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Le mot "principe" chez Descartes

Publié le 08/11/2010

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descartes

 

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle troisième.

car il est un grand nombre de choses qui, sans être évidentes par elles-mêmes, portent cependant le caractère de la certitude, pourvu qu’elles soient déduites de principes vrais et incontestés par un mouvement continuel et non interrompu de la pensée, avec une intuition distincte de chaque chose ;

d’où il suit que l’on peut dire que les premières propositions, dérivées immédiatement des principes, peuvent être, suivant la manière de les considérer, connues tantôt par intuition, tantôt par déduction ;

tandis que les principes eux-mêmes ne sont connus que par intuition, et les conséquences éloignées que par déduction.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle quatrième.

Or ces deux analyses ne sont autre chose que les fruits spontanés des principes de cette méthode naturelle, et je ne m’étonne pas qu’appliquées à des objets si simples, elles aient plus heureusement réussi que dans d’autres sciences où de plus grands obstacles arrêtaient leur développement ;

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle septième.

L’observation de la règle ici proposée est nécessaire pour qu’on puisse placer au nombre des choses certaines ces vérités qui, comme nous l’avons dit plus haut, ne dérivent pas immédiatement de principes évidents par eux-mêmes.

souvent, en effet, ceux qui cherchent à tirer de principes éloignés des conclusions trop rapides, ne peuvent pas suivre avec tant de soin la chaîne des déductions intermédiaires qu’il ne leur échappe quelqu’une.

ces principes ne sont ici d’aucune application :

et si nous ne leur donnons pas ici plus de développement, c’est que dans tout le reste de ce traité nous n’aurons presque autre chose à faire que de les expliquer, en montrant l’application particulière des principes généraux que nous venons d’exposer.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle huitième.

Cependant l’observation du principe n’est pas ici si rigoureuse, et souvent sans connaître à fond toutes ces choses, seulement un petit nombre, ou même une seule d’elles, on pourra passer outre.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle neuvième.

toute la différence est dans la route, qui certes doit être plus longue, si elle conduit à une vérité plus éloignée des principes primitifs et absolus.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle dixième.

Aussi ai-je pratiqué avec soin cette méthode, persuadé que dès le principe j’avais suivi la direction la plus utile.

Par ce moyen nous deviendrons insensiblement, et en moins de temps que nous ne pourrions l’espérer, capables de déduire avec une égale facilité de principes évidents un grand nombre de propositions qui nous paraissent très difficiles et très embarrassées.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle quatorzième.

Mais la connaissance que les autres en ont, encore bien qu’elle ne soit gâtée par aucune erreur évidente, est cependant obscurcie par des principes équivoques et mal conçus, que nous tâcherons par la suite de corriger à mesure que nous les rencontrerons.

Quel géomètre n’obscurcit pas malgré les principes l’évidence de son objet, quand il juge que les lignes n’ont pas de largeur, ni les surfaces de profondeur, et qu’après cela il les compose les unes avec les autres, sans songer que cette ligne dont il conçoit que le mouvement engendre une surface, est un corps véritable, et que celle au contraire qui manque de largeur n’est rien qu’une modification du corps, etc.

Maintenant, pour montrer quels sont dans tout cela les principes dont nous ferons usage, il faut savoir que tous les rapports qui peuvent exister entre les êtres d’un même genre se réduisent à deux, l’ordre et la mesure.

  Règles pour la direction de l’esprit, Règle dix-huitième.

La multiplicité des règles vient souvent de l’ignorance des maîtres, et ce qui pourrait se réduire à un principe général unique est moins clair lorsqu’on le divise en plusieurs règles particulières.

  ABREGE DE LA MUSIQUE, De la manière de composer, et des modes.

ce qu’il appuie en même temps de plusieurs raisons, qu’on peut néanmoins tirer en plus grand nombre et plus plausibles des principes que nous avons établis.

  DISCOURS DE LA METHODE, Première partie.

Puis, pour les autres sciences, d’autant qu’elles empruntent leurs principes de la philosophie, je jugeais qu’on ne pouvait avoir rien bâti, qui fût solide, sur des fondements si peu fermes ;

  DISCOURS DE LA METHODE, Seconde Partie.

Et je crus fermement que par ce moyen je réussirais à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements et que je ne m’appuyasse que sur les principes que je m’étais laissé persuader en ma jeunesse, sans avoir jamais examiné s’ils étaient vrais.

à savoir de ceux qui, se croyant plus habiles qu’ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements, ni avoir assez de patience pour conduire par ordre toutes leurs pensées, d’où vient que, s’ils avaient une fois pris la liberté de douter des principes qu’ils ont reçus, et de s’écarter du chemin commun, jamais ils ne pourraient tenir le sentier qu’il faut prendre pour aller plus droit, et demeureraient égarés toute leur vie ;

Mais, ayant pris garde que leurs principes devaient tous être empruntés de la philosophie, en laquelle je n’en trouvais point encore de certains, je pensai qu’il fallait, avant tout, que je tâchasse d’y en établir ;

  DISCOURS DE LA METHODE, Troisième partie.

car, outre que j’avais soin de conduire généralement toutes mes pensées selon les règles, je me réservais de temps en temps quelques heures, que j’employais particulièrement à la pratiquer en des difficultés de mathématique, ou même aussi en quelques autres que je pouvais rendre quasi semblables à celles des mathématiques, en les détachant de tous les principes des autres sciences que je ne trouvais pas assez fermes, comme vous verrez que j’ai fait en plusieurs qui sont expliquées en ce volume.

