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Mirabeau musicien

Publié le 05/03/2011

Extrait du document

mirabeau

   Dans ses Causeries du Lundi, Sainte-Beuve nous a très bien montré Mirabeau arrêté par son père au seuil de toutes les carrières qu'il eût pu embrasser, et se repliant sur lui-même, repaissant au hasard son esprit « affamé de connaissances «, de tous les objets qui se présentaient à lui. Ce père le comparait à une « grosse éponge « se gonflant des idées ambiantes, et, même après leur réconciliation apparente, en 1781, s'exprimait encore ainsi : « Il ne s'applique à rien, mais saisit tout... De quelque art, science, littérature... que vous lui parliez, il en sait trois fois plus, enlève tout, brouille tout, mais il affirme avec une sécurité et une chaleur qui en imposent «. L'art musical devait principalement s'imposer à son appétit. Il aimait la musique «; qui le délassait «, ainsi qu'il nous le confie. Une occasion s'offrant à lui d'en raisonner, ii n'était pas homme à la laisser perdre.   

mirabeau

« supérieur dans cette dernière composition que son sujet est plus élevé ». Cependant l'œuvre a été sévèrement appréciée, et par des juges « qui n'avaient pas même la connaissance descaractères de ila musique ».

Mirabeau, qui probablement ne 'la possède guère davantage, va néanmoins leurrépondre de sa meilleure encre. D'abord il nous rapportera deux des objections par lui recueillies, la première d'ordre général, la, seconde d'ordre toutà fait spécial. « Les uns se sont écriés : Quelle folie, quelle présomption que de vouloir raconter une, histoire en musique ! Lesautres ont déclaré quils n'entendaient rien là qui ressemblât à Télémaque ».

Or, selon Mirabeau, M.

R...

pourraitrépondre à ses Aristarques : « Messieurs, si je vous ai fait plaisir, n'est-ce pas assez ? » Evidemment ! et Voltairen'avait pas mieux dit en ses vers : J'entends crier : Lulli, Campra, Rameau, Bouffons ! Etes-vous pour la France ou bien pour l'Italie ? — Je suis pour mon plaisir, Messieurs... D'ailleurs, va-t-on exiger du malheureux musicien « qu'il montre la grotte de Calypso, et ses beaux yeux, et ceuxd'Eucharis ?...

» Sur ce, Mirabeau pose deux questions : 1° « La musique est-elle un art aussi frivole, aussi borné, aussi inutilequ'affectent de le penser ceux qui ne le savent point ? » Nous ne nous y arrêterons pas.

2° « La musiqueinstrumentale peut-elle exprimer des passions et produire des sensations ? » Assurément, puisque « la mélodiearrache des larmes, ou remplit de terreurs, ou enivre de volupté ».

Ici une belle pensée : « Tout jusqu'au silence,est renfermé dans l'étendue de ce qu'elle peut exprimer » (Voici donc Mirabeau d'accord avec Novalis). Il entre ensuite en une série d'observations pénétrantes et fines sur l'expression propre à chaque instrument : «Chacun d'eux peut rendre des sons expressifs, se rapprocher de la voix humaine et de ses inflexions » (Schumannconfirmera cette assertion lorsqu'il s'écriera : Tous les instruments sont des voix humaines !).

Tout instrument peutdonc chanter, imiter, peindre, soupirer, gémir, éclater, passer de la fureur à la tendresse et de la tendresse à ladouleur.

Mais s'il est susceptible de ces diverses nuances, la réunion d'un certain nombre d'instruments ne peutqu'ajouter à| la vérité de l'imitation, à la vigueur de l'expression, lorsque »le musicien saura saisir leur vrai caractère,les assortir au genre de sa composition, et leur faire jouer à chacun un rôle convenable ». Voilà, certes, des vues originales et qui indiquent un tempérament musical.

Continuons : « La musique instrumentaleest et sera toujours le principal objet du compositeur.

Bile est la base de son art..., c'est dans cette carrière qu'il sesuffit à lui-même, qu'il déploie toutes ses ressources, qu'il est riche de son propre' fond » ; il peut combiner les sons« de manière à former un tableau par des accords agréables, ou vigoureux, ou terribles...

; il s'intéresse à la natureentière, éprouve toutes les sensations, s'associe à toutes les passions ; ...du simple au sublime, du pathétique à lagaieté s'étend son empire ; son cœur, aussi sensible que son imagination est souple et variée, semble disposer del'univers et régner sur lui par l'enthousiasme ». Mais il est nécessaire que le musicien ses propose « un objet déterminé », sans quoi il ne fera « qu'un ouvrage froid,inanimé et sans génie » ; il ne fera « que du, bruit ; ce que trop longtemps a fait la musique française, ce que tropsouvent fait «la musique allemande », la musique italienne échappant seule à cette tare.

(Il semble bien, cependant,que la Bataille pré-louée ne devait pas être exempte de quelque bruit ?) Mirabeau s'attache ensuite à mettre l'art du poète en face de celui du musicien.

Ils ont tout à gagner en s'associant: le poète « occupera la pensée », le musicien « remuera le cœur ».

C'est lui d'ailleurs qui tient le rôle principal,grâce aux ressources fécondes de l'instrumentation.

Et nous revenons à Télémaque, dont chaque protagoniste estreprésenté par un instrument : Violon : Télémaque, « qui doit raconter, aimer, gémir, s'irriter ».

Violoncelle : Mentor,« à la gravité sévère ».

Flûte : Calypso), dont elle annonce « la jalousie par la rapidité de ses variations ».

Hautbois: Eucharis, « dont il peint la douleur ».

Enfin, les nymphes seront symbolisées par les autres instruments à vent.

—Soit ! Cet exposé est agrémenté de considérations qui n'ajoutent rien à sa clarté.

Mais pourquoi l'auteur affirme-t-il que laflûte et le hautbois sont aptes au même rôle ? Il ajoute, toutefois : « La flûte est plus susceptible de variations ? »Est-ce pour cela qu'elle symbolise la jeune amoureuse ? La symphonie de Raimondi débute naturellement par une tempête : « Ce morceau, de l'imitation la plus vraie, est au-dessus de tous les éloges.

Le vaisseau de Télémaque se brise et périt...

On entend les sons aigus des petitesflûtes..., les sons bas et lugubres des cors...

; la mer s'apaise par degrés et le calme renaît ».

Suivent les épisodesattendus, Télémaque résume en un long solo de violon les cinq premiers livres du récit, heureusement coupé parl'intervention de Calypso l'excitant à aller « goûter les douceurs du sommeil ». Passons, à regret, sur les scènes suivantes, mais en nous arrêtant devant le vaisseau de Mentor, incendié par les. »

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