Devoir de Philosophie

Morale et inconscient ?

Publié le 15/03/2004

Extrait du document

morale
Mais alors l'homme, jouet de telles forces, ne serait plus responsable de ses actes, se verrait dénier tout pouvoir de la volonté qui, selon les philosophies de la conscience fondées sur une détermination de l'homme par la raison et ses tâches morales et spirituelles à accomplir, est présupposé dans tout acte de liberté ? Cette manière de poser la question, le plus souvent moralisante (il ne s'agit pas d'identifier Alain à un tel argument général et en ce sens simplifié) et en tout cas réductrice puisqu'elle pense précisément en termes de déterminisme causal et de dualisme dogmatique du corps et de l'âme ou de l'esprit, là où l'on doit rappeler que Freud ne cesse d'insister sur le travail du sens que le sujet doit faire sur lui-même pour se réapproprier son passé (voyez, même s'il s'agit d'une caricature, les films de Hitchcock, "La maison du docteur Edwardes" (1945), "Pas de printemps pour Marnie" (1964) où la trame psychanalytique est toujours la même (la trame narrative étant bien sûr renversée): un traumatisme dans l'enfance, le refoulement puis éventuellement l'amnésie, des symptômes morbides qui se répètent à l'âge adulte sous forme de délires, hallucinations, angoisses, manies et obsessions, par exemple la kleptomanie et enfin un travail de guérison merveilleusement réussi où le sujet revit consciemment la scène traumatique ( ce qu'en termes savants Freud nommera dans la première période "abréaction" et dont il remarquera la trop grande simplicité) en se libérant ainsi de sa névrose, s'appropriant ainsi son passé et son avenir heureux qui, comme dans James Bond, ou presque, s'inaugure par une idyllique lune de miel. Vous remarquerez combien ce qui a trait à la sexualité est élégamment et plus que discrètement évoqué (sauf à s'amuser des symboles, ce qu'il ne faut pas manquer de faire, bien évidemment) voire éludé). Plus sérieusement, s'il le faut, il est intéressant de considérer la critique sartrienne de l'inconscient freudien.Cette critique est tout d'abord développée dans "L'être et le néant" et tente de substituer à la psychanalyse qu'il caractérise comme une psychanalyse empiriste, c'est-à-dire objectiviste et naturaliste, la psychanalyse existentielle dont il définit ainsi la méthode: "C'est une méthode destinée à mettre en lumière, sous une forme rigoureusement objective, le choix subjectif par lequel chaque personne se fait personne, c'est-à-dire se fait annoncer à elle-même ce qu'elle est. Ce qu'elle cherche étant un choix d'être en même temps qu'un être, elle doit réduire les comportements singuliers aux relations fondamentales, non de sexualité ou de volonté de puissance, mais d'être qui s'expriment dans ces comportements " (pp 634-635).Le présupposé de cette psychanalyse existentielle qui cherche à décrire phénoménologiquement les conduites est dirigé contre le postulat freudien de l'impossibilité à la fois théorique et pratique de réduire le psychique à la conscience. Au contraire dit Sartre la psychanalyse existentielle rejette le postulat de l'inconscient et affirme que pour elle " le fait psychique est coextensif à la conscience " (p 630). Mais la conscience ne s'identifie pas, selon une longue tradition rationaliste, à la connaissance : il y a donc du conscient non connu qui se manifeste notamment dans la vie affective et émotive et dans les conduites par rapport à autrui. Sartre reprend la thèse phénoménologique de la conscience comme acte de visée du monde non pas comme chose mais comme signification et introduit l'idée de cogito préréflexif comme condition du cogito cartésien.
morale

« conscience que sous une forme voilée, déformée, indirecte : le lapsus, le rêve, ou le symptôme maladif. Le symptôme est donc un compromis entre le désir inconscient et inavouable que je subis, et les normesconscientes et morales que j'accepte.

« Le moi n'est pas maître dans sa propre maison » signifie que je n'ai pas conscience et que je ne maîtrise pas, ne contrôle pas une bonne part de ce qui se passe en moi-même, ce conflit,ce symptôme. L'hypothèse de l'inconscient est donc qu'une bonne partie de ce qui se passe en moi (dans mon âme, ma psyché) nem'est pas connu, m'échappe, et cependant influe sur moi.

C'est ainsi qu'il faut comprendre notre passage : lapsychanalyse se propose de « montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit à se contenter de renseignements vagues et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience,dans sa vie psychique ».

