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Les mutations des relations internationales entre 1890 et 1945 (histoire)

Publié le 07/06/2012

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La guerre signe l'échec des espoirs mis en une réconciliation progressive des Européens au travers des subtilités de la diplomatie secrète, mais aussi par l'entente des acteurs économiques: banques françaises et allemandes venaient en juin 1914 de conclure un vaste accord pour la mise en valeur commune de l'économie marocaine. L'affrontement, de manière encore plus irréversible, va marquer la fin de deux caractéristiques séculaires de l'ordre européen: la domination absolue des grands États, et la relative similitude de leurs systèmes politiques aussi bien qu'économiques. La tendance au fractionnement est particulièrement frappante: les empires les plus fragiles (Autriche-Hongrie, Russie, Turquie) explosent, en donnant naissance à de nombreux nouveaux États à l'est du continent et au Proche-Orient; le Royaume-Uni lui-même devra laisser partir l'Irlande; les territoires cédés par l'Allemagne vont essentiellement à des pays petits ou moyens (Belgique, Danemark et surtout Pologne), même si la France récupère l'Alsace-Moselle. L'instabilité des relations internationales en sera fortement accrue, jusqu'à ce que la guerre froide, puis la construction européenne viennent, après 1945, restaurer la prééminence des grands ensembles étatiques. La révolution russe — sous bien des aspects, conséquence la plus importante de la guerre — donne naissance à un régime de type entièrement nouveau, et introduit l'ère des totalitarismes, qui marque le reste du siècle, jusqu'aux réformes de Deng Xiaoping et de Gorbatchev (cf chapitre communisme, fascicule 2).

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« a) La politique des intérêts Elle connaît alors certaines de ses expressions les plus achevées.

Quand Bismarck assure "Qui parle d'Europe atort...

(C'est une) notion géographique...

une fiction insoutenable", on peut le taxer d'un cynisme également illustrépar son attitude envers la France, provoquée à déclarer la guerre en 1870, puis frappée avec une dureté qu'oncroyait dépassée dans les relations intereuropéennes: énorme indemnité, et surtout arrachement de l'Alsace-Lorraine.

L'Italie et le Royaume-Uni virent dans la "paix allemande" de 1871 une atteinte aux principes d'une "sociétéeuropéenne" née des ruines de l'entreprise de Napoléon Ier.

Le Premier ministre britannique Gladstone critique enparticulier la négation des souhaits clairement exprimés des Alsaciens-Lorrains.

La Realpolitik (politique du réel) quele chancelier allemand entend pratiquer reste synonyme de primauté donnée à l'égoïsme national.

Ce dernier est enGrande-Bretagne surnommé jingoisme, et anime (en particulier aux alentours de 1900) les cercles les plus pro-impérialistes du parti Conservateur.

C'est dans les colonies que le mépris de tout ce qui n'est pas la grandeur de sonpays se déploie le plus ouvertement: ainsi, en novembre 1911, la France et l'Allemagne évitent une guerre (affaired'Agadir) en échangeant le Maroc (mains libres à la France) contre un morceau du Congo français, derechefrattaché au Cameroun allemand.

Ces partages, tractations, manoeuvres où se jouent sans qu'ils en soient mêmeinformés le sort de millions d'hommes et celui de vastes territoires, on les appelle parfois "le Grand Jeu"[4].La jeunesse (et donc la fragilité) de beaucoup d'États-nations, le nationalisme sourcilleux d'une part de l'opinion etdes élites, expliquent cette tendance aux positions radicales, largement responsable et de l'explosion guerrière de1914, et de l'arrivée au pouvoir de ces aventuriers démagogues ultra-nationalistes que sont Mussolini et Hitler.

Lapapauté et les autres forces morales traditionnelles ont beaucoup perdu de leur influence, des institutionsinternationales contraignantes n'ont pas su prendre le relais, et la grande espérance suscitée par l'internationalismesocialiste (et dans une moindre mesure syndicaliste) a donné la mesure de sa vacuité en 1914[5], puis, après 1917,de son détournement au service des intérêts de l'État soviétique.

Notre période est au coeur de l'ère d'absolutismede l'État-nation: ce souverainisme triomphant est porteur de tensions et de guerres. b) Une diplomatie sans principes, des combinaisons fragiles Les années 1890-1914 sont peut-être l'âge d'or de la diplomatie.

