LA MORT DE MARIE DE RONSARD

Comme on voit sur la branche, au mois de Mai, la rose En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose ; La Grâce, dans sa feuille, et l'Amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d'odeur ; Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur, Languissante, elle meurt, feuille à feuille déclose. Ainsi, en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs ; Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses.

Expiration littérale: Grâce et Amour sont personnifiés. Battue de : battue par ; d'excessive ardeur : par une chaleur excessive. La Parque : personnification antique de la mort. Obsèques : offrandes funèbres. Les Anciens offraient au mort des libations et des aliments. Pleurs : gémissements (du latin : ploratus).

Commentaire:

• Sujet: Ce sonnet fait partie de l'édition de 1578 avec 15 autres poèmes, qui constituent le Tombeau de Marie, morte à trente-deux ans en 1573. Ronsard a-t-il chanté en même temps que sa Marie, la Marie d'Henri III, Marie de Clèves, morte à vingt et un ans, en 1574? Ce n'est pas impossible. Marie représente la Jeunesse et la Beauté enlevées prématurément par la mort.