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Napoléon III

Publié le 22/02/2012

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Longtemps Napoléon III a été jugé avec sévérité. Les historiens républicains n'ont retenu que ses débuts : le coup d'État du 2 décembre 1851, et sa fin : Sedan, le 2 septembre 1870. Les monarchistes lui ont reproché sa politique extérieure aventureuse et le fondement de son régime établi sur le suffrage universel : monarchie à genoux devant la République. Or le règne n'a pas été médiocre et la personnalité est de celles qui attachent, ne serait-ce que par sa complexité qui exige de l'historien compréhension et sympathie. Toute affirmation quelque peu catégorique appelle nuances. Il y a en lui un aventurier pas très délicat sur le choix des moyens, un homme qui ne refuse pas les plaisirs que l'on nomme physiques, mais aussi un esprit sensible aux problèmes et aux changements de son temps, un chef d'État qui a la plus haute idée de sa mission et ne veut pas seulement jouir des charmes du pouvoir. Celui que Victor Hugo mettra "hors la loi" et appellera Napoléon le Petit a de grands côtés et il est peut-être le prince du XIXe siècle qui a eu le plus d'avenir dans l'esprit.

« la différence du général républicain, n'était pas responsable de la répression des Journées de Juin et n'avait pas desang ouvrier sur les mains.

Les paysans ont voté en masse pour celui dont le nom signifiait ordre intérieur, respectdes principes de 1789, grandeur nationale.

Comme l'écrit L'Événement, le journal de Victor Hugo, "sa candidaturedatait d'Austerlitz".

Enfin, le prince n'était pas la médiocrité que certains conservateurs se flattaient d'inspirer. Encore que la sévérité l'emporte (mais moins que lorsqu'il s'agit de Louis-Philippe), Tocqueville, qui a été son ministredes Affaires étrangères sous la Seconde République, a bien vu sa complexité.

Une conversation "rare et stérile", une"dissimulation profonde" qui "s'aidait singulièrement de l'immobilité de ses traits et de l'insignifiance de son regard",un courage tranquille en dépit de longues hésitations.

L'homme était aimable, prévenant, avait du charme.

Quant àson intelligence, elle "était incohérente, confuse, remplie de grandes pensées mal appareillées".

Mais Tocquevillereconnaît aussi que, quand il le voulait ou que la nécessité l'y forçait, son esprit ne manquait pas "de finesse etd'étendue". Sa présidence de la République va être marquée par cette habileté consommée.

Louis-Napoléon laisse la majoritéconservatrice pratiquer une politique de réaction, affaiblir la République française, abattre la République romaine,mais il s'émancipe peu à peu.

Dans sa lettre à Edgar Ney, il prend ses distances à l'égard du pouvoir pontifical.

Il faitassez vite appel à des ministères de commis, laisse entendre qu'il ne peut faire tout le bien qu'il souhaite, maintientle contact avec les classes populaires par des tournées de propagande, entretient sa popularité dans l'armée,condamne l'amputation du suffrage universel que réalise la loi du 31 mai 1850, se débarrasse de l'encombrantgénéral Changarnier qui se vantait, un peu trop fort, de le conduire, en cas de besoin, à la prison de Mazas.

Dès cemoment, Thiers estime que le coup d'État est fait. Louis-Napoléon, cependant, voudrait en faire l'économie.

Il essaie d'obtenir par les voies légales le droit de seprésenter à nouveau à la Présidence quand son mandat sera terminé, mais l'Assemblée, s'appuyant sur la lettre de laConstitution, refuse toute chance de prolongation.

Il faut bien en venir à un coup d'État qui, lui aussi, est dans latradition familiale.

L'y conduisent à la fois ses besoins d'argent, son mépris des partis, la conviction qui est la siennequ'il peut faire, seul, l'union et le bonheur des Français.

