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Le mot "imagination" chez René DESCARTES

Publié le 18/08/2010

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descartes
 

Règles pour la direction de l’esprit, Règle troisième.

Par intuition j’entends non le témoignage variable des sens, ni le jugement trompeur de l’imagination naturellement désordonnée, mais la conception d’un esprit attentif, si distincte et si claire qu’il ne lui reste aucun doute sur ce qu’il comprend ;

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle septième.

Aussi j’en parcourrai la suite de manière que l’imagination à la fois en voie une et passe à une autre, jusqu’à ce que je puisse aller de la première à la dernière avec une telle rapidité que, presque sans le secours de la mémoire, je saisisse l’ensemble d’un coup d’oeil.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle huitième.

il trouvera qu’il n’y en a que deux, l’imagination et les sens.
Et d’abord nous remarquerons qu’en nous l’intelligence seule est capable de connaître, mais qu’elle peut être ou empêchée ou aidée par trois autres facultés, c’est à savoir, l’imagination, les sens, et la mémoire.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle douzième.

Enfin il faut se servir de toutes les ressources de l’intelligence, de l’imagination, des sens, de la mémoire, pour avoir une intuition distincte des propositions simples, pour comparer convenablement ce qu’on cherche avec ce qu’on connaît, et pour trouver les choses qui doivent être ainsi comparées entre elles ;
Il y a en nous quatre facultés dont nous pouvons nous servir pour connaître, l’intelligence, l’imagination, les sens et la mémoire.
Elle doit cependant s’aider de l’imagination, des sens et de la mémoire, afin de ne laisser sans emploi aucun de nos moyens.
Il faut, en troisième lieu, concevoir que le sens commun joue le rôle du cachet, qui imprime dans l’imagination, comme dans la cire, ces figures ou idées que les sens externes envoient pures et incorporelles ;
que cette imagination est une véritable partie du corps, et d’une grandeur telle que ses diverses parties peuvent revêtir plusieurs figures distinctes l’une de l’autre, et même en garder longtemps l’empreinte :
En quatrième lieu, il faut concevoir que la force motrice ou les nerfs eux-mêmes prennent naissance dans le cerveau, qui contient l’imagination, laquelle les meut de mille façons, comme le sens commun est mû par le sens externe, ou la plume tout entière par son extrémité inférieure ;
exemple qui montre comment l’imagination peut être la cause d’un grand nombre de mouvements dans les nerfs, sans qu’il soit besoin qu’elle en possède en elle-même l’empreinte, pourvu qu’elle possède d’autres empreintes dont ces mouvements puissent être la suite ;
Cela explique comment naissent tous les mouvements de tous les animaux, quoiqu’on ne leur accorde aucune connaissance des choses, mais seulement une imagination purement corporelle, et comment se produisent en nous toutes les opérations qui n’ont pas besoin du concours de la raison.
qu’elle est une et identique, soit qu’avec l’imagination elle reçoive les figures que lui envoie le sens commun, soit qu’elle s’applique à celles que la mémoire garde en dépôt, soit qu’elle en forme de nouvelles, lesquelles s’emparent tellement de l’imagination qu’elle ne peut suffire à recevoir en même temps les idées que lui apporte le sens commun, ou à les transmettre à la force motrice, selon le mode de dispensation qui lui convient.
C’est toujours une seule et même force qui, s’appliquant avec l’imagination au sens commun, est dite voir, toucher, etc.
à l’imagination, en tant qu’elle revêt des formes diverses, est dite se souvenir ;
à l’imagination qui crée des formes nouvelles, est dite imaginer ou concevoir ;
Aussi reçoit-elle, à raison de ces diverses facultés, les noms divers d’intelligence pure, d’imagination, de mémoire, de sensibilité.
Elle s’appelle proprement esprit, lorsqu’elle forme dans l’imagination de nouvelles idées, ou lorsqu’elle s’applique à celles qui sont déjà formées, et que nous la considérons comme la cause de ces différentes opérations.
Car comme l’intelligence peut être mue par l’imagination, et agir sur elle, comme celle-ci à son tour peut agir sur les sens à l’aide de la force motrice en les appliquant aux objets, et que les sens d’autre part agissent sur elle en y peignant les images du corps, comme en outre la mémoire, au moins celle qui est corporelle et qui ressemble à celle des bêtes, est identique avec l’imagination, il suit de là que si l’intelligence s’occupe de choses qui n’ont rien de corporel ou d’analogue au corps, en vain espérera-t-elle du secours de ces facultés.
Il y a plus, pour que son action n’en soit pas arrêtée, il faut écarter les sens, et dépouiller, autant qu’il est possible, l’imagination de toute impression distincte.
Si, au contraire, l’intelligence se propose d’examiner quelque chose qui puisse se rapporter à un corps, il faudra s’en former dans l’imagination l’idée la plus distincte possible.
mais si de cette pluralité on veut distraire un individu, ce qui est souvent nécessaire, il faut débarrasser l’imagination de tout ce qui pourrait partager l’attention, afin que le reste se grave mieux dans la mémoire.
Et qu’on ne juge pas pour cela que l’imagination nous représente fidèlement les objets des sens :
un esprit malade et mélancolique peut prendre pour des réalités les vains fantômes de son imagination.
Mais ces mêmes choses n’induiront pas en erreur l’intelligence du sage, parce que, tout en reconnaissant que ce qui lui vient de l’imagination y a été empreint réellement, il n’affirmera jamais que la notion soit arrivée non altérée des objets externes aux sens, et des sens à l’imagination, à moins qu’il n’ait quelque autre moyen de s’en assurer.
Ainsi, quand l’homme malade de la jaunisse se persuade que ce qu’il voit est jaune, sa connaissance est composée et de ce que son imagination lui représente, et de ce qu’il tire de lui-même, savoir, que la couleur jaune vient non d’un défaut de son oeil, mais de ce que les choses qu’il voit sont réellement jaunes.
Ceux-là composent leurs jugements sur les choses par impulsion qui se portent d’eux-mêmes à croire quelque chose sans être persuadés par aucune raison, mais seulement déterminés, ou par une puissance supérieure, ou par leur propre liberté ,ou par une disposition de leur imagination.
Il est clair que l’intuition s’applique et à ces natures, et à leur connexion nécessaire entre elles, et enfin à toutes les autres choses que l’entendement trouve par une expérience précise, soit en lui-même, soit dans l’imagination.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle quatorzième.