  DISCOURS DE LA METHODE, Quatrième partie.

et remarquant que cette vérité, “    je pense, donc je suis “   , était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

  DISCOURS DE LA METHODE, Cinquième partie.

Je suis toujours demeuré ferme en la résolution que j’avais prise de ne supposer aucun autre principe que celui dont je viens de me servir pour démontrer l’existence de Dieu et de l’âme, et de ne recevoir aucune chose pour vraie qui ne me semblât plus claire et plus certaine que n’avaient fait auparavant les démonstrations des géomètres ;

et, sans appuyer mes raisons sur aucun autre principe que sur les perfections infinies de Dieu, je tâchai à démontrer toutes celles dont on eût pu avoir quelque doute, et à faire voir qu’elles sont telles qu’encore que Dieu aurait créé plusieurs mondes, il n’y en saurait avoir aucun où elles manquassent d’être observées.

  DISCOURS DE LA METHODE, Sixième partie.

Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusques à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes :

Premièrement, j’ai tâché de trouver en général les principes ou premières causes de tout ce qui est ou qui peut être dans le monde, sans rien considérer pour cet effet que Dieu seul qui l’a créé, ni les tirer d’ailleurs que de certaines semences de vérités qui sont naturellement en nos âmes.

En suite de quoi, repassant mon esprit sur tous les objets qui s’étaient jamais présentés à mes sens, j’ose bien dire que je n’y ai remarqué aucune chose que je ne pusse assez commodément expliquer par les principes que j’avais trouvés.

Mais il faut aussi que j’avoue que la puissance de la nature est si ample et si vaste, et que ces principes sont si simples et si généraux que je ne remarque quasi plus aucun effet particulier que d’abord je ne connaisse qu’il peut en être déduit en plusieurs diverses façons, et que ma plus grande difficulté est d’ordinaire de trouver en laquelle de ces façons il en dépend ;

il faut après beaucoup plus d’adresse pour se remettre au même état qu’on était auparavant, qu’il ne faut à faire de grands progrès lorsqu’on a déjà des principes qui sont assurés.

car l’obscurité des distinctions et des principes dont ils se servent est cause qu’ils peuvent parler de toutes choses aussi hardiment que s’ils les savaient, et soutenir tout ce qu’ils en disent contre les plus subtils et les plus habiles, sans qu’on ait moyen de les convaincre :

et je puis dire que ceux-ci ont intérêt que je m’abstienne de publier les principes de la philosophie dont je me sers ;

outre qu’il les trouverait presque toutes si mal expliquées, ou même si fausses, à cause que ceux qui les ont faites se sont efforcés de les faire paraître conformes à leurs principes, que s’il y en avait quelques-unes qui lui servissent, elles ne pourraient derechef valoir le temps qu’il lui faudrait employer à les choisir.

Et j’ai pensé qu’il m’était aisé de choisir quelques matières qui, sans être sujettes à beaucoup de controverses, ni m’obliger à déclarer davantage de mes principes que je ne désire, ne laisseraient pas de faire voir assez clairement ce que je puis ou ne puis pas dans les sciences.

mais que j’ai voulu expressément ne le pas faire, pour empêcher que certains esprits, qui s’imaginent qu’ils savent en un jour tout ce qu’un autre a pensé en vingt années, sitôt qu’il leur en a seulement dit deux ou trois mots, et qui sont d’autant plus sujets à faillir et moins capables de la vérité qu’ils sont plus pénétrants et plus vifs, ne puissent de là prendre occasion de bâtir quelque philosophie extravagante sur ce qu’ils croiront être mes principes, et qu’on m’en attribue la faute :

  LES METEORES, DISCOURS PREMIER, DE LA NATURE DES CORPS TERRESTRES.

Il est vrai que la connaissance de ces choses dépendant des principes généraux de la Nature qui n’ont point encore été que je sache, bien expliqués, il faudra que je me serve, au commencement de quelques suppositions, ainsi que j’ai fait en la Dioptrique ;

  L’HOMME.

en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre âme végétative, ni sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie, que son sang et ses esprits, agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son c_ur, et qui n’est point d’autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Première Méditation.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’ai reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne saurait être que fort douteux et incertain ;

mais, parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l’édifice, je m’attaquerai d’abord aux principes, sur lesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS.

Car la connaissance des premiers principes ou axiomes n’a pas accoutumé d’être appelée science par les dialecticiens.

mais parce que nous pouvons oublier ces raisons, et cependant nous ressouvenir des conclusions qui en ont été tirées, on demande si on peut avoir une ferme et immuable persuasion de ces conclusions tandis que nous nous ressouvenons qu’elles ont été déduites de principes très évidents ;

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS, RAISONS QUI PROUVENT L’EXISTENCE DE DIEU, ET LA DISTINCTION QUI EST ENTRE L’ESPRIT ET LE CORPS DE L’HOMME, DISPOSÉES D’UNE FAÇON GÉOMÉTRIQUE, Définitions.

par exemple, le mouvement volontaire a bien, à la vérité, la volonté pour son principe, mais lui-même néanmoins n’est pas une pensée.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIIe, REPONSE.

Et je suis étonné de n’avoir encore pu rencontrer dans toutes ces objections aucune conséquence qui me semblât être bien déduite de ses principes.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XVe, REPONSE.

et il y a encore ici une conséquence qui ne me semble pas être bien déduite de ses principes.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX QUATRIEMES OBJECTIONS, REPONSES A LA PREMIERE PARTIE.