Tentative malgré tout hasardeuse et pour laquelle il netrouve que des hommes de paille : "Morny, Maupas, le Grec, Saint-Arnaud, le chacal." Mais Napoléon a pour lui lesecret, sa grande arme, le dégoût des ouvriers pour la République telle qu'elle est, la faiblesse des résistances quid'ailleurs le servent car les mouvements paysans du Var et des Basses Alpes paraissent une dangereuse jacquerie ledésir d'ordre de la plupart qui veulent en finir avec l'anarchie, les passions mauvaises. Ce coup d'État du 2 décembre 1851, Victor Hugo l'a maudit en trois mille vers qui sont un sommet de la poésiefrançaise.

Il a dénoncé le serment trahi, la brutalité de l'armée, l'apostasie de l'Église, la bassesse des exécutants, lacruauté de la répression.

L'impératrice a reconnu qu'il avait été le boulet de l'Empire.

En revanche, après la chute durégime, Napoléon III a pris la défense de son initiative.

Il n'a plus dit à cette heure que le peuple l'avait absous ; il aplaidé le salut de ce peuple : "La France étouffait dans une Constitution qui la laissait sans défense contre leséternels ennemis de sa tranquillité et de sa prospérité...

Sous les gouvernements précédents, il y avait une émeutetous les six mois et la France épuisée par ces spasmes devenait anémique.

Sous mon règne, pas une seule émeute,pas l'ombre d'un combat de rue pendant dix-huit ans, pas un Français qui ait attenté à ma vie." Nous ne saurions entrer dans l'analyse de ces dix-huit années.

On sait que jusqu'en 1860 le régime a été autoritaire,mais ici attention : la Constitution veut maintenir l'héritage de 1789 ; si l'Empire est rétabli, si une cour brillante estreconstituée, Napoléon III ne cherche pas à entrer dans l'Europe monarchique.

Épousant Eugènie de Montijo, il necraint pas, à l'encontre des traditions, de se poser en parvenu.

En outre, une question se pose : cet étouffementde la liberté et surtout de la liberté de la presse, cette toute puissance de l'administration, cette mise au pas del'Université représentent-ils l'idéal du maître de la France, son dernier mot en matière de gouvernement ? Napoléon asans doute estimé qu'une fois le régime assis, les anciens partis ralliés, il pourrait se décharger d'une partie de sespouvoirs.

Il lui est même arrivé de juger trop pesante la centralisation française. Mais, en attendant, comment gagner les Français autrement que par la pression sur le corps électoral, par cesystème de candidature officielle qui a remarquablement fonctionné jusqu'aux élections législatives de 1863 ? A encroire Victor Duruy qui est entré assez profondément dans sa confiance et qui a dépeint l'empereur avecreconnaissance, respect, affection, Napoléon III "a été l'homme de deux idées libérales : relever la classe ouvrièreet affranchir les peuples opprimés." Retenons-les à notre tour, encore que la prospérité économique ait surtoutprofité aux paysans qui formaient, ne l'oublions pas, à peu près les trois quarts de la population française et qui sontrestés presque jusqu'à la fin fidèles à l'empereur.

Pour les ouvriers, leur sort l'a vivement préoccupé.

Les premièresannées du règne n'ont pas apporté de sérieuses modifications dans la législation les concernant, mais l'Empire leur adonné du travail.

L'aménagement des grandes villes, la modernisation de Paris, esthétiquement contestable maisabsolument nécessaire, l'embellissement de Lyon et de Marseille ont, au jugement de l'opposant Prévost-Paradol,représenté des ateliers nationaux autrement mieux conçus que ceux de la République.

La construction accélérée deschemins de fer, l'équipement des ports, l'élan de l'industrie ont achevé de fournir de l'embauche à une classeouvrière qui, après 1860, devait obtenir d'importantes réformes : en 1864, loi sur les coalitions, prélude obligatoire àtous les progrès ultérieurs ; en 1868, mise sur un pied d'égalité du patron et de l'ouvrier en cas de rupture ducontrat de travail.

De 1863 à 1869, Duruy développe l'enseignement primaire, organise un enseignement postscolairequi permet aux meilleurs des ouvriers de compléter une instruction trop rudimentaire et de s'élever dans la hiérarchiede la profession.

Vraisemblablement, Napoléon serait allé plus avant dans cette voie du progrès social s'il n'avait étéfreiné et notamment par le Conseil d'État.. »

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