et il faut la représenter tout entière à l’imagination, au moyen de figures nues ;
Pour nous servir aussi du secours de l’imagination, il faut remarquer que toutes les fois que nous déduisons une chose inconnue d’une chose qui nous était connue auparavant, nous ne trouvons pas pour cela un être nouveau, mais seulement la connaissance que nous possédions s’étend au point de nous faire comprendre que la chose cherchée participe d’une façon ou d’une autre à la nature des choses que contiennent les données.
Mais pour imaginer ici encore quelque chose, et nous servir non de l’intelligence pure, mais de l’intelligence aidée des figures peintes dans l’imagination, remarquons qu’on ne dit rien des grandeurs en général qui ne puisse se rapporter à chacune d’elles en particulier.
De là il est facile de conclure qu’il ne nous sera pas peu utile de transporter ce que nous connaîtrons des grandeurs en général à cette espèce de grandeur particulière qui se représentera le plus facilement et le plus distinctement dans notre imagination.
Or que cette grandeur soit l’étendue réelle d’un corps, abstraite de tout ce qui n’est pas la figure, c’est ce qui résulte de ce que nous avons dit dans la règle douzième, où nous avons montré que l’imagination elle-même avec les idées qui existent en elle, n’est autre chose que le véritable corps réel, étendu et figuré ;
et cela n’a pas besoin de plus d’explication, puisqu’il n’est rien que notre imagination perçoive plus facilement.
Mais comme les savants usent souvent de distinctions tellement subtiles qu’ils troublent les lumières naturelles, et trouvent des ténèbres même dans les choses que les paysans n’ont jamais ignorées, il faut les avertir que par étendue nous ne désignons pas quelque chose de distinct ni de séparé d’un sujet, et qu’en général nous ne reconnaissons aucun des êtres philosophiques de cette sorte, qui ne tombent pas réellement sous l’imagination.
Il le reconnaîtra lui-même, pourvu qu’il réfléchisse attentivement à cette image même de l’étendue qu’il s’efforcera alors de se représenter dans l’imagination.
de telle sorte que tous ces êtres abstraits, quelque opinion qu’ait d’ailleurs l’intelligence sur la vérité de la chose, ne se forment jamais dans l’imagination séparés de tout sujet.
Mais, comme désormais nous ne ferons plus rien sans le secours de l’imagination, il faut distinguer avec soin sous quelle idée chaque mot doit se présenter à notre intelligence.
où nous comprenons qu’étendue veut dire quelque autre chose que corps, sans cependant que nous formions dans notre imagination deux idées distinctes, l’une d’un corps, l’autre de l’étendue, mais simplement une seule, celle d’un corps étendu :
Enfin, si on dit, l’étendue n’est pas un corps, le mot d’étendue se prend d’une tout autre manière que plus haut, et dans ce sens aucune idée ne lui correspond dans l’imagination.
toutes propositions qui doivent être éloignées de l’imagination, quelle que soit leur vérité ;
Il faut remarquer soigneusement que dans toutes les autres propositions dans lesquelles ces noms, tout en gardant le même sens et étant employés abstraction faite de tout sujet, n’excluent cependant ou ne nient pas une chose dont ils ne sont pas réellement distincts, nous pouvons et nous devons nous aider du secours de l’imagination, parce que, encore bien que l’intelligence ne fasse précisément attention qu’à ce que désigne le mot, l’imagination cependant doit se figurer une image vraie de la chose, afin que, s’il en est besoin, l’intelligence puisse se reporter sur les autres conditions que le mot n’exprime pas, et ne croie pas imprudemment qu’elles ont été exclues.
Quel est le calculateur qui ne croie pas devoir, non seulement abstraire ses nombres de tout sujet par l’intelligence, mais encore les en distinguer réellement par l’imagination ?
mais pour choisir ici celles qui aident le plus notre imagination, il ne faut jamais embrasser plus d’une ou deux de celles qui sont dans notre imagination, quand même nous verrions que dans la proposition qui nous occupe il en existe plusieurs autres.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle quinzième.

Il apparaît de soi-même comment il faut les tracer, pour qu’au moment où elles frappent nos yeux leur figure se représente dans notre imagination.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle seizième.

Au reste, comme, parmi les innombrables dimensions qui peuvent se figurer dans notre imagination, nous avons dit qu’on ne pouvait en embrasser plus de deux à la fois, d’un seul et même regard, soit des yeux, soit de l’esprit, il est bon de retenir toutes les autres assez exactement pour qu’elles puissent se présenter à nous toutes les fois que nous en aurons besoin.
mais comme elle est souvent sujette à faillir, et pour ne pas être obligés de donner une partie de notre attention à la renouveler, pendant que nous sommes occupés à d’autres pensées, l’art a fort à propos inventé l’écriture, à l’aide de laquelle, sans rien remettre à notre mémoire, et abandonnant notre imagination librement et sans partage aux idées qui l’occupent, nous confions au papier ce que nous voudrons retenir, et cela au moyen de courtes notes, de manière qu’après avoir examiné chaque chose séparément, d’après la règle neuvième, nous puissions, d’après la règle onzième, les parcourir tous par le mouvement rapide de la pensée, et en embrasser à la fois le plus grand nombre possible.
Il me semblait en effet qu’on ne pouvait offrir à mon imagination rien de plus clair, après la ligne et le carré, que le cube et d’autres figures semblables.
qu’il fallait enfin repousser tous ces noms, de peur qu’ils ne troublassent notre conception, par la raison que la même grandeur, qu’on l’appelle cube ou carré carré, ne doit cependant jamais, d’après la règle précédente, se présenter à notre imagination que comme une ligne ou une surface.

 Règles pour la direction de l’esprit, Règle dix-huitième.

Cela bien entendu, il nous reste à exposer comment ces opérations doivent être ramenées à l’examen de l’imagination, et comment il faut les figurer aux yeux, pour ensuite en expliquer l’usage et la pratique.
Il suffit d’avertir que nous supposons de telles opérations non encore achevées ici, puisqu’elles ne peuvent avoir lieu que par une direction inverse et réfléchie de l’imagination, et que nous ne traitons ici que des opérations qui se font directement.

 ABREGE DE LA MUSIQUE, Du nombre et du temps qu’on doit observer dans les sons.

