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MERLEAU-PONTY: Autrui comme alter-ego

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

merleau
Autrui ou moi, il faut choisir, dit-on. Mais on choisit l'un contre l'autre, et ainsi on affirme le conflit. Autrui me transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on. En réalité le regard d'autrui ne me transforme en objet, et mon regard ne le transforme en objet, que si l'un et l'autre nous nous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous nous faisons l'un et l'autre regard inhumain, si chacun sent ses actions, non pas reprises et comprises, mais observées comme celles d'un insecte. C'est par exemple ce qui arrive quand je subis le regard d'un inconnu. Mais même alors, l'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie comme pénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible. Le regard d'un chien sur moi ne me gêne guère. Le refus de communiquer est encore un mode de communication. La liberté protéiforme, la nature pensante, le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne l'anéantit pas. Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer. Mais qu'il dise un mot, ou seulement qu'il ait un geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'est donc là sa voix ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible. Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle.MERLEAU-PONTY

 

Autrui, c’est ce qui n’est pas moi. Est-ce pour autant que l’on ne pourra jamais accéder à autrui ? Pour Maurice Merleau-Ponty, le philosophe de la perception, héritier de la phénoménologie de Husserl, il est certain que l’on connaît l’autre dès lors qu’on le perçoit, mais le problème réside dans le mode de perception d’autrui. Comment puis-je avoir accès à l’autre ? Peut-on connaître l’autre comme on se connaît soi-même, ou l’appréhendons-nous seulement comme le reste du monde qui nous entoure, comme un objet ? Dans cette acception, l’expression « alter ego « n’a plus cours, car si autrui est un « autre moi «, il semble qu’on puisse le connaître plus intimement… Quelle est la relation possible avec autrui : c’est tout l’enjeu de ce texte de Merleau-Ponty, extrait de son ouvrage Phénoménologie de la perception.

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« l'appréhende.

2ème partie : sur la possibilité d'entrer en communication avec autrui. -Le nœud du problème soulevé dans le texte se trouve dans la possibilité d'une communication avec autrui.

Merleau-Ponty soutient qu'il y a une communication possible, et qu'elle n'est empêchée que par le regard objectif que l'onporte sur autrui.

Considérer l'autre comme un objet exclu en effet toute possibilité de communication.

Pour lephilosophe, on comprend qu'une communication est possible quand l'objectivation de soi par l'autre est ressentiecomme pénible pour nous.

Si l'on reste indifférent au regard que peut porter un chien sur nous même, nous sommesblessés d'être considéré par un autre être humain comme un simple objet.-L'auteur fait ici entrer en jeu la dialectique de la reconnaissance, c'est-à-dire le désir que l'on a d'être reconnu parautrui (CF.

Hegel).

C'est seulement si autrui reconnaît en nous un alter ego , un être humain et non un objet, qu'une communication sera possible (on ne communique pas avec des animaux ou des objets, mais seulement entre êtreshumains).

La souffrance engendrée par l'objectivation et la négation qu'autrui peut faire de nous résulte de sonabsence de reconnaissance avant même son refus de communiquer.

Car « le refus de communiquer est encore unmode de communication », écrit Merleau-Ponty, car il suppose que si l'on refuse de communiquer, c'est déjà que l'ona établit que la communication était possible, et donc que l'on a reconnu l'autre comme un alter ego .

Par conséquent, la communication pour Merleau-Ponty serait d'abord la reconnaissance, un regard humain porté sur unautre être humain, quand bien même il refuse d'entrer en communication réelle avec lui.

Ce « qui en moi et en autruimarque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne l'anéantit pas », affirme-t-il.-Finalement, l'auteur continue son argumentation en établissant que c'est la communication qui cesse de rendreautrui transcendant, c'est-à-dire extérieur à moi et inaccessible, tel un être qui me dépasse.

Conclusion : Dans cet extrait, Merleau-Ponty réfute l'idée qu'on ne peut avoir accès à autrui, et que nous nions nécessairementl'autre par le regard objectif que l'on porte sur lui.

Pour l'auteur, c'est à nous de considérer l'autre comme un alter ego , d'entrer dans une dialectique de la reconnaissance où nous attendons quelque chose de l'autre.

Autrui n'est pas à considérer comme les autres phénomènes du monde, mais comme un interlocuteur possible.

Car dès lors qu'onrefuse de voir en l'autre un objet et qu'on le considère comme être humain, une communication est déjà établie.L'homme doit se rendre accessible, se livrer au dévoilement, par « sa voix », « un mot », « un geste », qui permet àl'autre de l'appréhender comme un alter ego et non comme une réalité extérieure et indéchiffrable.

On retrouve là dans cette fin du texte l'importance que Merleau-Ponty accorde au corps dans toute son œuvre, comme étant unecondition permanente de l'expérience, et un constituant de l'ouverture perceptive au monde et à soninvestissement.

MERLEAU-PONTY (Maurice).

Né à Rochefort-sur-mer en 1908, mort à Paris en 1961.Il fut professeur à l'Université de Lyon, à la Sorbonne, et, à partir de 1952, au Collège de France.

Disciple deHusserl, il fonda avec Sartre Les temps modernes.

Il s'est surtout occupé de philosophie psychologique, et s'estintéressé à l'existentialisme dans ses rapports avec le marxisme. Oeuvres principales : La structure du comportement (1941), Phénoménologie de la perception (1945), Humanisme et terreur (1947), Sens et non-sens (1948), Eloge de la philosophie (1953), Les sciences de l'homme et laphénoménologie (1953), Les aventures de la dialectique (1955), Signes (1961).. »

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