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LA NATURE ET L'ART : L'ART N'EST QU'UNE IMITATION DE LA NATURE OU DE LA REALITE ?

Publié le 29/03/2004

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Et pourtant nous nous proposons de démontrer que cette confusion entre beauté naturelle et beauté artistique n'est qu'un préjugé, le préjugé fondamental qu'il nous faut détruire avant d'être réellement introduit dans le domaine authentique de l'art.Sans doute certaines formes d'art prêtent plus aisément que d'autres à la confusion entre beauté naturelle et beauté artistique. Les artistes dits classiques ont le plus souvent choisi de représenter dans leurs oeuvres ce qui est déjà beau, c'est-à-dire sain et agréable dans la nature. Phidias Praxitèle et plus tard Vinci, Raphaël, Michel-Ange représentent des types supérieurs d'humanité, des athlètes ou des femmes superbes. La musique classique recherche la prédominance des consonances. Le héros cornélien plein de courage et de noblesse a une «belle âme». La sculpture, tout particulièrement, s'est presque toujours attachée à représenter des modèles beaux par eux-mêmes. Avec sa solidité matérielle, ses trois dimensions elle impose plus aisément l'impression de réalité. On voit mal comment la statue de Brunetière — sur sa tombe à Montparnasse — fidèle à son modèle au point que l'artiste a cru bon de visser des lorgnons sur le nez de son héros — eût pu être une belle statue ! !Et cependant même l'art classique, même la sculpture nous laissent déjà deviner que la beauté artistique est autre chose que la beauté naturelle. Le sadisme de Néron qui éprouve une trouble jouissance à faire pleurer la malheureuse Junie est une ignoble passion, propre par elle-même à susciter le dégoût, mais la scène admirable de Britannicus où Racine met en scène ce sadisme, dans une atmosphère en clair-obscur qui rappelle Rembrandt, est un des chefs-d'oeuvre incontestés de l'art tragique.

« difficulté qui avait arrêté Pascal.

« Quelle vanité, écrivait-il, que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance de choses dont on n'admire pas les originaux ! »La vérité est que l'art n'est aucunement une imitation.

L'imitation répond àd'autres besoins que les besoins artistiques.

Si j'attends du photographe uneimage «très ressemblante» de mes enfants, c'est parce que je veux garder unfidèle souvenir de leur jeune âge, et non pas parce que je désire une oeuvred'art.

Les peintures rupestres des hommes préhistoriques représentent trèsfidèlement des scènes de chasse.

Mais ce n'est pas cette fidélité qui fait pournous leur beauté.

Le souci d'imitation exacte, d'ailleurs, n'obéit pas ici à undésir esthétique (les peintures rupestres gravées dans les parties les plusreculées des grottes étaient à peine visibles !) mais beaucoup plus à unefonction rituelle, l'exactitude de la reproduction répondant à un scrupule demagicien non d'artiste.

En fait l'art réaliste qui prétend reproduire la nature estun art tardif, une hérésie artistique.

L'art réaliste de Zola, de Courbet nedemeure un art que — précisément — parce qu'il ne tient pas ses promessesmortelles, parce qu'il n'est pas une copie de la nature.

«L'incendie de Courbet,dit Malraux, tient de Rembrandt plus que de la réalité».

On avait beau tournerexprès le dos au public chez Antoine au temps héroïque du théâtre libre oufaire sonner douze coups pour indiquer midi, on sentait que cette prétendue«tranche de vie» n'avait de la vie que le nom, le théâtre le plus réaliste étaitautre que le réel.

Même l'impression, l'illusion de réalité ne peut être donnéepar l'art que grâce à des procédés qui tournent le dos au réel : des oeuvres comme L'homme qui marche ou Le Maréchal Ney de Rude sont à cet égard typiques.

L'homme n'a jamais marché à lafaçon de l'homme qui marche : les deux pieds à terre, bien à plat et sans mettre un pied au-dessus de l'autre.Combien d'erreurs volontaires pour donner l'illusion esthétique du vrai ? L'art est un autre monde que la nature.

Et cen'est pas d'ordinaire l'émotion provoquée par la beauté de la nature qui donne au futur artiste l'idée de créer uneoeuvre : ce n'est pas la vie mais c'est la lecture de poèmes ou de romans qui donne l'idée d'écrire un poème ou unroman.

De même ce n'est pas le spectacle de la nature mais la visite des musées ou des expositions qui peut nousinciter à peindre.

Comme l'écrit très justement Malraux : « De même qu'un musicien aime la musique et non lesrossignols, un poète des vers et non les couchers de soleil, un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime lesfigures et les paysages.

C'est un homme qui aime les tableaux...

Selon les biographies légendaires, Cimabue admireGiotto berger qui dessine des moutons, selon des biographies véridiques, ce ne sont pas les moutons qui donnentaux Giottos l'amour de la peinture, ce sont précisément les tableaux de Cimabue».Et Malraux nous montre qu'un jeune peintre commence certes par imiter, mais par imiter les toiles de ses maîtres, etnon pas la nature, avant de trouver sa manière propre.

De même les arts nouveaux se cherchent-ils toujours àpartir des arts antérieurs.

La photographie avec ses problèmes de cadrage, d'éclairage en « flou » ou en « dur »s'inspire d'abord de la peinture et, comme dit Malraux, les premières photographies sont «de fausses natures mortes,de faux paysages, de faux portraits».

Le cinéma lui-même «ne s'est nullement conquis sur la vie mais bien sur lafarce de cirque et le théâtre ».L'art, sous tous ses aspects, est donc une transposition et non pas un reflet du réel.

Il est la promotion,l'instauration d'un autre monde, l'étonnante alchimie par laquelle, dit Malraux, « les formes deviennent style ».

Labeauté de l'oeuvre d'art n'est pas la reproduction d'une valeur impliquée dans la nature mais la création d'une valeurde beauté spécifique et originale.

Pour progresser dans notre analyse il nous faut donc parler maintenant de lacréation artistique.. »

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