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mémoires (littérature)

Publié le 13/04/2013

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1   PRÉSENTATION

mémoires (littérature), témoignage écrit d’événements auxquels l’auteur a participé ou assisté au cours de sa vie publique ou privée. L’auteur des mémoires est en général un personnage public, témoin et/ou acteur de faits historiques. Devenus genre littéraire à la fin du xviie siècle, les mémoires connaissent un grand succès au xviiie siècle.

2   TENTATIVE DE DÉFINITION
2.1   Mémoires et mémorialistes

Le terme « mémoire « au masculin est attesté dès la fin du xiie siècle pour définir une « relation par écrit «, avant d’être le plus souvent utilisé à la fin du Moyen Âge pour les relations de causes judiciaires. Au xvie siècle, avec la parution en 1524 des Mémoires de Philippe de Commynes, le terme au masculin pluriel, « mémoires «, emprunté au latin memoriae (« souvenir rapporté «, « annales «), prend le sens de témoignages écrits d’événements auxquels l’auteur a participé ou assisté. Le genre littéraire naît de cette acception au xviie siècle et désigne avant tout des récits-témoignages d’historiens ou de personnalités qui ne sont pas des écrivains (militaires, hommes d’Église, hommes d’État, nobles, etc.). Par glissement de sens, les mémoires regroupent très vite des textes autobiographiques d’écrivains (galants, courtisans, dames et personnalités du monde, etc.), soucieux de témoigner de leur époque, de leur vie à la cour, par exemple. Au xviie siècle, le genre influence des romans fictifs, construits sur le schéma des mémoires (et qui en prennent le nom), relatant la vie de personnages historiques imaginaires. Le mot « mémorialiste « (1726) s’applique d’abord aux auteurs des mémoires à caractère historique, avant de désigner plus généralement tous les auteurs de mémoires.

2.2   Entre histoire et autobiographie

Les mémoires sont un genre à la frontière entre l’histoire et le récit autobiographique. Proche de la chronique, les mémoires s’opposent au journal par leur caractère rétrospectif, mais peuvent parfois se confondre avec les confessions (les Confessions de Jean-Jacques Rousseau).

Récit subjectif, les mémoires sont des témoignages protéiformes d’événements de l’histoire ou de l’époque vécue par l’auteur. Sources historiques, bien que partiales, les mémoires se distinguent de l’historiographie et des récits des historiens en général par leur focalisation personnelle, mais s’en rapprochent par la volonté de l’auteur de retranscrire une vérité historique. Cependant cette vérité n’est pas la stricte vérité historique des faits, mais une vérité toute personnelle, celle de l’auteur, qui, à travers le prisme de ses souvenirs reconstruit l’histoire.

Les mémoires ne sont pas non plus à proprement parler des autobiographies, telles qu’on peut les définir, car le regard du narrateur-auteur n’est pas centré sur lui-même, mais sur son époque et sur des faits qu’il a vécus. L’auteur propose néanmoins une vision autocentrée de ces événements, et des digressions toutes subjectives. Le genre, s’il témoigne de l’histoire, permet donc également de porter un regard rétrospectif sur soi, en forme de confession (les Confessions de saint Augustin, l’Histoire secrète de Théodore Agrippa d’Aubigné, par lui-même ou la Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même), d’interrogation (Mémoires d’une jeune fille rangée, de Simone de Beauvoir), de libération affective (Mémoires d’un fou, de Gustave Flaubert) ou d’exposition narcissique (Mémoires ou Histoire de ma vie, de Giovanni Giacomo Casanova).

3   HISTOIRE DES MÉMOIRES
3.1   De l’Antiquité au Moyen Âge

Le genre apparaît dès l’Antiquité avec l’Anabase (en grec Anabasis, littéralement « expédition dans l’intérieur d’un pays «) de Xénophon, qui relate l’expédition de Cyrus le Jeune et la retraite des Dix Mille auxquelles l’auteur a participé et assisté. Le roi d’Épire, Pyrrhus, aurait également rédigé plusieurs mémoires sur l’art de la guerre, mais aucun manuscrit n’a été conservé. La Grèce antique ayant ouvert la voie à ce type de relation, les Romains s’en inspirent et rédigent à leur tour des mémoires qu’ils appellent commentaires (commentarii). Les illustres Romains, comme Jules César (Commentaires de la guerre des Gaules ; Commentaires sur la Guerre civile, 44 av. J.-C.), les généraux Sylla et Lucullus (les commentaires de ces deux derniers ont été perdus), racontent sous cette forme leurs souvenirs publics et militaires.

