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Les moyens de communication modernes éloignent-ils plus les hommes qu'ils ne les rapprochent ?

Publié le 27/03/2009

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S'il est un phénomène caractérisant la société contemporaine, c'est bien l'extraordinaire développement des moyens de communication. Sans parler des moyens de transport, quelle évolution depuis la fameuse séance du 10 mars 1876 où Bell et Watson retransmirent pour la première fois la voix électriquement !  Mais avec le formidable surgissement de technologies nouvelles, mises de plus en plus vite à la disposition du grand public, l'enthousiasme initial pour ces possibilités qu'ont les hommes d'entrer en relation les uns avec les autres, donc théoriquement de développer une solidarité à l'échelle aujourd'hui planétaire, a fait place au doute. Les moyens de communication dont nous disposons actuellement — et l'on nous en promet à brève échéance de plus élaborés encore — ne séparent-ils pas les hommes plus qu'ils ne les rapprochent ? À moins qu'ils n'instaurent un nouveau mode de relation que nous ne maîtrisons pas encore, mais qui n'en serait pas moins prometteur.

« Troisième partie Face à la nouveauté, l'esprit humain a toujours eu tendance à réagir par la peur, le refus.

On se souvient avecamusement aujourd'hui des cris d'horreur que firent pousser les premiers chemins de fer.

Il est vrai que l'extensionrapide à l'échelle du globe des nouvelles techniques de communication donne une ampleur, nouvelle elle aussi, à noscraintes.

Mais il conviendrait de se demander enfin comment en éviter les dangers et en exploiter les avantages.Certes tous les moyens de transmission aboutissent et aboutiront à des «écrans», c'est-à-dire à des objets quidissimulent, protègent, ou, en tout cas, séparent : le spectacle est séparé du spectateur par l'image qui en estdonnée.

Or l'image frappe l'esprit, stimule l'imaginaire -- du moins si elle est regardée activement, ce qui est loind'être toujours le cas —, mais elle n'est, par définition, qu'une représentation abstraite de la réalité.

L'individu qui secontente de ces données abstraites absorbe passivement ce que Bernard Lecomte appelle dans un article du journalLa Croix « des informations désincarnées ».Pour lutter contre cette évolution négative, il faut d'abord que se mette réellement en place dans l'ensemble dusystème éducatif un véritable programme permettant d'apprendre «à lire» les images, séparément ou en séquences,comme on apprend à lire des mots, des phrases, des textes.

À lire, c'est-à-dire non seulement à déchiffrer mais àen comprendre la valeur humaine profonde.

Si l'on reprend l'exemple de ces Massaïs évoqués plus haut, on admettraqu'il ne suffit pas d'en voir la beauté — ce qui est tout de même le signe appréciable d'un éveil de la sensibilité; ilfaut aussi que le téléspectateur ait acquis la capacité de percevoir, du point de vue moral, la dignité de ce peuple,sa sérénité malgré des conditions de vie qui, pour un Européen du moins, paraissent rudimentaires.

Dès lors, l'écrann'est plus un obstacle renvoyant chacun à sa solitude, mais le révélateur d'une appartenance profonde à unecommunauté humaine.Car il faut également, loin de se contenter de constater « la montée de l'individualisme» ou «la tendance croissanteau repli sur soi », leitmotive des sociologues aujourd'hui, développer à tous les âges et dans tous les milieux, lesactivités favorisant la communication sociale : découverte et pratique d'un moyen de sociabilité aussi traditionnelque la lecture — le livre n'a rien perdu encore de son pouvoir à cet égard, comme le prouve par exemple AndreïMakine dans Le Testament français, prix Goncourt 1995 —, mais aussi développement de toute forme desocialisation qui entretient, dans la conscience, ce qui fait la dignité de l'homme, à savoir le sens d'autrui.

Lesmouvements de solidarité locale, nationale, internationale, qui ont d'ailleurs le plus grand besoin, pour être informéset agir, de ces moyens de communication nouveaux, le renouveau ou l'approfondissement de mouvements spirituelsauthentiques, ne sont-ils pas, de ce point de vue, des signes encourageants ?N'oublions pas enfin que dans la «société de communication» dans laquelle nous entrons, selon l'analyse de Joël deRosnay, chacun peut être à la fois, non seulement consommateur, mais aussi producteur d'informations.

Toutefois,là encore, la passivité ne sera combattue que par l'éducation. Conclusion partielle Sans doute notre aptitude à vivre en société est-elle en train, non pas de disparaître, mais, à condition d'êtrevigilant, de prendre des formes nouvelles associant, selon des modes nouveaux, individualisme et espritcommunautaire. Conclusion Il est certain que tous les moyens audiovisuels de communication instaurent entre les hommes la toute-puissancede l'image, au détriment de la rencontre physique et réelle.

De ce fait, s'ils se généralisent et deviennent exclusifsde tout autre mode de relation, ils peuvent provoquer un grave phénomène d'abstraction généralisée : la réalitévécue particulièrement sur le mode de la sensibilité — richesse de la nature humaine — risque d'être anéantie pardes représentations déshumanisées.

Mais si l'homme manifeste d'urgence le désir de maîtriser ces merveilleusesmachines, par l'éducation, la formation mais aussi par une réflexion permanente sur leur finalité afin d'aider l'homme àmieux gérer les problèmes qu'il affronte, toujours plus complexes du fait de l'accroissement des connaissances queces mêmes machines permettent; si d'autre part, il veille jalousement, comme sur un bien très précieux, à entretenirà tous les niveaux de relation cette chaleur dans les rapports réels entre personnes connues, reconnues,respectées, qu'on nomme du mot très à la mode de «convivialité», et que ne remplacera jamais celle, fictive,d'Internet, alors il n'est pas utopique de penser que ces innovations puissent être, tout compte fait, le signe d'ungrand progrès de l'humanité.. »

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