Or cette division est marquée par un mouvement de la main, qu’on appelle batterie, qui se fait pour soulager notre imagination, et par laquelle on peut connaître plus aisément tous les membres d’une pièce ou chanson, et se divertir en contemplant les proportions qui s’y rencontrent.
puis, joignant les deux premiers aux deux derniers, on concevra ces quatre membres ensemble comme un seul, et c’est ainsi que notre imagination se conduit jusques à la fin, où elle se représente toute la chanson comme un corps entier composé de plusieurs membres.

 DISCOURS DE LA METHODE, Première partie.

même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte ou la mémoire aussi ample ou aussi présente, que quelques autres.

 DISCOURS DE LA METHODE, Seconde Partie.

Puis, pour l’analyse des anciens et l’algèbre des modernes, outre qu’elles ne s’étendent qu’à des matières fort abstraites, et qui ne semblent d’aucun usage, la première est toujours si astreinte à la considération des figures, qu’elle ne peut exercer l’entendement sans fatiguer beaucoup l’imagination ;
Puis, ayant pris garde que, pour les connaître, j’aurais quelquefois besoin de les considérer chacune en particulier et quelquefois seulement de les retenir, ou de les comprendre plusieurs ensemble, je pensai que, pour les considérer mieux en particulier, je les devais supposer en des lignes, à cause que je ne trouvais rien de plus simple, ni que je pusse plus distinctement représenter à mon imagination et à mes sens ;

 DISCOURS DE LA METHODE, Quatrième partie.

Et il me semble que ceux qui veulent user de leur imagination, pour les comprendre, font tout de même que si, pour ouïr les sons, ou sentir les odeurs, ils se voulaient servir de leurs yeux :
au lieu que ni notre imagination ni nos sens ne nous sauraient jamais assurer d’aucune chose, si notre entendement n’y intervient.
Et il est à remarquer que je dis de notre raison, et non point de notre imagination ni de nos sens :
et, parce que nos raisonnements ne sont jamais si évidents ni si entiers pendant le sommeil que pendant la veille, bien que quelquefois nos imaginations soient alors autant ou plus vives et expresses, elle nous dicte aussi que nos pensées ne pouvant être toutes vraies, à cause que nous ne sommes pas tout parfaits, ce qu’elles ont de vérité doit infailliblement se rencontrer en celles que nous avons étant éveillés plutôt qu’en nos songes.

 LA DIOPTRIQUE, DISCOURS PREMIER, DE LA LUMIERE.

en sorte que, portant notre vue beaucoup plus loin que n’avait coutume d’aller l’imagination de nos pères, elles semblent nous avoir ouvert le chemin, pour parvenir à une connaissance de la nature beaucoup plus grande et plus parfaite qu’ils ne l’ont eue.
Et par ce moyen votre esprit sera délivré de toutes ces petites images voltigeantes par l’air, nommées des espèces intentionnelles, qui travaillent tant l’imagination des philosophes.

 LA DIOPTRIQUE, DISCOURS SIXIEME, DE LA VISION.

et ce, par une action de la pensée, qui, n’étant qu’une imagination toute simple, ne laisse point d’envelopper en soi un raisonnement tout semblable à celui que font les arpenteurs, lorsque, par le moyen de deux différentes stations, ils mesurent les lieux inaccessibles.

 LA DIOPTRIQUE, DISCOURS NEUVIEME, LA DESCRIPTION DES LUNETTES.

De plus il ne sera pas inutile non seulement d’appuyer cette lunette tout contre l’oeil, en sorte qu’il ne puisse venir vers lui aucune lumière que par elle, mais aussi d’avoir auparavant attendri sa vue en se tenant en lieu obscur, et d’avoir l’imagination disposée comme pour regarder des choses fort éloignées et fort obscures, afin que la prunelle s’ouvre d’autant plus, et qu’ainsi on en puisse voir un objet d’autant plus grand.

 L’HOMME.

ou si elles y manquent, étant contraintes de retourner vers les petits tuyaux a, a, qui sont en la superficie intérieure du cerveau, elles causent aussitôt un éblouissement, ou vertige, qui trouble les fonctions de l’imagination.
à savoir, comment s’y forment les idées des objets, dans le lieu destiné pour l’imagination, et pour le sens commun, comment elles se réservent dans la mémoire, et comment elles causent le mouvement de tous les membres.
Or, entre ces figures, ce ne sont pas celles qui s’impriment dans les organes des sens extérieurs, ou dans la superficie intérieure du cerveau, mais seulement celles qui se tracent dans les esprits sur la superficie de la glande H, où est le siège de l’imagination, et du sens commun, qui doivent être prises pour les idées, c’est-à-dire pour les formes ou images que l’âme raisonnable considérera immédiatement, lorsque étant unie à cette machine elle imaginera ou sentira quelque objet.
mais elles peuvent aussi procéder de plusieurs autres causes, ainsi que je vous dirai ci-après, et alors c’est à l’imagination qu’elles doivent être attribuées.
Et c’est ainsi que se composent les chimères, et les hippogriffes, en l’imagination de ceux qui rêvent étant éveillés, c’est-à-dire qui laissent errer nonchalamment çà et là leur fantaisie, sans que les objets extérieurs la divertissent, ni qu’elle soit conduite par leur raison.
en sorte qu’ils ne diffèrent en rien de ces idées que j’ai dit ci-dessus se former quelquefois dans l’imagination de ceux qui rêvent étant éveillés, si ce n’est en ce que les images qui se forment pendant le sommeil peuvent être beaucoup plus distinctes et plus vives que celles qui se forment pendant la veille.
l’impression de leurs idées dans l’organe du sens commun et de l’imagination, la rétention ou l’empreinte de ces idées dans la mémoire ;

 LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE PREMIER, De la différence qui est entre nos sentiments et les choses qui les produisent.

Me proposant de traiter ici de la lumière, la première chose dont je veux vous avertir est qu’il peut y avoir de la différence entre le sentiment que nous en avons, c’est-à-dire l’idée qui s’en forme en notre imagination par l’entremise de nos yeux, et ce qui est dans les objets qui produit en nous ce sentiment, c’est-à-dire ce qui est dans la flamme ou dans le Soleil, qui s’appelle du nom de Lumière.

 LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE VI, Description d’un nouveau monde ; et des qualités de la matière dont il est composé.

et après nous être arrêtés là en quelque lieu déterminé, supposons que Dieu crée de nouveau tout autour de nous tant de matière que, de quelque côté que notre imagination se puisse étendre, elle n’y aperçoive plus aucun lieu qui soit vide.
Ainsi, encore que notre imagination semble se pouvoir étendre à infini et que cette nouvelle matière ne soit pas supposée être infinie, nous pouvons bien toutefois supposer qu’elle remplit des espaces beaucoup plus grands que tous ceux que nous aurons imaginés.
Et même afin qu’il n’y ait rien en tout ceci où vous puissiez trouver à redire, ne permettons pas à notre imagination de s’étendre si loin qu’elle pourrait ;
et son idée est tellement comprise en toutes celles que notre imagination peut former qu’il faut nécessairement que vous la conceviez ou que vous n’imaginiez jamais aucune chose.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Abrégé des six méditations suivantes.

Enfin, dans la Sixième, je distingue l’action de l’entendement d’avec celle de l’imagination ;

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Première Méditation.

ou bien, si peut-être leur imagination est assez extravagante pour inventer quelque chose de si nouveau, que jamais on n’ait rien vu de semblable, et qu’ainsi leur ouvrage représente une chose purement feinte et absolument fausse, certes à tout le moins les couleurs dont ils le composent doivent-elles être véritables.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Méditation Seconde.

J’exciterai mon imagination, pour voir si je ne suis point encore quelque chose de plus.
par conséquent, elle ne dépend d’aucunes de celles que je puis feindre par mon imagination.
j’exciterai mon imagination pour connaître plus distinctement quel je suis, que si je disais :
Et partant, je connais manifestement que rien de tout ce que je puis comprendre par le moyen de l’imagination, n’appartient à cette connaissance que j’ai de moi-même, et qu’il est besoin de rappeler et détourner son esprit de cette façon de concevoir, afin qu’il puisse lui-même connaître bien distinctement sa nature.
Mais néanmoins il me semble encore et je ne puis m’empêcher de croire que les choses corporelles, dont les images se forment par la pensée, qui tombent sous les sens, et que les sens même examinent, ne soient beaucoup plus distinctement connues que cette je ne sais quelle partie de moi-même qui ne tombe point sous l’imagination :
Non certes, ce n’est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j’ai de la cire ne s’accomplit pas par la faculté d’imaginer.
Il faut donc demeurer d’accord, que je ne saurais pas même comprendre par l’imagination ce que c’est que ce morceau de cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le comprenne.
Or ce qui est ici grandement à remarquer, c’est que sa perception n’est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l’a jamais été, quoiqu’il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l’esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.
et si je le juge de ce que mon imagination, ou quelque autre cause que ce soit, me le persuade, je conclurai toujours la même chose.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Méditation Troisième.

Car, ainsi que j’ai remarqué ci-devant, quoique les choses que je sens et que j’imagine ne soient peut-être rien du tout hors de moi et en elles-mêmes, je suis néanmoins assuré que ces façons de penser que j’appelle sentiments et imaginations, en tant seulement qu’elles sont des façons de penser, résident et se rencontrent certainement en moi.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Méditation Quatrième.

En même façon, si j’examine la mémoire, ou l’imagination, ou quelqu’autre faculté qui soit en moi, je n’en trouve aucune qui ne soit très petite et bornée, et qui en Dieu ne soit immense et infinie.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Méditation Sixième.

car quand je considère attentivement ce que c’est que l’imagination, je trouve qu’elle n’est autre chose qu’une certaine application de la faculté qui connaît, au corps qui lui est intimement présent, et partant qui existe.
Et pour rendre cela très manifeste, je remarque premièrement la différence qui est entre l’imagination et la pure intellection ou conception.
Et quoique, suivant la coutume que j’ai de me servir toujours de mon imagination, lorsque je pense aux choses corporelles, il arrive qu’en concevant un chiliogone je me représente confusément quelque figure, toutefois il est très évident que cette figure n’est point un chiliogone, puisqu’elle ne diffère nullement de celle que je me représenterais, si je pensais à un myriogone, ou à quelque autre figure de beaucoup de côtés ;
Que s’il est question de considérer un pentagone, il est bien vrai que je puis concevoir sa figure, aussi bien que celle d’un chiliogone, sans le secours de l’imagination ;
et cette particulière contention d’esprit montre évidemment la différence qui est entre l’imagination et l’intellection ou conception pure.
Je conçois, dis-je, aisément que l’imagination se peut faire de cette sorte, s’il est vrai qu’il y ait des corps ;
mais ce n’est que probablement, et quoique j’examine soigneusement toutes choses, je ne trouve pas néanmoins que de cette idée distincte de la nature corporelle que j’ai en mon imagination, je puisse tirer aucun argument qui conclue avec nécessité l’existence de quelque corps.
Et d’autant que j’aperçois beaucoup mieux ces choses-là par les sens, par l’entremise desquels, et de la mémoire, elles semblent être parvenues jusqu’à mon imagination, je crois que, pour les examiner plus commodément, il est à propos que j’examine en même temps ce que c’est que sentir, et que je voie si des idées que je reçois en mon esprit par cette façon de penser, que j’appelle sentir, je ne pourrai point tirer quelque preuve certaine de l’existence des choses corporelles.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX PREMIERES OBJECTIONS.

mais, lorsque notre vue s’arrête sur une partie de la mer seulement, cette vision alors peut être fort claire et fort distincte, comme aussi l’imagination d’un chiliogone, lorsqu’elle s’étend seulement sur un ou deux de ses côtés.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS, RAISONS QUI PROUVENT L’EXISTENCE DE DIEU, ET LA DISTINCTION QUI EST ENTRE L’ESPRIT ET LE CORPS DE L’HOMME, DISPOSÉES D’UNE FAÇON GÉOMÉTRIQUE, Définitions.

ainsi toutes les opérations de la volonté, de l’entendement, de l’imagination et des sens, sont des pensées.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION IVème.

“ Il faut donc que je demeure d’accord que je ne saurais pas même comprendre par mon imagination ce que c’est que ce morceau de cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le comprenne.
Si cela est ainsi, comme il peut être, le raisonnement dépendra des noms, les noms de l’imagination, et l’imagination peut-être (et ceci selon mon sentiment) du mouvement des organes corporels ;

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION IVème, REPONSE.

