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La mort est-elle un désordre ?

Publié le 24/07/2005

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L'homme est le seul parmi les êtres vivants a avoir une claire conscience de la mort. La mort est pour nous une certitude, il n'est pas nécessaire d'avoir vécu cette ultime épreuve pour savoir qu'inéluctablement nous mourrons. Mais comment vivons-nous ceci au quotidien ? La mort se vit-elle comme un ordre ou un désordre ? Cette question présuppose que nous vivons la mort, mais celle-ci peut-elle véritablement se vivre si ce n'est au moment précis où nous mourons ? Et si la mort peut réellement se vivre, de quelle façon la vivons-nous ? Car la question porte bien sur deux manières qui semblent tout à fait antithétiques de considérer la mort : on peut la voir comme un ordre ou comme un désordre. Si on se rapporte au sens du terme « ordre » que l'on peut définir comme une des idées fondamentales de l'entendement qui implique une disposition satisfaisante de la raison, on comprend bien que la question touche au thème du rapport de la mort. Qu'elles pourraient être alors les attitudes face à la mort qui reviendraient à vivre celle-ci comme un ordre ou comme un désordre ? Enfin on peut se demander si l'opposition proposée n'est pas un peu schématique et si notre rapport à la mort ne révèlerait pas d'une sorte de conciliation entre les deux aspects. L'ordre et le désordre ne pourraient-ils pas êtres unis dans une même façon de considérer la mort ?

« d'existence.

Rien n'est statique dans la nature.

La mort est tout à fait essentielle pour qu'une espèce puisseévoluer.

L'apparition des uns suppose la disparition des autres.

La mort individuelle peut donc être vue comme unenécessité imposée par l'ordre de la nature pour la survie de l'espèce.

Ainsi, la nature ne prend pas en considérationl'individu en tant que tel, mais il semble bien difficile pour l'homme d'en faire autant et de vivre sa propre mortcomme une nécessité, nous nous contentons le plus souvent de la vivre comme un ordre que la nature nous imposeet contre lequel nous ne pouvons rien faire.

La mort fait partie de l'ordre de la vie, nous savons qu'à partir dumoment où nous venons au monde, il nous faudra ensuite mourir.

Ainsi, la mort semble bien avoir descaractéristiques d'un ordre, elle obéit à des lois strictes, personne ne peut y échapper, elle s'applique à chacund'entre nous.

On peut noter par ailleurs qu'elle s'inscrit dans un ordre chronologique : c'est la dernière étape àlaquelle chaque être humain doit se soumettre.Vivre la mort comme un ordre débouche nécessairement sur une attitude qui tend à accepter la mort.

Puisque noussavons que la mort est invincible et inéluctable, nous l'acceptons.

C'est cette attitude qu'on choisit les Stoïciens etqu'ils défendent.

Ainsi les Pensées IX, Marc Aurèle écrit : « Ne méprise pas la mort, mais soit content d'elle,puisqu'elle est une des choses que veut la nature.

Tels sont (…) tous les évènements naturels qui marquent lesheures de ta vie, telle est aussi la dissolution de ton être.(…) Il te faut accueillir l'heure où ta petite âme sedétachera de ton enveloppe.

» Autrement dit, la mort, puisqu'elle est un processus naturel et nécessaire, tout sagese doit de l'accepter, et il convient de l'attendre avec sérénité.

C'est la philosophie qui enseignera cette sérénité.Ainsi, Montaigne écrira dans « les Essais » : « Philosopher, c'est apprendre à mourir ».La mort semble donc bien pouvoir se vivre comme un ordre mais n'est-il pas possible qu'elle puisse se vivre commeun désordre ?Tout d'abord, on peut dire qu'étant donné que la mort est en elle-même proprement inconnaissable elle n'est pournous qu'un désordre de supposition que nous faisons sur elle.

Ainsi, par exemple, les religions l'expliquent souventcomme un châtiment divin, le résultat d'une chute, l'homme étant à l'origine immortel.

Certains, qui ont besoins decroire au surnaturel se lancent, souvent après un coma, dans le récit de la sempiternelle « lumière blanche » quis'avance et prétendent que c'est ainsi que la mort se manifeste.

On donne encore bien d'autres explications maisaucune ne peut prétendre rendre compte de manière indubitable de ce qu'est véritablement la mort, c'est pourquoi,lorsque nous tentons de réfléchir à ce que peut-être la mort en elle-même notre esprit ne se perd dans dessuppositions qui n'aboutiront jamais à une certitude.