Par ailleurs, certains ouvrages historiques et biographiques peuvent être également rapprochés des commentaires, notamment ceux de Salluste, les compilations de Valère Maxime (Faits et Dits mémorables, ier siècle av. J.-C.), les récits de Procope (Livre des guerres ou Histoire des guerres de Justinien ; Anecdota ou Histoire secrète) ainsi que le 1er Discours (374) du poète grec Libanios.

Au Moyen Âge, les récits des croisades sont les premiers écrits apparentés aux mémoires. Ainsi l’Histoire de la conquête de Constantinople (v. 1207), œuvre de Geoffroi de Villehardouin maréchal de Champagne et croisé, est sans doute l’un des premiers ouvrages du genre en français. C’est cependant Philippe de Commynes qui avec ses Mémoires (1524) donne l’exemple le plus représentatif des premiers mémoires. L’œuvre de ce diplomate dresse les portraits des princes qu’il a côtoyés et évoque les conflits auxquels il a participé. Ses Mémoires sont aujourd’hui considérés comme l’un des premiers ouvrages d’analyse politique moderne, grâce à des portraits avisés et à la juste mesure des causes et des conséquences des événements. À la différence de l’historien ou du chroniqueur, le mémorialiste Philippe de Commynes cherche à mettre en lumière les événements, ou à en donner un témoignage personnel, et se pose en juge, parfois même en moraliste ou en apologiste. De cette époque datent également les Mémoires (posth. 1562) de Messire Olivier de la Marche, un témoignage particulièrement intéressant sur l’histoire du xve siècle.

3.2   De la Renaissance à l’Ancien Régime

Les mémoires à la Renaissances sont souvent des mémoires militaires. Ainsi les Mémoires du maréchal de Florange, dit le Jeune Adventureux (posth. 1735, écrites au xvie siècle) de Robert III de la Marck racontent les campagnes de François Ier et la bataille de Marignan, les Commentaires (posth. 1592) de Blaise de Montluc relatent les guerres d’Italie et les guerres de religion tandis que les Discours politiques et militaires (1587) de François de La Noue analysent la situation politique de la France et la stratégie militaire. Dans la même veine figurent plus tard les Mémoires du Sieur de Pontis, qui a servi dans les armées cinquante-six ans, sous les rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV (posth. 1676) de Louis de Pontis. Davantage historiques, les Registres journaux (rédigés entre 1562 et 1598) du magistrat Pierre de L’Estoile, qui mentionnent les événements importants des règnes de Henri III et Henri IV, les Mémoires historiques (1625) de Guillaume de Saulx-Tavannes, les Mémoires (posth. 1628) de Marguerite de Valois, c’est-à-dire « de qui le peut mieux savoir et de qui a le plus d’intérêt à la vérité de la description […] « ou les Mémoires du Mareschal de Bassompierre contenant l'Histoire de sa vie, et de ce qui s’est fait de plus remarquable à la Cour de France pendant quelques années (1665), qui ont par leur esprit inspiré le duc de Saint-Simon. Parmi les autres mémorialistes importants figurent Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme (Mémoires, posth. 1665), Agrippa d’Aubigné ou le duc de Sully qui rédige des Mémoires (1610) davantage économiques et politiques.

Au cours du xviie siècle, les mémoires deviennent un genre à la mode, chacun veut témoigner de son époque, riche en événements, en intrigues et en secrets. La Fronde, la vie à la cour du roi Louis XIV sont particulièrement commentées et relatées, par exemple. Mais peu à peu se brouille la frontière qui existe entre le mémorialiste annonçant : « Voici ce que j’ai vécu « et l’autobiographe qui promet : « Voici ce que je suis. «. L’un des meilleurs exemples de cette époque sont les Mémoires (1662) du duc de La Rochefoucauld qui, à la frontière entre autobiographie et histoire, donne une vision moraliste de son époque. Beaucoup de mémorialistes des xviie et xviiie siècles entendent par ailleurs servir la gloire d’une maison en immortalisant leurs hauts faits pour leur descendance et, si les Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689 (posth. 1731) de Mme de La Fayette retracent encore l’aventure de leur auteur dans l’histoire, d’autres se rapprochent encore plus de l’autobiographie, imbriquant leur vie privée dans les événements de leur époque.