A raison de quoi nous serons obligés de conclure que nous ne connaissons en effet en elles aucun autre principe de mouvement que la seule disposition des Organes et la continuelle affluence des esprits animaux produits par la chaleur du coeur, qui atténue et subtilise le sang ;

et ensemble nous reconnaîtrons que rien ne nous a ci-devant donné occasion de leur en attribuer un autre, sinon que, ne distinguant pas ces deux principes du mouvement, et voyant que l’un, qui dépend seulement des esprits animaux et des organes, est dans les bêtes aussi bien que dans nous, nous avons cru inconsidérément que l’autre, qui dépend de l’esprit et de la pensée, était aussi en elles.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX QUATRIEMES OBJECTIONS, REPONSE A L’AUTRE PARTIE, DE DIEU.

Je sais que nos théologiens, traitant des choses divines, ne se servent point du nom de cause, lorsqu’il s’agit de la procession des personnes de la très sainte Trinité, et que là où les Grecs ont mis indifféremment aïtion et arken, ils aiment mieux user du seul nom de principe, comme très général, de peur que de là ils ne donnent occasion de juger que le Fils est moindre que le Père.

car, comme les théologiens, lorsqu’ils disent que le Père est le principe du Fils, n’avouent pas pour cela que le Fils soit principié, ainsi, quoique j’aie dit que Dieu pouvait en quelque façon être dit la cause de soi-même, il ne se trouvera pas néanmoins que je l’aie nommé en aucun lieu l’effet de soi-même ;

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX QUATRIEMES OBJECTIONS, REPONSE A L’AUTRE PARTIE, REPONSE AUX CHOSES QUI PEUVENT ARRETER LES THEOLOGIENS.

 “   Toutes lesquelles choses me semblent être si commodément expliquées par mes principes, que non seulement je ne crains pas d’avoir rien dit ici qui puisse offenser nos théologiens, qu’au contraire j’espère qu’ils me sauront gré de ce que les opinions que je propose dans la physique sont telles, qu’elles conviennent beaucoup mieux avec la théologie, que celles qu’on y propose d’ordinaire.

et qu’elle soit tout à fait contraire à celles de la philosophie, j’espère dans peu le démontrer évidemment, dans un traité des principes que j’ai dessein de publier, et d’y expliquer comment la couleur, la saveur, la pesanteur, et toutes les autres qualités qui touchent nos sens, dépendent seulement en cela de la superficie extérieure des corps.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA SECONDE MÉDITATION.

Ainsi, d’autant que peut-être les premiers auteurs des noms n’ont pas distingué en nous ce principe par lequel nous sommes nourris, nous croissons et faisons sans la pensée toutes les autres fonctions qui nous sont communes avec les bêtes, d’avec celui par lequel nous pensons, ils ont appelé l’un et l’autre du seul nom d’âme ;

Mais moi, venant à prendre garde que le principe par lequel nous sommes nourris est entièrement distingué de celui par lequel nous pensons, j’ai dit que le nom d’âme, quand il est pris conjointement pour l’un et pour l’autre, est équivoque, et que pour le prendre précisément pour cet acte premier, ou cette forme principale de l’homme, il doit être seulement entendu de ce principe par lequel nous pensons :

 

 

MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA CINQUIEME MEDITATION.

et je ne commets pas plutôt en ceci la faute que les logiciens nomment une pétition de principe, lorsque je mets l’existence entre les choses qui appartiennent à l’essence de Dieu, que lorsque entre les propriétés du triangle je mets l’égalité de la grandeur de ses trois angles avec deux droits.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, LETTRE DE L’AUTEUR A CELUI QUI A TRADUIT LE LIVRE, LAQUELLE PEUT SERVIR ICI DE PREFACE.

en sorte que, pour étudier à l’acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-à-dire des principes ;

et que ces principes doivent avoir deux conditions, l’une, qu’ils soient si clairs et si évidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vérité lorsqu’il s’applique avec attention à les considérer ;

et qu’après cela il faut tâcher de déduire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dépendent, qu’il n’y ait rien en toute la suite des déductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste.

c’est de chercher les premières causes et les vrais principes dont on puisse déduire les raisons de tout ce qu’on est capable de savoir ;

Les premiers et les principaux dont nous ayons les écrits sont Platon et Aristote, entre lesquels il n’y a eu autre différence sinon que le premier, suivant les traces de son maître Socrate, a ingénument confessé qu’il n’avait encore rien pu trouver de certain, et s’est contenté d’écrire les choses qui lui ont semblé être vraisemblables, imaginant à cet effet quelques principes par lesquels il tâchait de rendre raison des autres choses :

et bien qu’il eût été vingt ans son disciple, et n’eût point d’autres principes que les siens, il a entièrement changé la façon de les débiter, et les a proposés comme vrais et assurés, quoiqu’il n’y ait aucune apparence qu’il les ait jamais estimés tels.

et ceux qui ne l’ont pas suivi, du nombre desquels ont été plusieurs des meilleurs esprits, n’ont pas laissé d’avoir été imbus de ses opinions en leur jeunesse, parce que ce sont les seules qu’on enseigne dans les écoles, ce qui les a tellement préoccupés qu’ils n’ont pu parvenir à la connaissance des vrais principes.