La plupart des choses qui se passent dans l'âme échappent à la conscience. Pour Freud , o a surestimé le rôle de la conscience dans la vie de l'âme, et ainsi on s'est privé des moyens : ¨ De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ; ¨ De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite lepatient. Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.

Le butde la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas, puisse recouvrer sa liberté. En effet, la psychanalyse découvre que « Je est un autre » pour reprendre Rimbaud .

Il y a en moi un autre , un ensemble de forces, un inconscient qui me pousse à agir malgré moi.

Je subis un conflit dont je n'ai pas conscience,qui est souvent la trace d'un choc vécu durant l'enfance.

En ce sens je suis un être passif et agi, qui n'a ni lecontrôle de lui-même, ni de son passé, un être scindé.

Le but de la cure est de faire en sorte que je prenneconscience de ce conflit, que je reprenne la maîtrise de mon histoire.

Au lieu de subir ce que je ne connais pas, jechoisirai en toute conscience.

Au lieu de la « politique de l'autruche » de l'inconscient, il y aura le choix d'un sujet maître de lui-même. Enfin, notre passage est important en ce que Freud y explique les résistances à la psychanalyse.

« Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis ».

Avec Copernic , elle a montré à l'homme qu'in n'était pas au centre de l'univers.

Avec Darwin , elle est en train de montrer que l'homme est un animal comme les autres, qu'il y a en lui une origine animale. Ces deux sciences ont blessé l'orgueil humain, ont montré à l'homme que son sentiment de supériorité était naïf eterroné.

C'est pourquoi les thèses de Copernic valut un procès à Galilée , devant l'Inquisition en 1633.

C'est pourquoi les thèses de Darwin sont jugées à l'époque scandaleuse.

Les hommes refusent ce qui les blesse et y opposent une farouche résistance.

Or, continue Freud : « Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu'il n'est seulement pasmaître dans sa propre maison. » L'individu est pluriel : il n'est pas seulement une conscience maîtresse d'elle-même ; il subit un inconscient qui lepousse à agir malgré lui.

Redécouvrir et explorer cette zone d'ombre en nous, cette force qui nous rend passif, cedéchirement de l'homme reste le principal acquis de la psychanalyse. 2) L'inconscient comme menace contre la morale (Alain et Sartre) La critique philosophique classique adressée à Freud, au-delà des problèmes épistémologiques nombreux etcomplexes qui sont relatifs au statut de scientificité ou non scientificité de la psychanalyse et de ses contenusthéoriques et pratiques, porte sur la place de la liberté dans une telle conception du psychisme humain et desactes, pensées et sentiments qui tissent l'existence humaine.

Si l'inconscient, c'est-à-dire, ce qui agit en nous ànotre insu, est cause de nos pensées, sentiments, volitions et actes, alors nous sommes sous l'emprise de forcesqui nous déterminent, nous instrumentalisent comme une machine, un automate.

L'inconscient, un dieu à la facediabolique qui nous manipule, une " idolâtrie du corps ", " un abrégé du mécanisme " (Alain, cf texte à la fin ducours) ? Mais alors l'homme, jouet de telles forces, ne serait plus responsable de ses actes, se verrait dénier toutpouvoir de la volonté qui, selon les philosophies de la conscience fondées sur une détermination de l'homme par laraison et ses tâches morales et spirituelles à accomplir, est présupposé dans tout acte de liberté ? Cette manière deposer la question, le plus souvent moralisante (il ne s'agit pas d'identifier Alain à un tel argument général et en cesens simplifié) et en tout cas réductrice puisqu'elle pense précisément en termes de déterminisme causal et dedualisme dogmatique du corps et de l'âme ou de l'esprit, là où l'on doit rappeler que Freud ne cesse d'insister sur letravail du sens que le sujet doit faire sur lui-même pour se réapproprier son passé (voyez, même s'il s'agit d'unecaricature, les films de Hitchcock, "La maison du docteur Edwardes" (1945), "Pas de printemps pour Marnie" (1964)où la trame psychanalytique est toujours la même (la trame narrative étant bien sûr renversée): un traumatismedans l'enfance, le refoulement puis éventuellement l'amnésie, des symptômes morbides qui se répètent à l'âge adultesous forme de délires, hallucinations, angoisses, manies et obsessions, par exemple la kleptomanie et enfin un travailde guérison merveilleusement réussi où le sujet revit consciemment la scène traumatique ( ce qu'en termes savantsFreud nommera dans la première période "abréaction" et dont il remarquera la trop grande simplicité) en se libérant. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles