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MORALE ET RELIGION CHEZ BOILEAU

Publié le 27/06/2011

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morale

L'homme de lettres n'explique pas toute la dernière partie de l'œuvre de Boileau : il faut lui adjoindre, avons- nous dit, un honnête homme qui lutte contre une morale dépravée aussi bien que pour une doctrine d'art. On a même affirmé que de 1692 à sa mort, Boileau ne fut rien d'autre que l'adversaire des casuistes. Notre précédent chapitre montre l'exagération de cette* thèse : c'est bien un homme de lettres qui défend les Anciens, écrit les Réflexions sur Longin et l'Ode sur Namur, multiplie les épigrammes et les traits de satire ; c'est bien un artiste qui compose la préface de 1701 et les dernières Réflexions ; c'est bien un poète qui se plaît, dans ses dernières Satires et Epîtres, à traiter des sujets réalistes et à exprimer la vérité des petites choses. Mais certaines œuvres écrites dans cette même période portent la trace de préoccupations importantes qui ne sont pas littéraires.

morale

« contraire à la vraie religion que le luthéranisme ni le calvinisme » : l'attrition causée par la crainte de l'enfer suffit,même sans aucun amour de Dieu et sans aucune considération de l'offense faite à Dieu, parce que, même ainsi, ellea une valeur propre et est d'origine surnaturelle.

Donc, pour faire son salut, il suffirait d'avoir peur des châtiments ;un calcul égoïste sauverait le pécheur ! Boileau s'indigne, comme Pascal dans sa Xe Provinciale, contre ceux quitiennent pour superflu le mouvement d'amour qui porte un cœur chrétien vers son Créateur.

C'est une Provinciale envers, a-t-on dit de cette Epître.Boileau y vise nettement les Jésuites.

Si quelque doute subsistait sur ce point, qu'on lise la lettre que lui écrivitRacine le 8 octobre 1697 : la Compagnie venait de subir un échec ; l'archevêque de Reims lançait une ordonnancecontre elle ; Despréaux, qui avait retardé la publication de son poème, allait le produire plus à propos que jamais.Mais le texte de l'Epître suffit à attester son intention.

La discussion qui y est rapportée à la fin a d'ailleurs uneorigine réelle.

D'après Brossette, le poète s'est inspiré d'une dispute qu'il eut chez lui avec deux Jésuites, le P.Cheminais et le P.

Gaillard.

Le P.

Cheminais étant mort en 1689, cette altercation serait assez antérieure à lacomposition de l'Epître.

Mais Boileau n'a-t-il été qu'une seule fois le héros d'une pareille scène ? Le témoignage deMme de Sévigné que nous citons plus haut nous permet de croire là encore à la multiplicité des sources.Le poète fait le théologien.

De ses lointaines études à la Sorbonne, il avait peut-être gardé une certaine aptitude àl'emploi du jargon de l'Ecole ; il a plus probablement recouru à l'aide de son frère, l'abbé Jacques Boileau, et de sonami, l'abbé Renaudot, à qui il a dédié le poème.

Il fait preuve de belles convictions, s'il n'apporte pas des raisonstoujours convaincantes.

Il montre même du courage ; car, si les Jésuites avaient quelques difficultés en 1697, lesJansénistes étaient encore en bien moindre faveur à la Cour.

Pourtant Bossuet approuva l'intervention du poète, nonsans sourire un peu du zèle qu'apportait un laïc dans une matière assez abstruse.

Le cardinal de Noailles,archevêque de Paris, fut aussi favorable.

Le P.

de la Chaise lui-même, un Jésuite, confesseur du roi, ne fut pashostile.Boileau alla lui faire visite avec son frère l'abbé en octobre 1697 pour lui lire son Epître.

Il fut reçu avec courtoisie etmême avec obligeance.

Le Père lui fit une leçon de théologie, lui expliqua les différences entre l'amour affectif etl'amour effectif, et le poète écouta avec attention et déférence.

