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DU MÉRITE ET DU DÉMÉRITE. — DES PEINES ET DES RÉCOMPENSES. — DE LA SANCTION DE LA MORALE

Publié le 20/06/2011

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morale

1. Nous ne pouvons concevoir une action comme juste ou comme injuste, sans concevoir en même temps son auteur, s'il a agi librement et avec connaissance, comme ayant mérité ou démérité. C'est-à-dire que par l'action vertueuse l'homme s'ennoblit, par l'action criminelle il se dégrade.  2. Les hommes ont diverses mesures pour s'apprécier entre eux et distribuer les rangs. Chez les peuples guerriers et dans les professions où un grand déploiement de force musculaire est utile, la vigueur physique est un mode d'appréciation. D'autres modes sont fournis par certains instincts, comme la ruse, la circonspection, le courage, etc. D'autres par certaines circonstances, telles que la fortune, la naissance, la beauté, etc. D'autres par les qualités qui tiennent à notre nature intellectuelle et morale, les affections des divers ordres, les talents, la science, etc. Mais le seul mode qui apparaisse comme déterminant entre les hommes des degrés absolus, c'est celui qui résulte de leurs vertus et de leurs vices.   

morale

« volontiers les autres ; et, sans prodiguer l'éloge à de fausses vertus, il l'accorde avec empressement aux vertusvéritables. II.

Des Peines et des Récompenses. 1.

Comme l'idée de la justice ou de l'injustice d'une action renferme celle du mérite et du démérite de l'agent, cettedernière renferme à son tour celle de la récompense due à la vertu , du châtiment dû au vice.

Le bonheur est conçucomme la fin légitime de la vertu , le malheur comme la fin légitime du vice.

Ainsi à cet axiome que l'homme, dansses actions, doit se conformer au bien qui est sa loi , succède celui-ci , que l'homme vertueux et l'homme vicieux,l'homme qui mérite et l'homme qui démérite, doivent recevoir ou la récompense ou le châtiment de leur conduite.

Lebien comme loi obligatoire, le bonheur ou le malheur comme suite nécessaire de cette loi accomplie ou violée, voilàen deux mots la destinée de l'homme.

L'un de ces points n'est pas plus absolu que l'autre, et il n'est pas moinsrévoltant en soi que le bonheur manque à la vertu et le malheur au crime, qu'il ne l'est que l'homme manque à sondevoir. 2.

Mais ici se place une autre considération.

Quoiqu'il soit absolument indubitable que la vertu est la route dubonheur et le vice la route du malheur, il ne fallait point que la récompense de la première et le châtiment du secondles suivissent trop évidemment et trop promptement.

Car alors la pratique de la vertu et la fuite du vice n'eussentplus été que des calculs, et par suite il n'y aurait plus eu dans la conduite morale de l'homme le désintéressementqui seul en fait le prix.

En d'autres termes, la vertu faite seulement en vue de .la récompense n'est plus la vertupure, et n'est plus aussi digne ni de l'homme ni de son divin auteur.

Il fallait donc tout à la fois qu'il y, eût certituded'avenir heureux pour la vertu, d'avenir malheureux pour le vice, et cette certitude nous l'avons par la conscience;et qu'en même temps cette récompense et ce châtiment ne fussent ni visibles ni instantanés; et c'est pourquoicette fin nécessaire des choses est remise pour son entier accomplissement aux temps qui suivront la vie actuelle.

3.

Ce n'est pas qu'ici-bas la vertu soit condamnée à être privée de sa fin légitime qui est le bonheur, et que le vicesoit libéré de la sienne qui est le malheur; il s'en faut de beaucoup.

Mais ni la récompense, ni le châtiment nesuivent constamment, ni complètement.

D'ailleurs la première récompense de la vertu lui vient de la conscience, etne lui est donnée qu'après son accomplissement, c'est-à-dire souvent après des efforts violents et de grandssacrifices; et quoique les remords qui accompagnent le vice compensent de reste ses avantages quels qu'ilspuissent être, ces avantages ne paraissent pas moins lui être injustement répartis, et il répugnerait qu'ils lui fussentacquis sans retour.4.

En considérant ainsi la vertu et le bonheur dans leur rapport absolu, on est conduit à cette importante réflexion,que la fin actuelle de l'homme n'est pas le bonheur, et la vertu le moyen du bonheur, mais au contraire que cette finest la vertu d'abord, puis le bonheur comme conséquence nécessaire de la vertu.

Au fond il y a identité parfaiteentre notre intérêt et notre devoir; mais ce n'est pas à cause de cette identité que notre devoir est sacré etinviolable; il l'est indépendamment de cette identité, et lors même que cette identité n'est point du tout démontrée.Il ne faut donc point dire : aimons la vertu parce qu'elle nous rendra heureux; mais bien : aimons la vertu parce quetel est notre devoir, et en l'accomplissant, soyons certains qu'elle fera notre bonheur.

Pratiquer la vertu seulementpour être heureux, ce ne serait plus être véritablement vertueux; mais aussi ne pas croire en la pratiquant qu'ellefera notre bonheur, ce serait faire injure à l'auteur suprême des choses.

Il faut éviter deux erreurs : l'une de ne fairede la vertu qu'un calcul utile; l'autre de défendre à l'homme vertueux d'espérer fermement sa récompense. III.

De la Sanction de la Morale. 1.

La récompense est due à la vertu, la peine au crime; mais qui distribuera l'un et l'autre? La répartition de aucuneconstitue ce qu'on appelle la sanction de la morale : cette répartition suppose un pouvoir qui l'opère.

En dehors del'agent vertueux ou coupable, il faut un juge qui prononce sur le mérite et sur le démérite, et qui applique à tous lesdeux sa conséquence nécessaire, la récompense et le châtiment.2.

Cette appréciation, cette application sont faites dès ici-bas, 1° par la conscience morale; 2° par l'ordre établi deDieu; 3° par la société.

Mais c'est dans une autre vie seulement que cette répartition aura lieu dans toute sarigueur.

Ce sera là la dernière et suprême sanction.Il y a donc quatre sanctions de la morale : 1° la sanction de la conscience ; la sanction naturelle ; 2° la sanctionsociale; 3° la sanction divine ou religieuse.3.

La sanction de la conscience consiste dans l'approbation ou la désapprobation intérieures qui nous sont donnéesquand nous faisons le bien ou le mal.

Cette approbation et cette désapprobation invisibles suffisent à elles seulespour compenser ou les peines attachées d'ailleurs à la vertu, ou les avantages concédés accidentellement au vice.Tous les hommes vertueux, seuls témoins compétents quand il s'agit de ce qui se passe en eux, sont unanimes surce point ; et quant aux hommes vicieux, si l'orgueil les empêche souvent de faire l'aveu de leur misère réelle aumilieu de leurs jouissances apparentes, cet aveu leur échappe aussi assez souvent pour qu'il n'y ait pas plus àdouter sur ce point que sur l'autre.

On peut affirmer avec certitude qu'en vertu de ce seul contre-poids intérieur, lemartyr était plus réellement heureux au milieu des persécutions, des haines et des tortures, que l'empereur romain,ordonnateur du supplice, au milieu de ses pompes, de ses festins et de ses débauches.4.

Cependant, quelque vives que soient les jouissances de la conscience pour l'âme vertueuse, quelque cuisantes. »

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