Et bien que je les estime tous, et que je ne veuille pas me rendre odieux en les reprenant, je puis donner une preuve de mon dire que je ne crois pas qu’aucun d’eux désavoue, qui est qu’ils ont tous supposé pour principe quelque chose qu’ils n’ont point parfaitement connue.

mais encore que l’expérience nous montre bien clairement que les corps qu’on nomme pesants descendent vers le centre de la terre, nous ne connaissons point pour cela quelle est la nature de ce qu’on nomme pesanteur, c’est-à-dire de la cause ou du principe qui les fait ainsi descendre, et nous le devons apprendre d’ailleurs.

On peut dire le même du vide et des atomes, comme aussi du chaud et du froid, du sec et de l’humide, et du sel, du soufre et du mercure, et de toutes les choses semblables, que quelques-uns ont supposées pour leurs principes.

Or toutes les conclusions que l’on déduit d’un principe qui n’est point évident ne peuvent pas être évidentes, quand bien même elles en seraient déduites évidemment ;

d’où il suit que tous les raisonnements qu’ils ont appuyés sur de tels principes n’ont pu leur donner la connaissance certaine d’aucune chose, ni par conséquent les faire avancer d’un pas en la recherche de la sagesse.

ainsi, lorsqu’on a de mauvais principes, d’autant qu’on les cultive davantage et qu’on s’applique avec plus de soin à en tirer diverses conséquences pensant que ce soit bien philosopher, d’autant s’éloigne-t-on davantage de la connaissance de la vérité et de la sagesse :

Après avoir bien fait entendre ces choses, j’aurais voulu mettre ici les raisons qui servent à prouver que les vrais principes par lesquels on peut parvenir à ce plus haut degré de sagesse, auquel consiste le souverain bien de la vie humaine, sont ceux que j’ai mis en ce livre ;

Ainsi, en considérant que celui qui veut douter de tout ne peut toutefois douter qu’il ne soit pendant qu’il doute, et que ce qui raisonne ainsi, en ne pouvant douter de soi-même et doutant néanmoins de tout le reste, n’est pas ce que nous disons être notre corps, mais ce que nous appelons notre âme ou notre pensée, j’ai pris l’être ou l’existence de cette pensée pour le premier principe, duquel j’ai déduit très clairement les suivants, à savoir qu’il y a un Dieu qui est auteur de tout ce qui est au monde, et qui, étant la source de toute vérité, n’a point créé notre entendement de telle nature qu’il se puisse tromper au jugement qu’il fait des choses dont il a une perception fort claire et fort distincte.

Ce sont là tous les principes dont je me sers touchant les choses immatérielles ou métaphysiques, desquels je déduis très clairement ceux des choses corporelles ou physiques, à savoir, qu’il y a des corps étendus en longueur, largeur et profondeur, qui ont diverses figures et se meuvent en diverses façons.

Voilà, en peu de mots tous les principes dont je déduis la vérité des autres choses.

L’autre raison qui prouve la clarté de ces principes est qu’ils ont été connus de tout temps, et même reçus pour vrais et indubitables par tous les hommes, excepté seulement l’existence de Dieu, qui a été mise en doute par quelques-uns à cause qu’ils ont trop attribué aux perceptions des sens, et que Dieu ne peut être vu ni touché.

Mais, encore que toutes les vérités que je mets entre mes principes aient été connues de tout temps de tout le monde, il n’y a toutefois eu personne jusques à présent, que je sache, qui les ait reconnues pour les principes de la philosophie, c’est-à-dire pour telles qu’on en peut déduire la connaissance de toutes les autres choses qui sont au monde :

Car encore que je n’ aie pas traité de toutes choses, et que cela soit impossible, je pense avoir tellement expliqué toutes celles dont j’ai eu occasion de traiter, que ceux qui les liront avec attention auront sujet de se persuader qu’il n’est pas besoin de chercher d’autres principes que ceux que j’ai établis pour parvenir à toutes les plus hautes connaissances dont l’esprit humain soit capable ;

principalement si, après avoir lu mes écrits, ils prennent la peine de considérer combien de diverses questions y sont expliquées, et que, parcourant aussi ceux des autres, ils voient combien peu de raisons vraisemblables on a pu donner pour expliquer les mêmes questions par des principes différents des miens.

car, puisque les principes sont clairs et qu’on n’en doit rien déduire que par des raisonnements très évidents, on a toujours assez d’esprit pour entendre les choses qui en dépendent.

Mais, outre l’empêchement des préjugés, dont aucun n’est entièrement exempt, bien que ce sont ceux qui ont le plus étudié les mauvaises sciences auxquels ils nuisent le plus, il arrive presque toujours que ceux qui ont l’esprit modéré négligent d’étudier, parce qu’ils n’en pensent pas être capables, et que les autres qui sont plus ardents se hâtent trop, d’où vient qu’ils reçoivent souvent des principes qui ne sont pas évidents, et qu’ils en tirent des conséquences incertaines.

Puis, lorsqu’il s’est acquis quelque habitude à trouver la vérité en ces questions, il doit commencer tout de bon à s’appliquer à la vraie philosophie, dont la première partie est la métaphysique, qui contient les principes de la connaissance, entre lesquels est l’explication des principaux attributs de Dieu, de l’immatérialité de nos âmes, et de toutes les notions claires et simples qui sont en nous.

La seconde est la physique, en laquelle, après avoir trouvé les vrais principes des choses matérielles, on examine en général comment tout l’univers est composé ;

et j’en ai divisé le livre en quatre parties, dont la première contient les principes de la connaissance, qui est ce qu’on peut nommer la première philosophie ou bien la métaphysique :

Les trois autres parties contiennent tout ce qu’il y a de plus général en la physique, à savoir l’explication des premières lois ou des principes de la nature, et la façon dont les cieux, les étoiles fixes, les planètes, les comètes, et généralement tout l’univers est composé ;

Cependant, afin qu’on puisse voir en quoi je pense lui avoir déjà servi, je dirai ici quels sont les fruits que je me persuade qu’on peut tirer de mes principes.

