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Ma nature m'excuse-t-elle ?

Publié le 30/11/2005

Extrait du document

8. "Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme toute entière s'élève à tel point, que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. Réduisons toute cette balance à des termes faciles à comparer. Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu'il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle qui n'a pour bornes que les forces de l'individu, de la liberté civile qui est limitée par la volonté générale, et la possession qui n'est que l'effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété qui ne peut être fondée que sur un titre positif".    L'état civil fait de l'homme un citoyen; et un être capable de moralité.Rousseau distingue deux états successifs : état de nature, état civil. L'état de nature n'a jamais existé.

Ma nature m'excuse-t-elle ? Cette interrogation renvoie directement à la réponse : « Mais c'est ma nature ! « Cependant cette réponse que nous ne cessons pas de prononcer ou de formuler nous paraît évident, simple. Pourtant elle sous-tend des problèmes épineux. Si tout ce que je fais est le résultat de ma nature, qu'en est-il de la liberté de mes actions, qu'en est-il de ma liberté ? Autrement dit cette question nous invite à nous interroger sur le fait que ma nature puisse être la responsable de mes actions  et non plus moi. D'où notre question : dans quelle mesure l'expression « c'est ma nature! « en guise d'excuse eu égard à un acte que j'ai commis pose-t-elle le problème de la responsabilité et de la liberté du sujet agissant ?

« L'état civil fait de l'homme un citoyen; et un être capable de moralité. Rousseau distingue deux états successifs : état de nature, état civil.

L'état denature n'a jamais existé.

Il s'agit d'une hypothèse.

Tout se passe donc comme s'il yavait l'avant et l'après.

L'avant, c'est l'instinct.

L'après, c'est la justice, qui impliquede peser un pour et un contre selon des principes.

La substitution de la justice àl'instinct ouvre un champ nouveau : celui de la moralité, qui permet à l'homme dejuger la valeur de ces actions.

Avant : l'impulsion physique qui désigne bien une forceà laquelle on ne peut résister, l'appétit.

Après : la voix du devoir qui désigne un appel,de l'ordre de l'injonction - « tu dois » - et non de l'impulsion avec laquelle on nedialogue pas.

Après également, le droit qui s'oppose d'évidence à la force, et multipliel'univers de la parole, puisqu'il n'y a pas de droit sans contrat, que le propre du droitest de se dire, de dire la loi.

Ainsi s'élève la voix du devoir, et la parole généralisée dudroit existe, elle, au niveau social et permet à chacun d'être citoyen.

Rousseaumontre que l'homme, dans ce passage à l'état civil, s'élève à la dignité de sujet.Jusqu'alors il « collait » à lui-même.

Maintenant il prend des distances avec l'instinctet l'impulsion physique irrépressibles.

Il consulte la raison, consultation qui vient sesubstituer au discours muet du penchant qu'il suffit d'écouter pour le suivre. Dans l'état civil, l'homme peut actualiser sa perfectibilité. Dans le commerce que les hommes entretiennent entre eux, leurs facultés sedéveloppent.Les avantages dont l'homme naturel se prive, Rousseau ne les indique pas.

Aucontraire les avantages regagnés sont affirmés être si grands que le bilan estnettement positif.

Les facultés, qui n'étaient qu'en germe, s'exercent dans lecommerce que les hommes entretiennent entre eux.

L'âme, composée à la fois desidées - l'homme est un être de raison - et des sentiments - l'homme est aussi un êtrede coeur - « s'élève ».

L'homme tenait à la nature, comme à un sol, il s'en détache etopère une élévation toute spirituelle : le haut est valorisé, comme si l'homme accédaità la divinité.

Cette signification religieuse est marquée par le « il devrait bénir ».L'homme devrait, dans un regard rétrospectif sur sa propre histoire, « louer » cepassage, responsable de tant de changements. L'homme est responsable de son élévation comme de sa chute. Mais la symbolique de l'élévation ne va pas sans la chute, qui est la dégradationforgée par l'homme lui-même et dont il est entièrement responsable.

Autrement ditl'homme peut faire, fait « souvent » un mauvais usage de sa condition nouvelle.

Iln'est pas inscrit comme un développement nécessaire que s'installent l'inégalité,l'opposition, ou la licence au contraire l'homme est responsable de son histoire, deson élévation, comme de sa chute.

Plus il s'élève, plus il réalise l'humanité en lui ; plusil s'abaisse, plus il dégrade son humanité, au point d'attendre une inhumanitéinférieure même à l'animalité.

L'intérêt de ce texte est de montrer que dans l'étatcivil, ce qui est « borné » devient ouvert.

Ce qui montre bien que Rousseau n'a jamaisaffirmé que l'état de nature avait existé ni a fortiori prôné un retour à un tel état.C'est seulement dans l'espace social que les hommes peuvent actualiser leurperfectibilité et accéder à une existence d'une plus grande moralité.

3 Transition La nature en moi est l'ensemble des caractéristiques et des qualités que je reçois en venant en ce monde.

On peutdire alors que certains éléments ne viennent pas de moi et que je peux donc agir malgré moi.

N'est-ce pas ici lerefus d'assumer et de s'imputer ses propres actes et gestes ? II La nature peut-elle vraiment m'excuser ? 1 Agit-on toujours librement ? Texte SPINOZA, Ethique , III, proposition II, scolie, trad.

B.

Pautrat, Paris, Seuil, 1 "Ainsi croit le bébé aspirer librement au lait, et l'enfant en colère vouloir la vengeance, et le peureux la fuite.L'homme ivre, ensuite, croit que c'est par un libre décret de l'esprit qu'il dit ce que, redevenu sobre, il voudrait avoirtu : ainsi le délirant, la bavarde, l'enfant, et bien d'autres de cette farine, croient que c'est par un libre décret del'esprit qu'ils parlent, alors pourtant qu'ils ne peuvent contenir l'impulsion qu'ils ont à parler ; si bien que l'expérienceelle-même montre, non moins clairement que la raison, que les hommes se croient libres pour la seule raison qu'ils. »

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