J’ai expliqué, dans la seconde Méditation, la différence qui est entre l’imagination et le pur concept de l’entendement ou de l’esprit, lorsqu’en l’exemple de la cire j’ai fait voir quelles sont les choses que nous imaginons en elle, et quelles sont celles que nous concevons par le seul entendement ;

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION Vème, REPONSE.

et je me suis servi de ce nom, parce qu’il était déjà communément reçu par les philosophes, pour signifier les formes des conceptions de l’entendement divin, encore que nous ne reconnaissions en Dieu aucune fantaisie ou imagination corporelle ;

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIIe.

et partant, il faut conclure que, pour errer, il est besoin d’un entendement, ou du moins d’une imagination, qui sont des facultés toutes deux positives, accordées à tous ceux qui se trompent, mais aussi à eux seuls.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA SECONDE MÉDITATION.

Dites-moi donc, je vous prie, ô chair, ou qui que vous soyez, et quel que soit le nom dont vous vouliez qu’on vous appelle, avez-vous si peu de commerce avec l’esprit que vous n’ayez pu remarquer l’endroit où j’ai corrigé cette imagination du vulgaire par laquelle on feint que la chose qui pense est semblable au vent ou à quelque autre corps de cette sorte ?
Ce que j’ai dit de l’imagination est assez clair si l’on y veut prendre garde, mais ce n’est pas merveille si cela semble obscur à ceux qui ne méditent jamais et ne font aucune réflexion sur ce qu’ils pensent.
et bien que, lorsque le sentiment ou l’imagination est fortement agitée, comme il arrive quand le cerveau est troublé, l’esprit ne puisse pas facilement s’appliquer à concevoir d’autres choses, nous expérimentons néanmoins que, lorsque notre imagination n’est pas si forte, nous ne laissons pas souvent de concevoir quelque chose d’entièrement différent de ce que nous imaginons, comme lorsqu’au milieu de nos songes nous apercevons que nous rêvons ;
car alors c’est bien un effet de notre imagination de ce que nous rêvons, mais C’est Un ouvrage qui n’appartient qu’à l’entendement seul de nous faire apercevoir de nos rêveries.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA TROISIEME MÉDITATION.

Vous faites le même lorsque vous niez qu’on puisse avoir une vraie idée de la substance, à cause, dites-vous, que la substance ne s’aperçoit point par l’imagination, mais par le seul entendement.
Mais j’ai déjà plusieurs fois protesté, ô chair, que je ne voulais point avoir affaire avec ceux qui ne se veulent servir que de l’imagination, et non point de l’entendement.
Mais vous confondez l’intellection avec l’imagination, et vous feignez que nous imaginons Dieu comme quelque grand et puissant géant, ainsi que ferait celui qui, n’ayant jamais vu d’éléphant, s’imaginerait qu’il est semblable à un ciron d’une grandeur et grosseur démesurée, ce que je confesse avec vous être fort impertinent.

 MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA SIXIEME MÉDITATION.

d’où il est évident que les facultés d’entendre et d’imaginer ne différent pas seulement selon le plus et le moins, mais comme deux manières d’agir totalement différentes, Car dans l’intellection l’esprit ne se sert que de soi-même, au lieu que dans l’imagination il contemple quelque forme corporelle ;
et encore que les figures géométriques soient tout à fait corporelles, néanmoins il ne se faut pas persuader que ces idées qui servent à nous les faire concevoir le soient aussi quand elles ne tombent point sous l’imagination ;
et quant à l’imagination, qui ne peut être que des choses corporelles, il est vrai que pour en former une il est besoin d’une espèce qui soit un véritable corps et à laquelle l’esprit s’applique, mais non pas qui soit reçue dans l’esprit, Ce que vous dites de l’idée du soleil, qu’un aveugle-né forme sur la simple connaissance qu’il a de sa chaleur, se peut aisément réfuter car cet aveugle peut bien avoir une idée claire et distincte du soleil comme d’une chose qui échauffe, quoiqu’il n’en ait pas l’idée comme d’une chose qui éclaire et illumine.
Vous n’objectez rien du tout contre mes raisons, mais vous proposez seulement les doutes qui vous semblent suivre de mes conclusions, quoique en effet ils ne vous viennent à l’esprit que parce que vous voulez soumettre à l’examen de l’imagination des choses qui de leur nature ne sont point sujettes à sa juridiction.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, LETTRE DE L’AUTEUR A CELUI QUI A TRADUIT LE LIVRE, LAQUELLE PEUT SERVIR ICI DE PREFACE.

car, bien que souvent la vérité ne touche pas tant notre imagination que font les faussetés et les feintes, à cause qu’elle paraît moins admirable et plus simple, toutefois le contentement qu’elle donne est toujours plus durable et plus solide.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 53.

ainsi l’imagination, le sentiment et la volonté dépendent tellement d’une chose qui pense que nous ne les pouvons concevoir sans elle.
et la chose qui pense sans imagination ou sans sentiment, et ainsi du reste.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 73.

De plus, comme notre âme ne saurait s’arrêter à considérer longtemps une même chose avec attention, sans se peiner et même sans se fatiguer, et qu’elle ne s’applique à rien avec tant de peine qu’aux choses purement intelligibles, qui ne sont présentes ni aux sens ni à l’imagination, soit que naturellement elle ait été faite ainsi à cause qu’elle est unie au corps, ou que pendant les premières années de notre vie nous nous soyons si fort accoutumés à sentir et imaginer, que nous ayons acquis une facilité plus grande à penser de cette sorte, de là vient que beaucoup de personnes ne sauraient croire qu’il y ait des substances si elles ne sont imaginables et corporelles, et même sensibles ;

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 29.

Mais cette imagination serait sans fondement, parce que notre pensée étant de telle nature qu’elle n’aperçoit point de limites qui bornent l’univers, quiconque prendra garde à la grandeur de Dieu et à la faiblesse de nos sens jugera qu’il est bien plus à propos de croire que peut-être au-delà de toutes les étoiles que nous voyons il y a d’autres corps au regard desquels il faudrait dire que la terre est en repos et que les étoiles se meuvent, que de supposer que la puissance du Créateur est si peu parfaite qu’il n’y en saurait avoir de tels, ainsi que doivent supposer ceux qui assurent en cette façon que la terre se meut.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 187.

comme peuvent être de faire saigner les plaies du mort lorsque le meurtrier s’en approche, d’émouvoir l’imagination de ceux qui dorment ou même aussi de ceux qui sont éveillés, et leur donner des pensées qui les avertissent des choses qui arrivent loin d’eux, en leur faisant ressentir les grandes afflictions ou les grandes joies d’un intime ami, les mauvais desseins d’un assassin, et choses semblables.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 190.