Le second fruit est qu’en étudiant ces principes on s’accoutumera peu à peu à mieux juger de toutes les choses qui se rencontrent, et ainsi à être plus sage :

Le dernier et le principal fruit de ces principes est qu’on pourra, en les cultivant, découvrir plusieurs vérités que je n’ai point expliquées ;

ainsi, lorsqu’on a de vrais principes en philosophie, on ne peut manquer en les suivant de rencontrer parfois d’autres vérités ;

toutefois, à cause qu’il a mal transcrit et changé l’ordre, et nié quelques vérités de métaphysique, sur qui toute la physique doit être appuyée, je suis obligé de le désavouer entièrement, et de prier ici les lecteurs qu’ils ne m’attribuent jamais aucune opinion s’ils ne la trouvent expressément en mes écrits, et qu’ils n’en reçoivent aucune pour vraie, ni dans mes écrits, ni ailleurs, s’ils ne la voient très clairement être déduite des vrais principes.

Je sais bien aussi qu’il pourra se passer plusieurs siècles avant qu’on ait ainsi déduit de ces principes toutes les vérités qu’on en peut déduire, parce que la plupart de celles qui restent à trouver dépendent de quelques expériences particulières qui ne se rencontreront jamais par hasard, mais qui doivent être cherchées avec soin et dépense par des hommes fort intelligents, que parce qu’il arrivera difficilement que les mêmes qui auront l’adresse de s’en bien servir aient le pouvoir de les faire, et parce aussi que la plupart des meilleurs esprits ont conçu une si mauvaise opinion de toute la philosophie, à cause des défauts qu’ils ont remarqués en celle qui a été jusques à présent en usage, qu’ils ne pourront jamais se résoudre à s’appliquer à en chercher une meilleure.

Mais enfin, si la différence qu’ils verront entre ces principes et tous ceux des autres, et la grande suite des vérités qu’on en peut déduire, leur fait connaître combien il est important de continuer en la recherche de ces vérités, et jusques à quel degré de sagesse, à quelle perfection de vie et à quelle félicité elles peuvent conduire, j’ose croire qu’il n’y en aura pas un qui ne tâche de s’employer à une étude si profitable, ou du moins qui ne favorise et ne veuille aider de tout son pouvoir ceux qui s’y emploieront avec fruit.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, A LA SERENISSIME PRINCESSE ELISABETH.

J’aurais mauvaise grâce à flatter, ou bien à écrire des choses dont je n’aurais point de connaissance certaine, principalement aux premières pages de ce livre, dans lequel je tâcherai de mettre les principes de toutes les vérités que l’esprit humain peut savoir.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 5.

Nous douterons aussi de toutes les autres choses qui nous ont semblé autrefois très certaines, même des démonstrations de mathématique et de ses principes, encore que d’eux-mêmes ils soient assez manifestes, à cause qu’il y a des hommes qui se sont mépris en raisonnant sur de telles matières ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 37.

car, tout ainsi qu’on ne donne point aux machines qu’on voit se mouvoir en plusieurs façons diverses, aussi justement qu’on saurait désirer, des louanges qui se rapportent véritablement à elles, parce que ces machines ne représentent aucune action qu’elles ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et qu’on en donne à l’ouvrier qui les a faites, parce qu’il a eu le pouvoir et la volonté de les composer avec tant d’artifice, de même on doit nous attribuer quelque chose de plus, de ce que nous choisissons ce qui est vrai, lorsque nous le distinguons d’avec le faux, par une détermination de notre volonté, que si nous y étions déterminés et contraints par un principe étranger.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 75.

C’est en ce peu de préceptes que je pense avoir compris tous les principes les plus généraux et les plus importants de la connaissance humaine.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, SECONDE PARTIE, Art. 23.

Ce que les philosophes ont sans doute remarqué, d’autant qu’ils ont dit, en beaucoup d’endroits, que la nature est le principe du mouvement et du repos, et que, par la nature, ils entendaient, ce qui fait que les corps se disposent ainsi que nous voyons qu’ils font par expérience.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, SECONDE PARTIE, Art. 45.

Or, afin que nous puissions déduire de ces principes comment chaque corps en particulier augmente ou diminue ses mouvements, ou change leur détermination à cause de la rencontre des autres corps, il faut seulement calculer combien il y a de force en chacun de ces corps, pour mouvoir ou pour résister au mouvement, parce qu’il est évident que celui qui en a le plus, doit toujours produire son effet, et empêcher celui de l’autre ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, SECONDE PARTIE, Art. 64.

Et, d’autant que par ce moyen on peut rendre raison de tous les phénomènes de la nature, comme on pourra voir par ce qui suit, je ne pense pas qu’on doive recevoir d’autres principes en physique, ni même qu’on en doive souhaiter d’autres que ceux qui sont ici expliqués.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 1.

Après avoir rejeté ce que nous avions autrefois reçu en notre créance avant que de l’avoir suffisamment examiné, puisque la raison toute pure nous a fourni assez de lumière pour nous faire découvrir quelques principes des choses matérielles, et qu’elle nous les a présentés avec tant d’évidence que nous ne saurions plus douter de leur vérité, il faut maintenant essayer si nous pourrons déduire de ces seuls principes l’explication de tous les phénomènes, c’est-à-dire des effets qui sont en la nature, et que nous apercevons par l’entremise de nos sens.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 4.

