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Milan Kundera: « En nous offrant la belle illusion de la grandeur humaine, le tragique nous apporte une consolation. Le comique est plus cruel : il nous révèle brutalement l’insignifiance de tout. »

Publié le 05/03/2012

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kundera

Ce qui est une spécificité de l’homme, c’est cette tendance à l’égocentrisme, et cette nécessité éternelle de devoir sans cesse se justifier dans ses actes. Il leur invente un but, et tout alors prend un sens. L’homme se sent bien dans ce monde créé par lui, et pour lui. Le christianisme est l’un des exemples les plus prenants de la tentative de l’homme à régir et comprendre le monde qui l’entoure et ce qu’il est réellement. L’homme se sent grand, majestueux dans sa création, il s’y sent bien. Cette citation de Kundera, tirée de l’art du roman, nous dévoile toute la condition humaine et l’envie de l’homme d’être ce qu’il définit comme étant le meilleur. Il y a aussi toujours une idée d’opposition chez l’homme, entre le vrai et l’illusion. Mais ce qu’il pense être la vérité se révèle bien souvent, et cela a généralement lieu après avoir subi de lourdes pertes, de lourds déchirements, n’être qu’une belle illusion. Mais pourquoi l’homme se cantonne-t-il sans cesse dans ce monde illusoire ? Est-il si rassurant ? Cette grandeur humaine dramatique, dont le tragique est si bon représentant, cette grandeur humaine qui ne peut pas, dans son esprit, être vaine, irréelle.

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« L’homme, comme dit plus tôt, a toujours cherché un sens à sa vie.

Il a inventé au cours de l’histoire plusieursexplications à son existence.

Au fur et à mesure, il est parvenu à croire complètement que tout n’était pas en vain,que le hasard n’existait pas.

Même les scientifiques, aujourd’hui, croient en une énergie supérieure qui constitueraitla matière.

Il est plus facile d’imaginer que tout à un sens, alors que tout peut sembler fruit du hasard.

Et c’estencore mieux, si toute chose à un sens dans l’optique de la grandeur humaine.

L’homme, dans son égocentrisme, secroit responsable de beaucoup de choses, que tout ce qu’il fait a un sens et que tout est pour le mieux.

Bien sûr, ilfait des erreurs, mais en faisant ces erreurs, il prouve toute de même que tout a un sens.

Il se sent bien, dans cemonde plein de lois, de règles, dictées par lui.

Il a créé ce monde, il est conforme à cet univers.

Il est rassuré. Puis vient le comique.

Le comique qui tourne en dérision tout ce qui est, qui montre le mauvais côté de la« grandeur humaine » et l’insignifiance de tout.

Le comique est « cruel », il ne ménage pas l’homme, il ne le rend pasplus beau, plus émouvant.

Il lui montre ce qui est, parfois même en exagérant les côtés les plus négatifs de l’illusionde la grandeur humaine, mais en restant dans des tons bien plus justes que le tragique.

Le comique se moque detout, il n’a peur de rien, et le prouve.

Il nous montre l’insignifiance de nos vies en les tournant en dérision, tout cequ’on fait est sujet au comique.

On n’y échappe pas.

Il est cynique, ironique dans l’horreur.

Il est plus brutal parceque plus vrai.

Le comique nous montre que ce que nous pensions acquis, certain, ce que nous pensions avoir unsens, n’est rien, que la belle farce de l’humanité est ancrée en nous.

Kundera a longtemps étudié le rire, et le plaisir,j’ose donc dire qu’il sait de quoi il parle. Charlie Chaplin est le parfait maître du comique cruel.

Il traite de sujets difficiles, en les rendant drôles.

La critiquemajeure dans ses films est une critique de cette grandeur humaine, ou plutôt de sa décadence et de tout ce qu’ellea de réellement affreux.

Aussi ses films nous paraissent-ils si vrais, et si virulents.

Ils nous montrent l’absurdité detout ce que l’on pensait sensé, de tout ce que l’on pensait certitudes.

Ils nous révèlent durement l’illusion danslaquelle nous vivions.

Ils se moquent de tout avec une grande maîtrise.

Ils choquent par leur vérité et leur force.Cela fait douter l’homme.

À nouveau, il voit son illusion de grandeur humaine détruite, ou tout du moins ébranlée.

Lecomique donne un charme à l’horreur, ce qui la rend bien plus brutale, bien plus vivante.

L’humour dans le malheurrenforce justement la portée de ce malheur.

Le comique est simple, il ne s’embarrasse pas de fioritures, c’est aussien cela qu’il est plus dur à « avaler ».

Le comique ne rend pas les situations plus simples, au contraire, il en aggravepresque l’effet.

Voltaire manie l’ironie avec brio, et grâce à cette ironie, ses contes semblent bien plus véridiques,bien qu’exagérés dans leur horreur, qu’un film majestueux sur la vie d’un soldat, pour prendre un exemplequelconque.

Le comique est une éternelle critique.

Le sens que l’homme a voulu donner à toute chose n’existe plusdans le comique, il disparaît.

Toutes les choses que l’on pensait importantes, que l’on pensait placées trop haut pourqu’on s’en moque, sont alors jetées à terre.

On peut rire de tout, c’est une certitude, et surtout de l’homme, et deson insignifiance.

Les efforts de l’homme, nos efforts, sont donc vains.

Qu’elle est dure, la condition humaine ! L’opposition entre le tragique et le comique est donc l’opposition entre l’illusion et la vérité.

Ce tragique qui cache,qui adoucit, ce comique qui révèle, qui brutalise.

La question soulevée par cette citation est vaste.

Ma réflexion estplus explicative qu’argumentative.

J’ai tenté, avec une certaine ironie, d’esquisser une partie de la conditionhumaine.

Cet éternel déchirement qui fait de l’homme ce qu’il est.

Entre vérité et faux-semblants, c’est si facile decroire, et des croyances, le tragique s’en accommode fort bien.

La vérité est souvent plus dure à admettre, et, sansvouloir trop rentrer dans la personnification, le comique la sert avec un dévouement presque acharné.

Kundera lui-même a extrêmement bien compris la nature humaine, ces livres sont des condensés de l’humanité.Dans l’insoutenable légèreté de l’être , la belle illusion de la grandeur humaine est bien représentée et les personnages de ce livre sont les hommes qui doutent et qui tentent de trouver la vérité.

Cependant, je ne dirais pasque ce livre n’est pas tragique, et en cela, il montre bien qu’il faut vérité et illusion, tragique et comique, pour faireune œuvre, pour faire un homme, pour donner un vrai sens à la vie.

Il faut faire attention à ne pas dénaturer la viedans le comique, et à ne pas trop la référer au tragique.

En conclusion, je dirais donc qu’un équilibre est nécessaire.L’idée que le comique apporterait plus de vérité est, pour ma part, une certitude.

Mais je ne pense pas qu’il failledire que le tragique est néfaste, de loin pas.

Sans lui, sans la catharsis, sans sa consolation, qui sait si l’hommearriverait encore à faire de belles choses ? Car il en fait, c’est indéniable.

Qui sait s’il ne deviendrait pascomplètement dément ? À trop vivre dans l’insignifiance de tout, je pense que nous serions condamnés à la folie.. »

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