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Une morale du devoir est-elle compatible avec une morale du bonheur ?

Publié le 22/03/2004

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morale
La « phronésis » est cette vertu intellectuelle qui est le propre des hommes capables de délibérer correctement sur ce qui leur est bon et  avantageux, et d'ordonner leur savoir à la recherche de biens humains. Le prudent est  celui qui voit et prévoit ce qui lui est profitable. Comme toute délibération implique la possibilité de choisir, la « phronésis » comporte toujours du contingent, car ce qui est nécessaire n'admet pas d'alternative. Elle varie selon les individus et les circonstances, contrairement à une sagesse immuable et universelle. La prudence est une vertu à caractère humain et, à ce titre, elle ne peut prétendre l'emporter sur une sagesse à caractère divin. « Il est absurde en effet de penser que la prudence soit la forme la plus élevée de savoir, s'il est vrai que l'homme n'est pas ce qu'il y a de plus excellent dans le monde. » (1141a20). De par son aspect humain trop humain, la prudence ne saurait rivaliser avec la sagesse. Elle serait toutefois la vertu par excellence de l'homme à défaut d'être l'excellence dans la vertu. L'homme se trouve ainsi pris dans le feu croisé d'une pluralité d'objets.
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« Tout porte à croire que cette vie mixte est en réalité bâtarde dans la mesure où aucun objet n'est jamais vraiment « ça » comme le dirait Lacan .

Il faudrait bénéficier d'un heureux hasard pour que toutes les composantes du bonheur soient réunies et que le même homme soit sage, prudent, riche et honoré.

Le bonheur apparaît comme une lointaine chimère.

De là à penser avec Kant qu'il n'est qu'un idéal de l'imagination, il n'y a qu'un pas qu'Aristote ne franchit pas.

Il vous invite cependant à nous demander s'il existe véritablement un objet susceptible de satisfaire nos désirs. B) Bonheur et vertu ne sont pas liés.

Ces dispositions intérieures de l'âme comme la juste mesure, la maîtrise de soi, aussi favorables qu'elles paraissent souvent à la moralité n'ont pas, cependant, cette valeur absolue que leur attribuait Aristote .

Elles peuvent même se prêter à un mauvais emploi : le courage d'un criminel ne le rend-il donc pas plus odieux ? Seul peut être véritablement bon ce qui l'est par soi, ce qui l'est absolument.

Par suite, comme le souligne Kant, dans « Fondements de la métaphysique des moeurs », il n'est rien qui puisse être tenu pour absolument bon, si ce n'est seulement une bonne volonté.

Et ce qui fait que la volonté est bonne ou non, « ce ne sont pas ses oeuvres ou ses succès », ni « son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé », mais son vouloir même.

La bonne volonté, c'est celle qui se détermine à agir par pur respect du devoir. Or il est bien connu qu'on peut être vertueux tout en étant malheureux, et être heureux sans être vertueux.

On peut même dire que faire son devoir n'est pas le moyen le plus sûr d'être heureux : agir par devoir, c'est souventaller contre ses inclinations, ses désirs.

Certes agir moralement n'implique pas l'ascétisme, et on peut considérer que c'est aussi indirectement un devoir de travailler à son bonheur car un minimum de bien-être est lacondition de la vertu.

Reste que pour Kant la recherche du bonheur n'a de valeur morale que lorsqu'elle n'est qu'un devoir.

Ainsi un homme gravement malade, qui n'a aucun espoir de recouvrer la santé, peut bien manger ce qu'il veut, quitte à en souffrir ensuite, mais l'impératif du bonheur lui commande d'observer les règles de l'hygiène ; c'est dire, au fond, que la recherche du bonheur peut devenir une vertu lorsqu'on a perdu tout espoir d'êtreeffectivement heureux.Si, pour Kant, il y a une certaine opposition entre le bonheur et la vertu, c'est parce que le bonheur obéit à des motivations empiriques rebelles par nature à toute universalisation, alors que le devoir commande universellement. Ce que les hommes nomment le bonheur n'est souvent que l'objet temporaire et accidentel de leur désir.Le bonheur, selon l'expression de Kant, est « un idéal, non de la raison, mais de l'imagination ». Le bonheur chez Kant.

« Pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximumde bien-être dans mon état présent et dans toute macondition future, est nécessaire.