Or les principes que j’ai ci-dessus expliqués sont si amples qu’on en peut déduire beaucoup plus de choses que nous n’en voyons dans le monde, et même beaucoup plus que nous n’en saurions parcourir de la pensée en tout le temps de notre vie.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 43.

Et certes, si les principes dont je me sers sont très évidents, si les conséquences que j’en tire sont fondées sur la certitude des mathématiques, et si ce que j’en déduis de la sorte s’accorde exactement avec toutes les expériences, il me semble que ce serait faire injure à Dieu de croire que les causes des effets qui sont en la nature, et que nous avons ainsi trouvées, sont fausses :

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 45.

tout de même, nous ferons mieux entendre quelle est généralement la nature de toutes les choses qui sont au monde si nous pouvons imaginer quelques principes qui soient fort intelligibles et fort simples, desquels nous fassions voir clairement que les astres et la terre, et enfin tout ce monde visible aurait pu être produit ainsi que de quelques semences (bien que nous sachions qu’il n’a pas été produit en cette façon), que si nous le décrivions seulement comme il est, ou bien comme nous croyons qu’il a été créé.

Et parce que je pense avoir trouvé des principes qui sont tels, je tâcherai ici de les expliquer.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, TROISIEME PARTIE, Art. 47.

Ce peu de suppositions me semble suffire pour m’en servir comme de causes ou de principes, dont je déduirai tous les effets qui paraissent en la nature, par les seules lois ci-dessus expliquées.

Et je ne crois pas qu’on puisse imaginer des principes plus simples, ni plus intelligibles, ni aussi plus vraisemblables que ceux-ci.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 63.

J’ai donc ici expliqué trois sortes de corps qui me semblent avoir beaucoup de rapport avec ceux que les chimistes ont coutume de prendre pour leurs trois principes, et qu’ils nomment le sel, le soufre et le mercure.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 145.

Et toutes ces choses suivent si clairement des principes qui ont été ci-dessus exposés que je ne laisserais pas de juger qu’elles sont telles que je viens de dire, quand bien je n’aurais aucun égard aux propriétés qui en peuvent être déduites ;

mais j’espère maintenant faire voir que toutes celles de ces propriétés que les plus curieuses expériences des admirateurs de l’aimant ont pu découvrir jusqu’à présent peuvent si facilement être expliquées par leur moyen que cela seul suffirait pour persuader qu’elles sont vraies, encore qu’elles n’eussent point été déduites des premiers principes de la nature.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 187.

et quels sont tous les autres effets dont je crois avoir ici donné des raisons assez claires, sans les déduire d’aucuns autres principes que de ceux qui sont généralement reçus et connus de tout le monde, à savoir de la grandeur, figure, situation et mouvement des diverses parties de la matière ;

il me semble qu’il aura sujet de se persuader qu’on ne remarque aucunes qualités qui soient si occultes, ni aucuns effets de sympathie ou d’antipathie si merveilleux et si étranges, ni enfin aucune autre chose si rare en la nature (pourvu qu’elle ne procède que des causes purement matérielles et destituées de pensée ou de libre arbitre) que la raison n’en puisse être donnée par le moyen de ces mêmes principes.

Ce qui me fait ici conclure que tous les autres principes qui ont jamais été ajoutés à ceux-ci, sans qu’on ait eu aucune autre raison pour les ajouter, sinon qu’on n’a pas cru que sans eux quelques effets naturels pussent être expliqués, sont entièrement superflus.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 200.

Mais je désire aussi que l’on remarque que, bien que j’aie ici tâché de rendre raison de toutes les choses matérielles, je ne m’y suis néanmoins servi d’aucun principe qui n’ait été reçu et approuvé par Aristote et par tous les autres philosophes qui ont jamais été au monde ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 203.

A quoi je réponds que j’ai, premièrement, considéré en général toutes les notions claires et distinctes qui peuvent être en notre entendement touchant les choses matérielles, et que, n’en ayant point trouvé d’autres sinon celles que nous avons des figures, des grandeurs et des mouvements, et des règles suivant lesquelles ces trois choses peuvent être diversifiées l’une par l’autre, lesquelles règles sont les principes de la géométrie et des mécaniques, j’ai jugé qu’il fallait nécessairement que toute la connaissance que les hommes peuvent avoir de la nature fût tirée de cela seul ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 206.

Et elle est fondée sur un principe de métaphysique très assuré, qui est que Dieu étant souverainement bon et la source de toute vérité, puisque c’est lui qui nous a créés, il est certain que la puissance ou faculté qu’il nous a donnée pour distinguer le vrai d’avec le faux, ne se trompe point, lorsque nous en usons bien et qu’elle nous montre évidemment qu’une chose est vraie.

Puis ensuite elle s’étend à toutes les choses qui peuvent être démontrées, touchant ces corps, par les principes de la mathématique ou par d’autres aussi évidents et certains ;

Et j’espère qu’elles le seront en effet par ceux qui les auront examinées en telle sorte avec tant de soin, qu’ils verront clairement toute la suite des déductions que j’ai faites, et combien sont évidents tous les principes desquels je me suis servi ;

En sorte que ce seul point étant reconnu pour suffisamment démontré par tous les effets de la lumière, et par la suite de toutes les autres choses que j’ai expliquées, je pense qu’on doit aussi reconnaître que j’ai prouvé par démonstration mathématique (suivant les principes que j’ai établis) toutes les choses que j’ai écrites, au moins les plus générales qui concernent la fabrique du ciel et de la terre, et même en de la façon que je les ai écrites :

  LES PASSIONS DE L’AME, LETTRE Ire A MONSIEUR DESCARTES.