Ainsi, lorsque nous pensons jouir de quelque bien, l’imagination de cette jouissance ne contient pas en soi le sentiment de la joie, mais elle fait que les esprits animaux passent du cerveau dans les muscles auxquels ces nerfs sont insérés ;
Mais sitôt que cette joie spirituelle vient de l’entendement en l’imagination, elle fait que les esprits coulent du cerveau vers les muscles qui sont autour du c_ur, et là excitent le mouvement des nerfs, par lequel est excité un autre mouvement dans le cerveau, qui donne à l’âme le sentiment ou la passion de la joie.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 197.

Quelqu’un répondra peut-être que l’écriture et les paroles ne représentent immédiatement à l’âme que la figure des lettres et leurs sons, en suite de quoi, elle qui entend la signification de ces paroles excite en soi-même les imaginations et passions qui s’y rapportent.

 LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 200.

notre imagination en reçoit des idées très distinctes, et notre entendement le conçoit très clairement.
car chacune de ces choses ne touche qu’un seul de nos sens, et n’imprime en notre imagination qu’une idée de soi qui est fort confuse, et enfin ne fait point connaître à notre entendement ce qu’elle est.

 LES PASSIONS DE L’AME, LETTRE Ire A MONSIEUR DESCARTES.

et souvent ceux qui les étudient, tâchent d’obtenir par travail ce que la force de leur esprit ne leur peut donner, fatiguent trop leur imagination, et même la blessent, et acquièrent avec cela plusieurs préjugés :

 LES PASSIONS DE L’AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 19.

Celles qui ont l’âme pour cause sont les perceptions de nos volontés et de toutes les imaginations ou autres pensées qui en dépendent.

 LES PASSIONS DE L’AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 21.

mais il y en a aussi quelques-unes qui n’en dépendent point, et qu’on nomme des imaginations, ainsi que celles dont je viens de parler, desquelles néanmoins elles diffèrent en ce que notre volonté ne s’emploie point à les former, ce qui fait qu’elles ne peuvent être mises au nombre des actions de l’âme, et elles ne procèdent que de ce que les esprits étant diversement agités, et rencontrant les traces de diverses impressions qui ont précédé dans le cerveau, ils y prennent leur cours fortuitement par certains pores plutôt que par d’autres.
Or encore que quelques-unes de ces imaginations soient des passions de l’âme, en prenant ce mot en sa plus propre et plus parfaite signification, et qu’elles puissent être toutes ainsi nommées, si on le prend en une signification plus générale, toutefois, pource qu’elles n’ont pas une cause si notable et si déterminée que les perceptions que l’âme reçoit par l’entre mise des nerfs, et qu’elles semblent n’en être que l’ombre et la peinture, avant que nous les puissions bien distinguer, il faut considérer la différence qui est entre ces autres.

 LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 91.

car, sitôt que notre entendement s’aperçoit que nous possédons quelque bien, encore que ce bien puisse être si différent de tout ce qui appartient au corps qu’il ne soit point du tout imaginable, l’imagination ne laisse pas de faire incontinent quelque impression dans le cerveau, de laquelle suit le mouvement des esprits qui excite la passion de la joie.

 LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 127.

ce qui pouvait venir de ce que son poumon, vide de sang par faute de nourriture, était promptement enflé par le premier suc qui passait de son estomac vers le coeur, et que la seule imagination de manger y pouvait conduire, avant même que celui des viandes qu’il mangeait y fût parvenu.

 LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 135.

car, au lieu qu’on est incité à pleurer quand les poumons sont pleins de sang, on est incité à soupirer quand ils sont presque vides, et que quelque imagination d’espérance ou de joie ouvre l’orifice de l’artère veineuse, que la tristesse avait étréci, parce qu’alors le peu de sang qui reste dans les poumons tombant tout à coup dans le côté gauche du coeur par cette artère veineuse, et y étant poussé par le désir de parvenir à cette joie, lequel agite en même temps tous les muscles du diaphragme et de la poitrine, l’air est poussé prompte ment par la bouche dans les poumons, pour y remplir la place que laisse ce sang.

 LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 147.

et il se peut faire que quelques restes d’amour ou de pitié qui se présentent à son imagination tirent de véritables larmes de ses yeux, nonobstant qu’il sente cependant une joie secrète dans le plus intérieur de son âme, l’émotion de laquelle a tant de pouvoir que la tristesse et les larmes qui l’accompagnent ne peuvent rien diminuer de sa force.
Et lorsque nous lisons des aventures étranges dans un livre, ou que nous les voyons représenter sur un théâtre, cela excite quelquefois en nous la tristesse, quelquefois la joie, ou l’amour, ou la haine, et généralement toutes les passions, selon la diversité des objets qui s’offrent à notre imagination ;

 LES PASSIONS DE L’AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 211.

Mais ce qu’on peut toujours faire en telle occasion, et que je pense pouvoir mettre ici comme le remède le plus général et le plus aisé à pratiquer contre tous les excès des passions, c’est que, lorsqu’on se sent le sang ainsi ému, on doit être averti et se sou venir que tout ce qui se présente à l’imagination tend à tromper l’âme et à lui faire paraître les raisons qui servent à persuader l’objet de sa passion beaucoup plus fortes qu’elles ne sont, et celles qui servent à la dissuader beaucoup plus faibles.

 Correspondance, année 1629, Au R. P. MERSENNE, 20 novembre 1629.

et si quelqu’un avait bien expliqué quelles sont les idées simples qui sont en l’imagination des hommes, desquelles se compose tout ce qu’ils pensent, et que cela fût reçu par tout le monde, j’oserais espérer ensuite une langue universelle, fort aisée à apprendre, à prononcer et à écrire, et ce qui est le principal, qui aiderait au jugement, lui représentant si distinctement toutes choses, qu’il lui serait presque impossible de se tromper ;

 Correspondance, année 1630, AU R. P. MERSENNE, 25 février 1630.

de quoi véritablement il est impossible d’avoir autre chose que des imaginations, (De quoi je ne saurais avoir que de faibles conjectures), et je suis bien aise de ne rien écrire que je ne sache.
, (Pour l’air qui suit ou qui précède, c’est une imagination de l’École, qui, à mon jugement, n’y fait rien du tout) et je n’en sache point d’autre que ces deux raisons.
J’ai dit que l’imagination n’était pas assez prompte pour juger des intervalles qui naissent de la troisième et quatrième bissection, où quand je dis juger, c’est-à-dire le comprendre si facilement, qu’elle en reçoive du plaisir ;
que s’il pensait venir, encore que je n’y fusse pas, pensant y être mieux qu’à Paris (car ceux qui n’ont pas voyagé ont quelquefois de telles imaginations), vous le pourrez assurer qu’il y fait plus cher vivre qu’à Paris, et qu’il trouverait ici moins de personnes curieuses des choses qu’il peut faire qu’il n’y en a en la plus petite ville de France.