Ainsi, toujours à la frontière entre l’autobiographique et l’historique figurent les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, petite fille de Henri IV (posth. 1728), les Mémoires sur la cour de France (1692) et les Mémoires secrets de plusieurs grands princes de la cour (1696) de Madame d’Aulnoy. De nombreux autres illustres personnages produisent également des Mémoires, comme Françoise de Motteville, première femme de chambre d’Anne d’Autriche, Marie de Nemours, Jean Hérault de Gourville, l’abbé de Choisy, ou le marquis de Boulainvilliers. Les exemples les plus remarquables demeurent cependant les Mémoires (posth. 1717) du cardinal de Retz et les Mémoires (posth. 1859) du duc de Saint-Simon. Tandis que le cardinal de Retz prévient qu’il met son « nom à la tête de cet ouvrage, pour [l’]obliger davantage [lui]-même à ne diminuer et à ne grossir en rien la vérité «, le duc de Saint-Simon explique qu’« écrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original […] c’est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, de ses travaux… «. Ces deux ouvrages, sommes historiques colossales, sont également reconnus pour leur qualité littéraire, pour leur visée moraliste et leur fine analyse.

À la même époque, l’enthousiasme pour ce genre littéraire fait naître des mémoires de fiction, mettant en scène des illustres personnages imaginaires ou fortement romancés. Ainsi, le public découvre les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière (1672-1674) de Madame de Villedieu ou les Mémoires de Monsieur d’Artagnan (1700) du mousquetaire Gatien de Courtilz de Sandras.

Au xviiie siècle, les mémoires sur la vie militaire et sur la cour sont toujours en vogue (Mémoires du comte de Saint-Priest, de Madame du Hausset, de la baronne d’Oberkirch, de Madame Campan, etc.). Alors que la visée moralisatrice s’intensifie chez certains auteurs, de nombreux courtisans et personnalités, notamment celles qui fréquentent les salons, prennent la plume pour rédiger leurs mémoires (Charles Pinot Duclos, Pierre Victor de Besenval de Brünstatt, Armand Louis de Gontaut-Biron, le cardinal du Bernis, Félicité de Genlis, etc.). Les Mémoires d’un père pour l’éducation des ses enfants (posth. 1804) de Jean-François Marmontel, ou les satiriques Mémoires dans l’affaire Goëzman (1773-1774) de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais sont pour leur part davantage épisodiques, mais d’une grande qualité littéraire.

3.3   De la Révolution au xixe siècle

La Révolution française est marquée par la rédaction d’ouvrages dont les regards sur les événements divergent : les Mémoires (posth. 1823) de Madame Roland, l’une des grandes figures des Girondins guillotinée en novembre 1793, côtoient les Mémoires de Madame la duchesse de Tourzel, gouvernante des enfants de France de 1789 à 1795 et les Mémoires contre-révolutionnaires du monarchiste comte de Rivarol, textes publiés à l’origine dans le Journal politique national. Les Mémoires de Paul Barras, s’ils couvrent cette période révolutionnaire, s’étendent également sur le Directoire, tandis que les Mémoires (1814) de la marquise de La Rochejaquelein offrent un témoignage capital sur la guerre de Vendée.

L’époque est par ailleurs marquée par des ouvrages plus autobiographiques, comme les Mémoires (1791) de Giovanni Giacomo Casanova, ceux du prince de Ligne ou les Mémoires d’une portraitiste (1835) d’Élisabeth Vigée-Lebrun.

