hardi brasseur d'affaires, peu scrupuleux
sur les moyens, fut mêlé dans bien des
scandales, et
n'y parut jamais que comme
dupe :
c'est cela qui le relève ; et il le
savait bien, le drôle, il avait assez d'esprit
pour cela.
» Gustave Lanson, Histoire
1 Sip a-l co no 2 Lauro s-Gir audon 3 ta bleau d e M .
B .
Olli vier (1766 ), c hâtea u d e Versai lles I L au ros -Gir aud on 4 B .N.
« Mme Du Barry fit représenter le second
Mémoire contre le conseiller Goëzman et
Madame, dans les petits appartements de
Versailles, devant le roi : tout était prêt,
découpage et dialogue.
Que nos metteurs
en scène n'étendent-ils l'idée
à l'ensemble
de ces
Mémoires ! » J.
Fabre, Histoire des
Littératures,
Gallimard, 1958.
BEAUMARCHAIS 04.
»
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