Mort et existence ?
Publié le 12/01/2004
Extrait du document
«
LA MORT.
L'EXISTENCE.
LE VECU.
Je suis là, devant la feuille blanche de papier.
«Je» c'est vous, c'est moi, c'est il, c'est toi.
Le sujet qui sent
et qui pense, qui rit, pleure
ou agit.
Je, suis devant la feuille blanche: et d'abord, tout d'abord, il n'y a rien,
que
le blanc, le blanc, la matérialité d'un matériau qui porte le vide, le vide d'une écriture qui ne veut pas
venir.
Je ne ressens que la résistance, la négation, le négatif, la résistance de
ce négatif.
Je, est attente, attention
en attente devant ce
«vide papier que sa blancheur défend».
Rien ne vient.
Rien.
Le Rien.
Ma main hésite au bord de la page, tremble, semble ne pouvoir écrire, tracer les brindilles d'une existence,
ou les vestiges
d'une mort.
Quelque chose la retient, quelque chose l'en empêche: barrières, résistances, blocages: quelque chose qui
a connivence avec la
mort, complicité avec l'écriture, qui dit le non-dit, l'écrit plutôt -ce que laisse échapper
l'oralité.
Si ce non-dit pouvait vraiment être écrit, il ne serait plus tel, ce ne serait plus le non-dit, ou mieux
le non-écrit ...
qui sous-tend l'écrit.
La mort le protège-t-il?
Je tombe, défaille, meurs, je meurs au
bord de ma plume.
Je n'arrive pas à écrire.
Les mots ne veulent pas
commencer d'exister, naître ...
ou je m'aperçois qu'ils sont là
trop vieux, qu'ils existent depuis toujours, avant
moi, et avant
ma page, que je suis parlé avant d'être parlant.
C'est immémorial.
Et je suis las.
Ils sont devant,
derrière, à côté, non décidemment,
ils ne veulent pas commencer à naître nouvellement, à exister premièrement :
«Donner un sens plus pur aux mots de la tribu».
Il y a trop d'existence, depuis toujours, et trop de signes
existants, et
ce trop, ce trop plein, est une autre façon de mort, des mots, des sens, des significations.
Je suis dans l'existence des signes qui ont partie étroitement liée avec la mort.
Cette mort, c'est elle qui retient l'acte d'écrire, l'entrave, l'empêche; qu'elle soit peur, stérilité, angoisse, ou
vraiment la mort.
L'acte d'écrire est peut-être d'écrire le non-dit.
Mais ce non-dit, ce non-écrit, la mort le
retient; c'est la
mort qui m'empêche d'écrire, qui retient les mots de passer à l'existence.
Il y a du négatif.
Il y a la négation entre
ma main et la surface de la page.
Le ne -pas rôde.
Partout et de tous les côtés.
La
page est vide, ou trop pleine, mes doigts tissent le ne -pas, conjuguent le non-être, circonscrivent le vide,
le ne-ens, le néant.
Exister, existence,
mort, mourir, j'ai beau écrire ces mots, inscrire leur graphie sur la page, entrelacer leurs
courants, c'est insuffisant, rien ne veut venir.
Tout est déjà là.
Facticité des signes mêmes.
Tout est là, mais
rien n'est là d'essentiel.
Et toujours le vide, de la page, ou des signes, et la négation: cela ne viendra pas:
mort avant que de naître; arracher quelque chose à la mort, au néant ; éviter le mort-né; comment?
Ce ne pas, le ne pas pouvoir écrire se répète : il y a trop de mots, ou pas assez.
Le ne -pas, signe négatif
du creux, du vide.
De
ce vide peut naître ce qui vient du néant; peut-être, cela peut être; mais cela peut n'être pas.
Vais-je voir
se former l'inouï, l'inédit? Doute.
Entre ma mort à l'œuvre en moi, ou plutôt à la dés-œuvre,
et le vide de la feuille de papier,
trop vide ou trop pleine (et donc s'annihilant), se dessinent un espace, une
durée qui peuvent être source d'avènement
ou retrait, enterrement.
NOTE: Ce cours ne doit être imité, ni de près ni de loin; encore moins évidemment, servilement copié.
Il n'est là que pour faire naître votre propre pensée..
»
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