C’est pourquoi étant très certain, et le public ayant grand intérêt de savoir, qu’il n’y a jamais eu au monde que vous seul (au moins dont nous ayons les écrits) qui ait découvert les vrais principes, et reconnu les premières causes de tout ce qui est produit en la nature ;

et qu’ayant déjà rendu raison, par principes, de toutes les choses qui paraissent et s’observent le plus communément dans le monde, il vous faut seulement avoir des observations plus particulières pour trouver en même façon les raisons de tout ce qui peut être utile aux hommes en cette vie, et ainsi nous donner une très parfaite connaissance de la nature de tous les minéraux, des vertus de toutes les plantes, des propriétés des animaux, et généralement de tout ce qui peut servir pour la médecine et les autres arts.

Mais bien davantage, je dis hardiment que l’on n’a jamais donné la solution d’aucune question suivant les principes de la philosophie péripatéticienne, que je ne puisse démontrer être fausse ou non recevable.

Outre cela vous assurez que les principes qui sont particuliers à la philosophie qu’on attribue à Aristote, et qui est la seule qu’on enseigne maintenant dans les Écoles, n’ont jamais su trouver la vraie solution d’aucune question ;

Car encore qu’il y ait eu de tout temps plusieurs des meilleurs esprits qui se sont employés à la recherche de la physique, on ne saurait dire que jamais personne y ait trouvé (c’est-à-dire soit parvenu à aucune vraie connaissance touchant la nature des choses corporelles) quelque principe qui n’appartienne pas à la mathématique ;

  LES PASSIONS DE L’AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 6.

et jugeons que le corps d’un homme vivant diffère autant de celui d’un homme mort que fait une montre, ou autre automate (c’est-à-dire autre machine qui se meut de soi-même), lorsqu’elle est montée et qu’elle a en soi le principe corporel des mouvements pour lesquels elle est instituée, avec tout ce qui est requis pour son action, et la même montre ou autre machine, lorsqu’elle est rompue et que le principe de son mouvement cesse d’agir.

  LES PASSIONS DE L’AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 8.

Mais on ne sait pas communément en quelle façon ces esprits animaux et ces nerfs contribuent aux mouvements et aux sens, ni quel est le principe corporel qui les fait agi.

C’est pourquoi, encore que j’en aie déjà touché quelque chose en d’autres écrits, je ne laisserai pas de dire ici succinctement que, pendant que nous vivons, il y a une chaleur continuelle en notre coeur, qui est une espèce de feu que le sang des veines y entre tient, et que ce feu est le principe corporel de tous les mouvements de nos membres.

  LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 107.

Car il me semble que les premières passions que notre âme a eues lorsqu’elle a commencé d’être jointe à notre corps ont dû être que quelquefois le sang, ou autre suc qui entrait dans le coeur, était un aliment plus convenable que l’ordinaire pour y entretenir la chaleur, qui est le principe de la vie ;

  LES PASSIONS DE L’AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 136.

Au reste, afin de suppléer ici en peu de mots à tout ce qui pourrait y être ajouté touchant les divers effets ou les diverses causes des passions, je me contenterai de répéter le principe sur lequel tout ce que j’en ai écrit est appuyé, à savoir qu’il y a telle liaison entre notre âme et notre corps, que lorsque nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l’une des deux ne se présente point à nous par après que l’autre ne s’y présente aussi, et que ce ne sont pas toujours les mêmes actions qu’on joint aux mêmes pensées.

  Correspondance, année 1630, A Monsieur *** (ISAAC BEECKMAN), 17 octobre 163O.

même il se peut faire qu’il la sache, parce qu’il est poussé par de vraies raisons à la croire, et que les autres ne l’aient jamais sue, quoiqu’ils aient été dans le même sentiment à cause qu’ils l’ont déduite de faux principes.

  Correspondance, année 1634, Au R. P. MERSENNE, 10 janvier 1634. (Les éditions contemporaines datent cette lettre d’avril 1634.).

Mais la raison de ce qu’un arc retourne étant courbé est plus difficile, et je ne la puis expliquer sans les principes de ma Philosophie, desquels je pense être obligé dorénavant de me taire.

  Correspondance, année 1634, Au R. P. MERSENNE, 14 août 1634.

Pour les autres choses que vous m’écrivez, je n’ai pas le loisir d’y penser, aussi qu’il m’est impossible de répondre déterminément à aucune question de physique, qu’après avoir expliqué tous mes principes, ce que je ne puis faire sans le traité que je me résous de supprimer.

  Correspondance, année 1637, A Monsieur PLEMPIUS, 27 novembre 1637. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 3 octobre 1637.).

Car n’admettant aucun principe qui ne soit très manifeste, et ne considérant rien autre chose que des grandeurs, des figures et des mouvements, à la façon des mathématiciens, je me suis fermé tous les subterfuges des philosophes, et la moindre erreur qui se sera glissée dans mes principes pourra facilement être aperçue et réfutée par une démonstration mathématique.

Car encore qu’il semble que je ne fasse que proposer ce que je dis, sans le prouver, il est toutefois très facile de tirer des syllogismes de mes explications, par le moyen desquels les autres opinions touchant les mêmes matières seront si manifestement détruites, que si, cependant, quelques-uns les veulent défendre, ils auront bien de la peine à répondre à ceux qui entendent mes principes, et peut-être même ne le pourront-ils faire sans s’exposer à la risée de ceux qui les écouteront.

  Correspondance, année 1638, REPONSE DE Monsieur DESCARTES, 12 janvier 1638 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mars, avril ou mai 1638).

Il est certain que la ressemblance qui est entre la plupart des actions des bêtes et les nôtres, nous a donné, dès le commencement de notre vie, tant d’occasions de juger qu’elles agissent par un principe intérieur semblable à celui qui est en nous, c’est-à-dire par le moyen d’une âme qui a des sentiments et des passions comme les nôtres, que nous sommes tous naturellement préoccupés de cette opinion.

  Correspondance, année 1638, AU R. P. MERSENNE, 27 mai 1638. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 17 mai 1638).

je réponds que oui, au moins autant qu’il est possible d’en donner en cette matière, sans avoir auparavant démontré les principes de la Physique par la Métaphysique (ce que j’espère de faire quelque jour, mais qui ne l’a point été par ci-devant), et autant qu’aucune autre question de mécanique, ou d’optique, ou d’astronomie, ou d’autre matière qui ne soit point purement géométrique, ou arithmétique, ait jamais été démontrée.

  Correspondance, année 1638, A UN R. P. JESUITE, 24 janvier 1638. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 22 février 1638).

mais les expériences que j’en ai déduites nécessairement, et qui ne peuvent être déduites en même façon d’aucuns autres principes, me semblent le démontrer assez a posteriori.

mais je vous dirai franchement que j’ai choisi cette façon de proposer mes pensées, tant parce que croyant les pouvoir déduire par ordre des premiers principes de ma Métaphysique, j’ai voulu négliger toutes autres sortes de preuves ;

Et la raison de mes pensées est telle, que j’ose espérer qu’on trouvera mes principes aussi bien prouvés par les conséquences que j’en tire, lorsqu’on les aura assez remarquées pour se les rendre familières, et les considérer toutes ensemble, que l’emprunt que la lune fait de sa lumière est prouvé par ses croissances et décroissances.

car au contraire j’ose me vanter que jamais elle n’a été si fort appuyée par les raisons humaines, qu’elle peut être si l’on suit mes principes ;

  Correspondance, année 1638, Au R. P. MERSENNE, 15 février 1638. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 25 janvier 1638).

Je ne trouve pas étrange que Monsieur Mydorge ne soit pas d’accord avec moi en plusieurs choses de ce que j’écris de la vision, car c’est une matière qu’il a ci-devant beaucoup étudiée, et n’ayant pas suivi les mêmes principes que moi, il doit avoir pris d’autres opinions ;

  Correspondance, année 1638, Au R. P. MERSENNE, 8 octobre 1638. (Les éditions contemporaines retiennent comme date le 11 octobre 1638).

car il fait une conclusion de ce dont je fais un principe, et il parle du temps, ou de la vitesse, au lieu que je parle de l’espace ;

Pour la force de la percussion, elle n’est point si malaisée à expliquer, par mes principes, que Galilée la représente sur la fin de son livre ;

mais je n’en saurais rien dire sans expliquer mes principes, c’est-à-dire mon Monde.

et toutefois je vous dirai que l’explication de toutes les choses dont traite Galilée, est fort facile selon mes principes.

  Correspondance, année 1639, A MONSIEUR (DE BEAUNE), 30 avril 1639.

mais on peut aussi rendre raison de beaucoup de choses par le moyen de ces principes, auxquelles on n’a pu ci-devant atteindre.

  Correspondance, année 1640, A Monsieur REGIUS, 22 mai 1640. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 24 mai.).

mais parce que nous nous souvenons souvent des conclusions que nous avons tirées de telles prémisses, sans faire attention aux prémisses mêmes, je dis alors que sans la connaissance de Dieu nous pourrions feindre qu’elles sont incertaines, bien que nous nous souvenions que nous les avons tirées de principes clairs et distincts, parce que telle est peut-être notre nature, que nous nous sommes trompés dans les choses les plus évidentes, et par conséquent que nous n’avions pas une véritable science, mais une simple persuasion, lorsque nous les avons tirées de ces principes ;

mais quand on a une fois bien compris les raisons qui persuadent clairement l’existence de Dieu, et qu’il n’est point trompeur, quand même on ne ferait plus attention à ces principes évidents, pourvu qu’on se ressouvienne de cette conclusion, Dieu n’est pas trompeur, on aura non seulement la persuasion, mais encore la véritable science de cette conclusion, et de toutes les autres dont on se souviendra avoir perçu autrefois des raisons fort claires.

  Correspondance, année 1640, Au R. P. MERSENNE, 30 juillet 1640.

Mais parce que vous dites qu’on ne saurait expliquer ce phénomène, en ne mettant point d’autre principe de vie dans les animaux que la chaleur, il me semble, au contraire, qu’on le peut bien mieux expliquer ainsi qu’autrement ;

car la chaleur étant un principe commun pour les animaux, les plantes, et les autres corps, ce n’est pas merveille qu’elle serve à faire vivre un homme et une plante, au lieu que, s’il fallait quelque principe de vie dans les plantes, qui ne fût pas de même espèce que celui qui est dans les animaux, ces principes ne pourraient pas si bien compatir ensemble.

  Correspondance, année 1640, Au R. P. MERSENNE, 28 octo

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