 Correspondance, année 1630, AU R. P. MERSENNE , 20 mai 1630. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 6 mai 1630.).

Je me moque avec vous des imaginations de ce chimiste dont vous m’écrivez, et crois que semblables chimères ne méritent pas d’occuper un seul moment les pensées d’un honnête homme.

 Correspondance, année 1637, AU R. P. MERSENNE. REPONSE AUX OBJECTIONS DE Monsieur DE FERMAT, 3 décembre 1637. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 5 octobre 1637.).

mais je dirai seulement que de ce que j’ai écrit que la détermination à se mouvoir peut être divisée (j’entends divisée réellement, et non point par imagination) en toutes les parties dont on peut imaginer qu’elle est composée, il n’a aucune raison de conclure que la division de cette détermination, qui est faite par la superficie CBE, qui est une superficie réelle, à savoir celle du corps poli CBE, ne soit qu’imaginaire.
Et il fait un paralogisme très manifeste, en ce que, supposant la ligne AF n’être pas parallèle à la superficie CBE, il a voulu qu’on pût, nonobstant cela, imaginer que cette ligne désignait le côté auquel cette superficie n’est point du tout opposée, sans considérer que comme il n’y a que les seules perpendiculaires, non sur cette AF tirée de travers par son imagination, mais sur CBE, qui marquent en quel sens cette superficie CBE est opposée au mouvement de la balle, aussi n’y a-t-il que les parallèles à cette même CBE qui marquent le sens auquel elle ne lui est point du tout opposée.

 Correspondance, année 1638, AU R. P. MERSENNE, 27 mai 1638. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 17 mai 1638).

toutefois je crois qu’elle ne surpasse les bornes que de notre imagination, ainsi que font les questions de l’existence de Dieu et de l’âme humaine, et que notre entendement en peut atteindre la vérité, laquelle est, au moins selon mon opinion, que non seulement il n’y aurait point d’espace, mais même que ces vérités qu’on nomme éternelles, comme que totum est majus sua parte, etc.

 Correspondance, année 1638, Au R. P. MERSENNE, 8 octobre 1638. (Les éditions contemporaines retiennent comme date le 11 octobre 1638).

ce qui n’est qu’une imagination fort aisée à réfuter, et dont il ne donne aucune preuve.
Il fait considérer une ligne droite, décrite par le mouvement d’un cercle, pour prouver qu’elle est composée d’une infinité de points actu, ce qui n’est qu’une imagination toute pure.

 Correspondance, année 1639, A MONSIEUR *** (DESARGUES), 4 janvier 1639. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 19 juin 1639.

Mais si vous avez cette intention, il faut vous résoudre à composer un gros livre, et à y expliquer tout si amplement, si clairement, et si distinctement, que ces Messieurs, qui n’étudient qu’en baillant, et qui ne peuvent se peiner l’imagination pour entendre une proposition de Géométrie, ni tourner les feuillets pour regarder les lettres d’une figure, ne trouvent rien en votre discours, qui leur semble plus malaisé à comprendre qu’est la description d’un palais enchanté dans un roman.

 Correspondance, année 1639, AU R. P. MERSENNE, 15 novembre 1639. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 13 novembre 1639.).

Car la partie de l’esprit qui aide le plus aux mathématiques, à savoir, l’imagination, nuit plus qu’elle ne sert pour les spéculations métaphysiques.

 Correspondance, année 1640, A Monsieur REGIUS, 22 mai 1640. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 24 mai.).

Je ne vois pas aussi pourquoi vous prétendez que l’idée des universaux appartienne plutôt à l’imagination qu’à I’intellect.

 Correspondance, année 1640, Au R. P. MERSENNE, 30 juillet 1640.

Pour les marques d’envie, puisqu’elles ne s’impriment point sur l’enfant, lorsque la mère mange du fruit, dont elle a envie, il est bien vraisemblable qu’elles peuvent aussi quelquefois être guéries, lorsque l’enfant mange de ce fruit, à cause que la même disposition qui était dans le cerveau de la mère et qui causait son envie, se trouve aussi dans le sien, et correspond à l’endroit qui est marqué, ainsi que la mère, en se frottant à pareil endroit, au temps de son envie, y a rapporté l’effet de son imagination.
Et j’admire que des personnes de bon esprit, en cherchant quelque chose de probable, préfèrent des imaginations confuses et impossibles à des pensées plus intelligibles et, sinon vraies, au moins possibles et probables ;
Pour répondre au billet que vous m’avez envoyé de la part de quelques uns de vos médecins, je vous dirai ici en peu de mots, que la raison qui m’a fait juger que quelques-unes des plus pénétrantes parties du sang sont portées dans l’estomac et dans les intestins par les artères, pour aider à la dissolution des viandes, est que j’ai remarqué que la salive, qui vient en grande abondance dans la bouche, quand on mange ou seulement quand on a le désir et l’imagination fort présente, n’y vient pas seulement des amandes qui sont à l’entrée de la gorge (d’où peut-être elle ne va que vers le gosier, si ce n’est qu’on l’attire dans la bouche avec les muscles de la langue), mais des artères qui descendent aux gencives ;

 Correspondance, année 1640, Au R. P. MERSENNE, 28 octobre 1640.