Nous en restons au stade d'hypothèses complètementdésordonnées.D'autre part, nous vivons la mort comme un désordre dans la mesure où la mort est ce qui peut instantanémentdésordonner tout ce que j'ai mis sur pied.

Aussi solidement construite soit-elle mon existence est rendue précairepar la mort, qui est toujours menaçante.

« Contre tout ce qui vient du dehors, il est possible de se procurer lasécurité.

Mais à cause de la mort, nous autres, les hommes, nous sommes tous une forteresse sans remparts.

»,ainsi écrivait Epicure dans sa « sentence vaticane 11 ».

L'existence humaine est en permanence menacée par lamort, celle-ci peut en un instant tout désordonner.

Qu'il s'agisse de ma propre mort ou de celle d'un proche, elle estle douloureux moment de perte de tout repère au sein de ce qui nous paraissait le plus familier la mort sous-entendla disparition de l'univers qui nous était connu jusqu'ici et se caractérise par l'irruption du néant au sein de ce quinous est plus réel que tout, de ce qui nous offre un semblant d'équilibre et d'assurance.

Nous la vivons donc commeun désordre : nous savons qu'elle nous privera de tous nos repères au moment fatidique ou qu'elle l'a déjà fait ennous enlevant un être cher.La mort est d'autant plus vécue comme un désordre qu'elle « désordonne » notre vie en faisant naître en nous unsentiment d'angoisse, de peur du néant.

Notre statut de mortel ainsi que l'impossibilité de se sécurisé suscite uneprise de conscience angoissée de ce que c'est qu'exister.

L'angoisse révèle le néant qui se cache au sein de cemonde, elle est l'épreuve intime et terrible qui dévoile le « sang froid » de toute existence, l'abîme dont aucunetentative pour se sentir « à l'aise », « chez soi » dans le monde ne peut permettre de sortir.

On a beau se préparerà mourir, il y a toujours un temps, ne serait-ce que l'ultime instant, où le désordre envahit notre esprit.

Ainsi Levinasdira « Pour la pensée qui se meurt toujours au milieu de notions interdépendantes, la mort est le trou qui défait lesystème, le dérangement de tout ordre, le démantèlement de toute la totalité ».

Cette mort se vit comme undésordre car, si on reprend la pensée de Heidegger, elle n'est pas une possibilité comme toutes les autrespossibilités, où il y a toujours un préliminaire, un projet.

Comme le dira Emmanuel Levinas : « Elle est un événementsans projet et le projet qu'on peut avoir de la mort est défait au dernier moment.

C'est elle qui fait le dernier boutde chemin.

»La mort est une possibilité mais on la vit comme un désordre dans le sens où c'est une possibilité indépassable quin'offre aucune possibilité elle ne donne rien à réaliser Heidegger appellera d'ailleurs la possibilité extrême de la mort «possibilité de l'impossible », formule relevant de l'oxymore qui rend bien compte du désordre que représente la mort.Ainsi, on peut dire que la mort se vit comme un ordre mais on peut également considérer qu'elle se vit comme undésordre.

Si ces deux façons de voir la mort peuvent se justifier indépendamment l'une de l'autre, ne pourrait-onpas les associer, bien qu'elles semblent s'opposer, dans une même conception de la mort ? Le désordre que crée lamort ne permettrait-il pas de la penser comme un ordre dans le sens où ce désordre soutiendrait l'existence en nousaidant à agir ? Il est clair qu'un être infini, n'existerait pas au sens fort du verbe exister, ex sistere, se tenir hors de soi, n'être pasemprisonné dans une coïncidence trop parfaite à soi, comme la chose.Cet être immortel serait toujours en lui-même tel que l'éternité le laisse, assuré que tout lui adviendra.

Pour lui, il nevaut pas la peine d'exister, il lui suffit d'être car il n'est pas limité dans le temps.

Au contraire, l'homme, lui, en tantqu'être mortel et donc temporel, accorde une valeur inestimable au temps car il est pour lui limité.

Ainsi, on peut direque c'est la finitude de l'être mortel qui commande la vigilance, la concentration et surtout les projets.

L'homme,avant que la mort ne le fasse disparaître, s'empresse de marquer son passage et c'est bien la perspective de la mortqui le pousse à agir.

Voilà pourquoi Heidegger nomme Dasein, c'est à dire l'existence, « Sein um Tode », « être pour. »

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