Or il est impossiblequ'un être fini, si perspicace et en même temps sipuissant qu'on le suppose, se fasse un conceptdéterminé de ce qu'il veut ici véritablement.

Veut-il larichesse ? Que de soucis, que d'envie, que de piègesne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-ilbeaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-êtrecela ne fera-t-il que lui donner un regard pluspénétrant pour lui représenter d'une manière d'autantplus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobentencore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, oubien que charger de plus de besoins encore ses désirsqu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire.

Veut-il dumoins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps adétourné d'excès où aurait fait tomber une santéparfaite, etc.

! Bref, il est incapable de détermineravec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux :pour cela il lui faudrait l'omniscience.

[...] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parlerexactement, ne peuvent commander en rien, cad représenter des actions d'une manièreobjective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils que pourdes commandements de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre etgénérale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à faitinsoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict dumot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais del'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainementqu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série deconséquences en réalité infinie...

» Kant, « Fondements de la métaphysique des moeurs ». L'objet de la « Dialectique » de la raison pure pratique, c'est le souverain bien , défini comme l'accord de la vertu et du bonheur, dont nous avons besoin en tant qu'êtres doués d'unesensibilité.

La vertu et le bonheur sont liés dans le concept du souverain bien.

Par suite, il fautdéterminer la nature de cette liaison, de cette unité.

Ou bien elle est analytique et il fautaffirmer l'identité de la vertu et du bonheur ; ou bien elle est synthétique et il faut dire alors quela vertu engendre le bonheur.

Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, stoïcisme etépicurisme, ont adopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais ellesl'ont conçu de façons différentes.

Tous deux se trompaient en ceci qu'ils considéraient l'unité duconcept de souverain bien comme analytique, alors qu'elle est synthétique ; en d'autres termes,leur erreur commune était de considérer comme identiques deux éléments hétérogènes ou dumoins de regarder l'un des deux comme faisant partie de l'autre : « Le stoïcien soutenait que la vertu est tout le souverain bien et que le bonheur n'est que la conscience de la possession de lavertu, en tant qu'appartenant à l'état du sujet.

L'épicurien soutenait que le bonheur est tout lesouverain bien –et que la vertu n'est que la forme de la maxime à suivre pour l'acquérir, cadqu'elle ne consiste que dans l'emploi rationnel des moyens de l'obtenir. » Or, les maximes de la vertu et les maximes du bonheur relèvent de principes totalementdifférents.

Si la vertu et le bonheur sont liés, cad si le souverain bien est pratiquement possible,ce ne peut être qu'en vertu d'une liaison synthétique.

On doit donc poser le problème ainsi: « Il faut ou que le désir du bonheur soit le mobile des maximes de la vertu, ou que la maxime de lavertu soit la cause efficiente du bonheur.

» Or ces deux solutions apparaissent également impossibles : la première parce qu'aucun mobilesensible ne peut déterminer une volonté bonne ; la seconde parce que la vertu dépend de la loimorale, tandis que le bonheur dépend de lois naturelles, et qu'on ne voit pas, dans cesconditions, comme l'une peut produire l'autre.

Telle est l'antinomie de la raison pratique.

Cetteantinomie se résout à peu près de la même façon que celle qui, dans la « CRP », mettait aux prises la nécessité naturelle et la liberté.

Là aussi, en effet, nous devons distinguer deux plans,le plan du sensible et le plan de l'intelligible.

la thèse selon laquelle le désir du bonheur serait lemobile des maximes de la vertu est absolument fausse.

Mais la thèse qui voit dans la maximede la vertu la cause efficiente du bonheur n'est fausse que conditionnellement.

Dire que la vertuengendre le bonheur n'est faux que si nous considérons l'existence dans le monde sensiblecomme la seule possible.

Si au contraire nous nous référons à l'existence nouménale : « il n'est pas impossible que la moralité de l'intention ait une connexion nécessaire, sinon immédiate, dumoins médiate (par l'intermédiaire d'un auteur intelligible de la nature) comme cause, avec lebonheur comme effet dans le monde sensible .

» Ce n'est pas la vertu en tant qu'elle est prise dans le monde des phénomènes qui engendre lebonheur, mais une cause nouménale en rapport avec la vertu.

En d'autres termes, c'est Dieu qui« proportionne le bonheur à la vertu.« La morale n'est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nousdevons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre digne du bonheur. ». »

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