Il prit ensuite la parole pour préciser qu'iln'attaquait point la Société de Jésus ; il avait fait approuver son poème à six Jésuites éminents ; il ne voulait quedéfendre la doctrine orthodoxe de l'amour nécessaire au salut ; il se soumettait d'ailleurs à l'autorité de soninterlocuteur et se déclarait prêt à corriger ce que son ouvrage pouvait avoir de défectueux.

Puis il lut l'Epîtreposément, avec tout son art de lecteur, qui était grand.

Il fut généralement approuvé : le P.

de la Chaise ne fitguère que lui répéter que la matière était délicate à traiter, surtout en vers.

En lisant le récit de cette visite, faitpar Boileau à Racine dans l'une de ses lettres, on sent que le confesseur du roi était plein de bienveillance pour lepoète, mais non sans inquiétude sur son zèle.

Le P.

Gaillard, recteur des Jésuites de Paris, qui fut l'objet d'unedémarche semblable, ne manifesta pas de moins bons sentiments.

Despréaux n'était pas considéré par la Compagniecomme un ennemi, à moins qu'elle ne le jugeât négligeable.La Satire XI, sur l'Honneur, composée entre 1698 et 1700 et publiée en 1701, est une satire morale, qui rappelleassez la Ve, sur la Noblesse, et la VI IIe, sur 1 Homme.

On y retrouve le bon sens du bourgeois qui ne se laisse pasabuser par les grands mots, qui sait que le mot d'honneur déguise souvent une erreur ou un vice dans lequell'homme se complaît.

L'honneur suppose une justice, une équité qui ne sont plus de ce monde.

L'honneur n'existeplus, s'il a jamais existé.Ce discours semble assez anodin et on n'en saisit pas l'opportunité.

On comprend mal que Boileau revienne à cescompositions d'écolier, encombrées de rhétorique et que ne relèvent même plus les traits de satire littéraire quiagrémentaient les premières.

Où en est l'actualité ? Ce ne sont pas quelques allusions à deux escrocs qui ne sontpas même du temps, à trois magistrats intègres, à Guillaume d'Orange ou au maréchal de Luxembourg quisoutiennent l'intérêt.

A vrai dire, l'intention se dissimule ; mais c'est bien le Casuiste encore qui est visé, commedans la fin de la Satire X et dans l'Epître XII.

La VIIe Provinciale déjà avait traité de l'honneur et montré la coupableindulgence des docteurs jésuites pour l'honneur mondain ou nobiliaire.

Boileau reprend le même sujet.

Son honnêtetése refuse à toute complaisance.

La justice est la vertu sociale par excellence ; c'est aussi la base de la piétévéritable : Un dévot aux yeux creux et d'abstinence blême,S'il n'a point le cœur juste, est affreux devant Dieu.L'Evangile au chrétien ne dit en aucun lieu :« Soit dévot.

» Elle dit : « Sois doux, simple équitable.» Et Boileau s'emporte contre les dévots, non seulement les Tartuffes, mais les jésuites, les quiétistes et lesmystiques, contre tous ceux qui interprètent la religion à leur guise et se servent de Dieu au lieu de le servir.

Uneallégorie illustre sa pensée : banale en apparence, elle reprend l'opposition traditionnelle entre l'âge d'or et l'âge defer.

Le règne de Saturne a été celui de l'honneur ; le règne de Jupiter est celui du crime : l'honneur est remonté dela terre aux cieux.

Faut-il voir là une allusion précise et croire que le poète exprime le regret d'un temps où la Franceétait gouvernée par un roi qu'elle appelait Louis le Juste et sa désapprobation de la politique d'un Louis le Grand, ouqu'il oppose avec plus de précision « l'éclectisme libéral de Lamoignon » aux « rigueurs policières de l'intendantBâville » ou à « la sombre dureté du Président Achille de Harlay » ? En tout cas, deux vers sont nets : évoquant lebonheur des années où Saturne gouvernait, le poète rappelle que sous ce règne La vertu n'était point sujette à l'ostracisme,Ni ne s'appelait point alors un jansénisme.. »

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