Devoir de Philosophie

moghol, Empire

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

1   PRÉSENTATION

moghol, Empire (1526-1857), État musulman dirigé par des princes d’origine mongole, qui a dominé la majeure partie de l’Inde aux xvie et xviie siècles.

Sous l’impulsion de Babur, descendant du conquérant Tamerlan, l’autorité des Moghols s’est substituée à celle des princes hindous dans la péninsule indienne, à partir de 1526. L’Empire moghol a connu son apogée lors du long règne d’Akbar (1556-1605), le troisième des Grands Moghols, à l’origine d’une formule nouvelle d’État reposant notamment sur la tolérance religieuse. La puissance des Moghols a décliné à partir du xviiie siècle, et la dislocation progressive de leur empire a amplement facilité l’implantation des entreprises coloniales européennes.

2   BABUR OU L’AFFIRMATION DE L’ÉTAT MOGHOL
2.1   Les conquêtes indiennes de Babur

Après l’aventure exceptionnelle de Tamerlan qui a pratiquement reconstitué la puissance mongole du xiiie siècle (voir Empire mongol), cette dernière a été réduite au xve siècle à la fois par les Chinois à l’est et par les Perses à l’ouest. Au début de son règne, Babur — alors souverain de Fergana (aujourd’hui en Ouzbékistan) — doit repousser les assauts des Ouzbeks. Il s’engage ensuite vers la plaine indo-gangétique. Kaboul (en Afghanistan) tombe sous sa coupe en 1504, Kandahar en 1507. Laissant dans les territoires conquis des vassaux, Babur entre en territoire indien, et remporte contre le sultan de Delhi, Ibrahim Lodi, une victoire décisive à Panipat, le 21 avril 1526 ; la même année, il soumet toute l’Inde du Nord en triomphant des Rajput coalisés à Khanua.

Si les Moghols sont moins nombreux que leurs adversaires, Babur sait utiliser avec une grande efficacité les canons produits par son grand maître, Ustad Ali-Buri, dans sa lutte simultanée contre les sultans musulmans et les princes hindous. Constamment en campagne, il concède — comme lors de son départ de Samarkand où il s’est réfugié après son éviction de Fergana (1497) — les territoires à ses plus fidèles compagnons, tel Terdi-Beg-Kaskhar. Babur installe sa capitale à Agra (dans le nord de l’Inde), sans pouvoir réellement unifier son empire. Ses Mémoires montrent un souverain soucieux d’apporter à l’Inde la civilisation musulmane dans ses aspects les plus brillants.

2.2   Un État périclitant sous Humayun

Fils de Babur, Humayun lui succède en 1530. Moins bon stratège, il est renversé en 1540 par Sher Shah, un ancien général afghan du premier Moghol. Réfugié en Perse, il ne recouvre une partie de ses terres indiennes que quinze ans plus tard, au terme d’une longue campagne de reconquête qui s’achève par la prise de Delhi, en juillet 1555. Humayun meurt quelques mois plus tard, laissant son royaume à son fils Akbar, âgé de treize ans ; la régence est alors assurée par le général Bairam Khan.

3   AKBAR ET L’APOGÉE DE L’EMPIRE MOGHOL
3.1   De la reconquête à l’extension territoriale

Le règne d’Akbar est le véritable point de départ de l’Empire moghol. Dès novembre 1556, les rebelles hindous sont de nouveau vaincus à Panipat. À partir de 1560, Akbar reconquiert l’ensemble des territoires de son aïeul Babur ; il étend son empire jusqu’au golfe du Bengale et, vers le sud, jusqu’au cœur du plateau du Dekkan. Pour exemple, le royaume de Vijayanagar tombe sous sa coupe en 1565. Akbar sait aussi mater les révoltes des Ouzbeks et des Afghans — acte d’autant plus indispensable que ces régions, anciennement soumises à l’autorité mongole, fournissent les troupes d’élites de l’armée, cavaliers et archers.

Ainsi, à la fin du xvie siècle, une puissance politique nouvelle s’est établie en Inde, balayant la multitude des principautés hindoues et des sultanats qui s’y côtoyaient. Cet État devient le principal interlocuteur des Européens, qui commencent à installer des comptoirs sur les côtes de la péninsule indienne.

3.2   L’organisation de l’empire d’Akbar

Comme beaucoup de souverains musulmans, Akbar crée en 1570 sa propre capitale, Fatehpur Sikri (« ville de la Victoire «) près d’Agra — qu’il abandonne quinze ans plus tard pour des raisons encore inexpliquées. Mais plus encore, il est un véritable homme d’État, qui entreprend les réformes nécessaires au maintien de son pouvoir et fait prospérer son empire.

3.2.1   Une administration centralisée

L’administration est répartie en trois services. • La cour dirige quarante-deux hôtels de monnaie frappant pour la plupart des pièces en cuivre ; ses dépenses représentent, en 1595, plus de 7,5 millions de roupies (deux fois le budget de l’Angleterre d’Élisabeth Ire, contemporaine d’Akbar). • L’armée est le deuxième service, dirigé par un trésorier-payeur général qui contrôle les contingents dirigés par les djagidars. • Le service de l’Empire complète l’appareil, sous la direction d’un vizir et de vice-rois (maharajas), qui lèvent les impôts et rendent la justice dans les différentes provinces impériales.

Après avoir analysé les causes de la dislocation des conquêtes de Babur, Akbar opte ainsi pour un système beaucoup plus centralisé, où les débordements sont sévèrement réprimés ; en témoigne la pratique de l’évaluation des exactions des soldats et du dédommagement de leurs victimes.

3.2.2   Un système fiscal réformé

Une refonte totale du système fiscal est entreprise entre 1563 et 1579. Par souci de tolérance religieuse vis-à-vis de la majorité hindouiste, l’impôt de capitation prélevé sur les non-musulmans (la jizya) est aboli ; l’impôt foncier, instauré par Humayun, est fixé à un tiers des récoltes, et un cadastre est entrepris sur une base homogène, l’étalon étant le djarib de bambou (54,60 m) ; les différences de fertilité des terres sont prises en compte, et les abus punis.

3.2.3   Une économie prospère

L’économie de cet immense espace repose sur l’agriculture : céréales, blé et riz, élevages équin, ovin et bovin. Cependant, les Moghols trouvent à leur arrivée des réseaux commerciaux déjà mondiaux, avec l’Empire chinois d’une part et les Européens d’autre part. Les Portugais ont, depuis la fin du xve siècle, implanté sur les côtes indiennes de nombreux comptoirs par lesquels transitent les précieuses épices (poivre et cannelle), le café, le sucre, ainsi que les toiles colorées dont s’enorgueillissent alors les élites européennes.

3.3   La brillante civilisation du Grand Moghol
3.3.1   Les arts et la littérature

L’empire d’Akbar est donc au croisement d’influences très nombreuses, et son règne se caractérise par une civilisation composite exceptionnellement brillante. L’œuvre de bâtisseur du Grand Moghol est considérable : tombeau de son père, mausolée pour lui-même à Sikandra, forteresses d’Agra et d’Allahabad (voir art indien) ; cette œuvre est supportée par une richesse extraordinaire qui fait peut-être d’Akbar le plus riche souverain du xvie siècle.

La littérature est également d’une grande richesse (voir littérature indienne). D’une part, les contacts entre Moghols et hindous entraînent la création de langues vernaculaires nouvelles, l’hindi, le bengali, le mahrati (voir langues de l’Inde) ; d’autre part, le roi et les sultans des provinces constituent autour d’eux des cours, dans lesquelles les poètes ont une place très respectée. Akbar crée des bibliothèques, des écoles supérieures ; outre les docteurs de la loi musulmans, il admet autour de lui des hindous et reçoit des chrétiens. Le Ramanaya, adapté en hindi par Tulsi Das, devient le livre de l’hindouisme ; d’autres écrits issus de la tradition hindoue comme les Upanishad sont traduits en persan pour les élites mongoles.

3.3.2   La culture et la tolérance religieuses

La rigueur prônée par les ulémas musulmans est repoussée par Akbar. L’abrogation de l’impôt dû par les non-musulmans en est un exemple ; Akbar, interdit, par respect envers les hindous, l’usage de la viande de vache, impose de nouvelles règles en matière d’âge au mariage, autorise la consommation du vin comme cela se fait dans l’islam persan, et exige la prosternation devant lui : il instaure ainsi une forme orientale de despotisme éclairé dont la réunion, à partir de 1580, de théologiens chrétiens, hindous et musulmans est sans doute la manifestation la plus achevée. Les jésuites portugais, après l’avoir vu essayer les formes chrétiennes de la prière, voient dans le Grand Moghol un possible relais pour l’expansion de la chrétienté en Orient. À partir de 1582, Akbar (musulman qui a épousé plusieurs princesses hindoues) tente d’imposer un syncrétisme solaire : c’est un échec dont l’abandon de la capitale qu’il a créée est (peut-être) l’une des traductions.