Dans la plus pure tradition mémorialiste, de nombreux proches de Napoléon Ier (Commentaires, 1867) rédigent leurs mémoires pour témoigner de la vie de l’empereur, notamment Emmanuel de Las Cases (le Mémorial de Sainte Hélène, 1823) et le général Léopold Hugo (le père de Victor Hugo, Mémoires du général Hugo, 1820). Talleyrand rédige quant à lui à la fin de sa vie les Mémoires du prince de Talleyrand-Perigord (posth. 1891) dans lesquelles il précise qu’il n’« écri[t] pas [ses] mémoires pour [se] justifier de [ses] fautes mais pour [s]’en accuser et quelquefois [se] défendre. « René de Chateaubriand, pour sa part, écrit pendant près de trente ans ses Mémoires d'outre-tombe (première édition en volumes 1849-1850), chef d’œuvre historique, politique, sentimental et poétique. De nombreux écrivains, un peu partout en Europe, entreprennent également de rédiger leurs mémoires, souvent très autobiographiques, comme Carlo Goldoni (Mémoires de M. Goldoni pour servir à l’histoire de sa vie et celle de son théâtre, en français, 1787), Johann Wolfgang von Goethe (Poésie et vérité, 1831) ou les Français Stendhal (Souvenirs d’égotisme, 1832 ; la Vie de Henry Brulard, rédigée en 1835-1836, publiée en 1890), Alexandre Dumas (Mes Mémoires, 1852-1856), George Sand (Histoire de ma vie, 1855) et Victor Hugo (Choses vues, posth. 1887-1900). Des musiciens se lancent également dans des ouvrages mi-autobiographiques, mi-théoriques sur leur vie artistique (Hector Berlioz, Charles Gounod) et beaucoup de personnalités de milieux très différents leur emboîtent le pas, notamment le criminel Lacenaire (Mémoires, posth. 1836), François Eugène Vidocq (Mémoires de Vidocq, chef de la police de Sûreté, jusqu'en 1827, 1828), Louise Michel (Mémoires, 1886), les frères Goncourt (Journal, Mémoires de la vie littéraire, 1887-1896).

3.4   À partir du xxe siècle

Initié au siècle précédent, le déclin du genre s’accentue au xxe siècle. L’appellation « mémoires «, se faisant de plus en plus rare, est régulièrement remplacée par les termes « souvenirs «, « journal « ou « vie «, ou par des titres plus personnels et plus caractéristiques de la période dont l’auteur se fait le témoin. La Belle époque est par exemple décrite dans des ouvrages comme les Pas effacés. Mémoires (posth. 1923) de Robert de Montesquiou. Parmi les témoignages de la Première guerre mondiale figurent des récits historiques romancés (Henri Barbusse, le Feu, Journal d’une escouade, 1916 ; Louis Ferdinand Céline, Carnet du cuirassier Destouches, posth. 1970) qui ouvrent la voie à un nouveau genre de mémoires pendant la Seconde Guerre mondiale (Pierre Clostermann, le Grand Cirque, 1948 ; Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de Guerre, 1942). En règle générale les personnalités politiques et militaires continuent d’utiliser l’appellation « mémoires « : Mémoires de guerre (1954-1959) et Mémoires d’espoir (inachevé, 2 tomes, 1958-1972) de Charles de Gaulle ; les différents mémoires de Winston Churchill . André Malraux a pour sa part rédigé les Antimémoires (1967), pour témoigner d’une façon nouvelle sa rencontre avec l’histoire.

Pour certains récits, la frontière entre mémoires et autobiographie se brouille cependant toujours davantage et les deux genres finissent par parfois se confondre. François Mauriac publie les Mémoires intérieurs (1959) et les Nouveaux Mémoires intérieurs (1965), Simone de Beauvoir les Mémoires d’une jeune fille rangée, Jean-Paul Sartre les Mots. Le mot mémorial rivalise aussi parfois avec le terme mémoires, notamment dans l’œuvre de Marcel Jouhandeau (Mémorial, 1948-1958), et celle de Pierre Mac Orlan (le Mémorial du petit jour, 1955).

4   LES « PSEUDO-MÉMOIRES «

Les mémoires sont parfois présentés comme ceux d’un personnage différent de l’auteur : Mémoires de la vie du comte de Grammont (1713), d’Antoine Hamilton ; les Mémoires et aventures d’un homme de qualité (1728), de l’abbé Prévost. Mais il peut s’agir plus ou moins d’une commodité utilisée par celui-ci pour parler plus librement de lui-même : Restif de la Bretonne écrit sa propre histoire à travers celle de Monsieur Nicolas ou le Cœur dévoilé (1797), Stendhal transparaît plus dans Vie de Henry Brulard (1890) que dans ses Mémoires d’un touriste (1838), et il y a un peu de Marguerite Yourcenar dans ses Mémoires d’Hadrien.

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