Celle-ci imagine sans relâche des combinaisonsd'une rare complexité.Ainsi, en février 1887, un accord secret italo-britannique reposant sur un simple échange de lettres (à la différenced'un traité, il n'y a donc pas nécessité de discussion et de ratification par les parlements des deux pays) seprononce pour le statu quo en Méditerranée, et concrètement "échange" le soutien italien à l'occupation britanniquede l'Egypte contre le soutien britannique au projet italien d'occupation de la Libye.

Le problème, c'est que l'Italiecroit pouvoir compter désormais en cas de conflit sur un soutien formel du Royaume-Uni, que ce dernier n'entendaucunement lui accorder.Les choses se compliquent encore du fait de la signature par la Russie et l'Allemagne, la même année, d'un "Traitéde Réassurance".

C'est une sorte de pacte de non-agression, mais assorti d'une double (et essentielle) réserve:l'Allemagne serait déliée de ses obligations si la Russie attaquait l'Autriche-Hongrie, et la Russie si l'Allemagneattaquait la France.

On peut de plus constater que le traité, qui laisse en principe les mains libres à la Russie poursatisfaire ses ambitions (maîtriser les Détroits, qui relient la Méditerranée à la mer Noire) aux dépens de l'Empireottoman, contredit sur ce point l'accord italo-britannique (tourné vers le statu quo), auquel Vienne et Berlin, alliésde Rome, ont donné leur bénédiction.

Il est vrai que Saint-Pétersbourg en ignore l'existence !On a donc un édifice fragile de combinaisons diplomatiques de diverses natures (rarement des alliances en bonne etdue forme), pleines de contradictions au moins potentielles, reposant sur le non-dit et les arrière-pensées.Conjoncturellement, cela peut fonctionner : un meneur de jeu suprêmement habile, Bismarck, appuyé sur la premièrepuissance du continent, tient longtemps tous les fils entre ses mains.

Mais que l'arbitre vienne à manquer (ce quisera le cas après sa retraite, en 1890), et le "système" risque de se révéler château de cartes, de s'effriter trèsvite.

Quelles que soient ses maladresses, on ne peut blâmer Guillaume II d'avoir ensuite cherché à simplifierl'organigramme, en resserrant l'alliance solide avec l'Autriche-Hongrie et (croyait-il) l'Italie, tout en renonçant auxententes plus incertaines.Les relations internationales sont rendues plus dangereuses par les "accords à déclenchement", alors fréquents, quiessayent de prévoir entre signataires un mécanisme mutuellement avantageux.

Le problème, c'est que les choses sedéroulent rarement comme prévu.Ainsi, en 1911, l'Italie se sent autorisée par les Accords dits méditerranéens, conclus avec la France en 1902, àattaquer la Tripolitaine (Libye), puisque la France vient de s'emparer du Maroc.

Mais la Turquie entreprendvigoureusement de défendre sa possession: l'Italie cherche à l'en couper en occupant certaines îles (le Dodécanèse,alors ottoman) de la mer Egée: au tour de la Grande-Bretagne de s'inquiéter de cette menace potentielle pour "sa"route des Indes.

À plus petite échelle, ce sont déjà les enchaînements fatals de l'été 1914 qui s'annoncent.Chaque négociation est emplie d'arrière-pensées, et mieux vaut faire attention à ce que l'on signe.Par exemple, à partir de 1903, les Allemands tentent de manière répétée d'obtenir l'accord britannique (puissanceeuropéenne dominante au Proche-Orient depuis sa mainmise sur l'Egypte, en 1882) à leur grand projet deconstruction d'un chemin de fer allant d'Istanbul à Bagdad (alors chef-lieu de province turque).

L'entente pourrait sefaire si les rails n'étaient pas poursuivis jusqu'au Golfe persique, où Londres protège une série d'émirats côtiers (dontle Koweït) contre un possible retour offensif turc.

Mais Berlin tente aussi de glisser dans le texte une clausebeaucoup plus globale de non-agression entre Allemagne et Royaume-Uni.

Il s'agit clairement d'opposer un contre-feu à l'Entente Cordiale entre Londres et Paris, alors en voie de constitution.

D'où le refus britannique, qui faitcapoter l'ensemble de l'accord.

La clause préalable est abandonnée quand l'Allemagne revient à la charge en 1911(le chemin de fer est désormais en construction): les négociations s'engagent sérieusement avec l'Angleterre, puis. »

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