En fait, sa tolérance a permis à de nouvelles obédiences religieuses issues de l’hindouisme de se développer, comme celle des maharajas, le tantrisme (voir tantra) ou celle des sikhs. Ces sectes développent, sur des bases variées, un mysticisme commun dont la virulence se révèle lorsque meurt Akbar : c’est l’une des raisons du déclin de l’Empire moghol.

4   LES DERNIERS GRANDS MOGHOLS
4.1   Les règnes de Jahangir et Shah Jahan

Jahangir (1605-1627) puis Shah Jahan (1628-1658), s’ils mènent l’extension de l’empire jusqu’aux sultanats du sud du Dekkan, s’ils poursuivent l’œuvre de construction inaugurée par Babur (le célébrissime Taj Mahal est édifié par Shah Jahan), reviennent, en revanche, sur sa politique de tolérance. Tous deux musulmans très croyants, ils répriment avec férocité des révoltes des sikhs et des Marathes. L’espoir chrétien s’évanouit quand les jésuites commencent à être persécutés hors des comptoirs européens. Le xviie siècle est, pour l’économie indienne, aussi sombre que pour celle de l’Europe chrétienne : la province du Gujarat, une presqu’île du littoral occidental, perd en 1630-1631 la majeure partie de sa population ; six famines ont été recensées de 1636 à 1650 dans l’ensemble de l’empire. Aussi la pression fiscale a-t-elle tendance à devenir insupportable, d’autant que les souverains doivent céder de plus en plus d’autorité aux sultans des provinces, dont les charges deviennent héréditaires. À l’État moderne constitué par Akbar succède un espace composé de principautés plus ou moins anarchiques.

4.2   Le règne d’Aurangzeb

En 1658, Aurangzeb succède à Shah Jahan, avant même la mort de celui-ci. Son règne correspond à l’apogée territorial de l’Empire moghol, s’étendant de nouveau de Kaboul au Dekkan.

Mais son intransigeance religieuse brise la relative complémentarité entre les élites musulmanes de rite sunnite, les masses hindouistes et les guerriers ralliés au chiisme persan. Ces derniers soulèvent le nord de l’empire de 1669 à 1680 ; au sud, Aurangzeb doit lutter en même temps contre la révolte des Marathes et contre les hindous que fédère le prince Shivaji Bhonsle. Celui-ci parvient à créer une confédération hindoue sur l’ensemble du Dekkan ; le sac de Surat (la plus riche des villes portuaires de l’empire, située sur le golfe de Cambay) par Shivaji, en 1670, marque la fin de l’influence moghole dans la région. Les sikhs, qui ont longtemps constitué l’élite hindoue de l’armée du Grand Moghol, en deviennent les plus farouches adversaires. Enfin, Aurangzeb renforce encore l’hostilité des masses paysannes, en rétablissant en 1679 l’impôt de capitation dû par les non-musulmans.

5   DE LA DISLOCATION DE L’EMPIRE À LA FIN DE L’ÉTAT MOGHOL

La situation que laisse Aurangzeb en 1707 à ses successeurs est de fait catastrophique : les caisses de l’empire sont vides et les provinces en constante rébellion. Significativement, les Européens se sont d’ailleurs tournés depuis les années 1670 vers les Marathes, avec lesquels ils ont développé des relations commerciales, équipant par exemple les troupes combattant contre le Grand Moghol.

Les successeurs d’Aurangzeb au xviiie siècle ne règnent plus que sur la région de Delhi. L’État moghol disparaît définitivement en 1857, lorsque la Couronne britannique (en proie à la révolte des cipayes) intervient directement dans la péninsule indienne, avant d’y établir l’Empire britannique des Indes l’année suivante.

L’Empire moghol à son apogée a ainsi pu apparaître comme un exemple remarquable d’État centralisé et tolérant. Son extension, le respect qu’il a inspiré à ses voisins, la richesse exhibée à la cour et dans les constructions s’inscrivent dans une tradition renvoyant à la Chine de Kubilaï Khan. Pour les philosophes des Lumières, son déclin illustre l’échec inévitable de la toute-puissance poussée par le fanatisme.

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles