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Naissance et état d'esprit des corps-francs selon Ernst von Salomon

Publié le 11/04/2011

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esprit

«... Peu à peu quelque vingt hommes se trouvèrent réunis. Ceux-là se reconnaissaient entre eux à un regard, un mot, un sourire; ceux-là savaient qu'ils appartenaient à la même famille. Mais ils n'étaient pas fidèles au gouvernement, ils n'étaient même pas du tout fidèles au gouvernement. C'est qu'ils ne pouvaient respecter l'homme et le commandement auxquels ils avaient obéi jusqu'à présent, auxquels ils obéissaient encore, et l'ordre social qu'ils devaient aider à créer leur semblait dépourvu de tout sens.

Ils constituaient des foyers de trouble dans leurs compagnies; la guerre habitait encore en eux. C'est elle qui les avait formés; elle avait fait jaillir leurs plus secrets penchants comme des étincelles, elle avait donné un sens à leur vie et sanctifié leur enjeu. Ils étaient des revêches, des indomptés, des hommes rejetés du monde des normes bourgeoises, des dispersés qui à présent se rassemblaient par petites bandes pour chercher leur front de combat. 11 ne manquait certes pas de drapeaux autour desquels ils pouvaient se rallier. Lequel flottait au vent le plus fièrement? Il y avait encore beaucoup de châteaux forts à prendre à l'assaut et nombre de bandes ennemies qui campaient un peu partout. Ils étaient des lansquenets, mais quel était le pays dont ils étaient les serviteurs? Ils avaient reconnu la grande duperie de cette paix et ils ne voulaient pas participer à ce confortable ordre social qu'on leur vantait en termes mielleux. Ils étaient restés sous les armes, obéissant à un instinct infaillible. Ils tiraient à droite et à gauche parce que tirer les amusait, ils traversaient le pays de-ci de-là parce que les horizons lointains leur apportaient sans cesse de nouveaux et dangereux souffles, parce que de tous côtés l'odeur de mâles aventures les appelait. Et cependant chacun d'eux cherchait quelque chose d'autre, et donnait à ses recherches d'autres raisons; on ne leur avait pas encore passé le Mot. Ils le pressentaient ce mot et même ils le prononçaient et ils avaient honte de l'entendre sonner comme une monnaie usée, et ils le tournaient et le retournaient, pleins d'une angoisse secrète et ils le bannissaient du cours de leurs mille conversations et malgré cela il ne cessait de planer sur eux. Enveloppé de ténèbres compactes il était là debout, ce mot, rongé par l'usure des siècles, enchanteur, plein de mystère, rayonnant de force magique; on le sentait et pourtant on ne le reconnaissait pas, on l'aimait et pourtant on ne le prononçait pas. Ce mot c'était : Allemagne «. Ernst von Salomon : Les réprouvés S (Die Geächteten) Plon, éd.

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