De dire qu’un boulet tiré d’un canon ait plus de force, après ses derniers bonds, que s’il était poussé de la main, en sorte qu’il se mût de même vitesse, je crois que ce n’est qu’une imagination, et j’en ai vu l’expérience en une cuirasse faussée par le bond d’un boulet, sans que celui qui la portait fût tué ;
ou bien, s’il en avait, nous le pourrions diviser du moins par notre imagination, ce qui suffirait pour assurer qu’il n’est pas indivisible ;

 Correspondance, année 1641, Au R. P. MERSENNE, 1er juillet 1641.

et il a aussi assez montré qu’il n’en était pas non plus, puisqu’il dit lui-même que Dieu ne peut être conçu par l’imagination.
Mais si ce n’est pas par l’imagination qu’il est conçu, ou l’on ne conçoit rien quand on parle de Dieu (ce qui marquerait un épouvantable aveuglement), ou on le conçoit d’une autre manière ;
Si donc il veut prendre le mot d’idée en la façon que j’ai dit très expressément que je le prenais, sans s’arrêter à l’équivoque de ceux qui le restreignent aux seules images des choses matérielles qui se forment dans l’imagination, il lui sera facile de reconnaître que, par l’idée de Dieu, je n’entends autre chose que ce que tous les hommes ont coutume d’entendre lorsqu’ils en parlent, et que ce qu’il faut aussi de nécessité qu’il ait entendu lui-même ;
autrement, comment aurait-il pu dire que Dieu est infini et incompréhensible, et qu’il ne peut pas être représenté par notre imagination ;
Mais il ne s’en faut pas étonner, car notre imagination n’est propre qu’à se représenter des choses qui tombent sous les sens ;
Car, qu’elles s’expriment par des noms ou par des propositions, ce n’est pas cela qui fait qu’elles appartiennent à l’esprit ou à l’imagination ;
en sorte que tout ce que nous concevons sans image est une idée du pur esprit, et que tout ce que nous concevons avec image en est une de l’imagination.
Et comme les bornes de notre imagination sont fort courtes et fort étroites, au lieu que notre esprit n’en a presque point, il y a peu de choses, même corporelles, que nous puissions imaginer, bien que nous soyons capables de les concevoir.
Et même toute cette science que l’on pourrait peut-être croire la plus soumise à notre imagination, parce qu’elle ne considère que les grandeurs, les figures et les mouvements, n’est nullement fondée sur ses fantômes, mais seulement sur les notions claires et distinctes de notre esprit ;

 Correspondance, année 1642, A UN R. P. DE L’ORATOIRE. DOCTEUR DE SORBONNE, Sans date précise (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 19 janvier 1642.).<


descartes

« Aussi reçoit-elle, à raison de ces diverses facultés, les noms divers d'intelligence pure, d'imagination, de mémoire, de sensibilité. Elle s'appelle proprement esprit, lorsqu'elle forme dans l'imagination de nouvelles idées, ou lorsqu'elle s'applique à celles qui sontdéjà formées, et que nous la considérons comme la cause de ces différentes opérations. Car comme l'intelligence peut être mue par l'imagination, et agir sur elle, comme celle-ci à son tour peut agir sur les sens à l'aidede la force motrice en les appliquant aux objets, et que les sens d'autre part agissent sur elle en y peignant les images du corps,comme en outre la mémoire, au moins celle qui est corporelle et qui ressemble à celle des bêtes, est identique avec l'imagination,il suit de là que si l'intelligence s'occupe de choses qui n'ont rien de corporel ou d'analogue au corps, en vain espérera-t-elle dusecours de ces facultés. Il y a plus, pour que son action n'en soit pas arrêtée, il faut écarter les sens, et dépouiller, autant qu'il est possible, l'imagination detoute impression distincte. Si, au contraire, l'intelligence se propose d'examiner quelque chose qui puisse se rapporter à un corps, il faudra s'en former dansl'imagination l'idée la plus distincte possible. mais si de cette pluralité on veut distraire un individu, ce qui est souvent nécessaire, il faut débarrasser l'imagination de tout ce quipourrait partager l'attention, afin que le reste se grave mieux dans la mémoire. Et qu'on ne juge pas pour cela que l'imagination nous représente fidèlement les objets des sens : un esprit malade et mélancolique peut prendre pour des réalités les vains fantômes de son imagination. Mais ces mêmes choses n'induiront pas en erreur l'intelligence du sage, parce que, tout en reconnaissant que ce qui lui vient del'imagination y a été empreint réellement, il n'affirmera jamais que la notion soit arrivée non altérée des objets externes aux sens, etdes sens à l'imagination, à moins qu'il n'ait quelque autre moyen de s'en assurer. Ainsi, quand l'homme malade de la jaunisse se persuade que ce qu'il voit est jaune, sa connaissance est composée et de ce queson imagination lui représente, et de ce qu'il tire de lui-même, savoir, que la couleur jaune vient non d'un défaut de son oeil, maisde ce que les choses qu'il voit sont réellement jaunes. Ceux-là composent leurs jugements sur les choses par impulsion qui se portent d'eux-mêmes à croire quelque chose sans êtrepersuadés par aucune raison, mais seulement déterminés, ou par une puissance supérieure, ou par leur propre liberté ,ou par unedisposition de leur imagination. Il est clair que l'intuition s'applique et à ces natures, et à leur connexion nécessaire entre elles, et enfin à toutes les autres chosesque l'entendement trouve par une expérience précise, soit en lui-même, soit dans l'imagination. Règles pour la direction de l'esprit, Règle quatorzième. et il faut la représenter tout entière à l'imagination, au moyen de figures nues ; Pour nous servir aussi du secours de l'imagination, il faut remarquer que toutes les fois que nous déduisons une chose inconnued'une chose qui nous était connue auparavant, nous ne trouvons pas pour cela un être nouveau, mais seulement la connaissanceque nous possédions s'étend au point de nous faire comprendre que la chose cherchée participe d'une façon ou d'une autre à lanature des choses que contiennent les données. Mais pour imaginer ici encore quelque chose, et nous servir non de l'intelligence pure, mais de l'intelligence aidée des figurespeintes dans l'imagination, remarquons qu'on ne dit rien des grandeurs en général qui ne puisse se rapporter à chacune d'elles enparticulier. De là il est facile de conclure qu'il ne nous sera pas peu utile de transporter ce que nous connaîtrons des grandeurs en général àcette espèce de grandeur particulière qui se représentera le plus facilement et le plus distinctement dans notre imagination. Or que cette grandeur soit l'étendue réelle d'un corps, abstraite de tout ce qui n'est pas la figure, c'est ce qui résulte de ce quenous avons dit dans la règle douzième, où nous avons montré que l'imagination elle-même avec les idées qui existent en elle, n'estautre chose que le véritable corps réel, étendu et figuré ; et cela n'a pas besoin de plus d'explication, puisqu'il n'est rien que notre imagination perçoive plus facilement.. »

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