La nature de l'homme lui permet-elle de s'affranchir véritablement de l'égoïsme et de s'élever à un désintéressement réel ?
Publié le 20/02/2004
Extrait du document
etc.; ce n'est qu'une litote, une simple
formule de politesse à l'égard du lecteur.
Connaissant la doctrine, il s'agit maintenant de trouver les arguments
qu'on y pourra opposer.
Il y en a de deux sortes : des faits, des raisonnements.
Les faits à invoquer contre la doctrine de la Rochefoucauld sont tous
les cas de dévouement, de sacrifice d'où l'intérêt personnel soit
évidemment exclu. On remarquera que de tels cas sont fort difficiles à
trouver, car dans presque tous les actes en apparence les plus
désintéressés un contradicteur de parti pris pourra, en subtilisant,
trouver un mobile caché d'égoïsme. Il sera bon, pour éviter cette
difficulté, d'écarter systématiquement les traits de dévouement ou
d'héroïsme historiques, parce que ces actes, lorsqu'ils ont été
accomplis, l'ont été d'ordinaire au grand jour, devant un nombreux
public, et laissent ainsi place à une interprétation qui sera toute en
faveur de la thèse combattue. Il vaut mieux choisir les dévouements
obscurs, les vertus des humbles, en un mot les actes dont on ne puisse
dire qu'ils aient été accomplis « pour la galerie ».
Les arguments a priori consistent dans les divers développements qu'on
peut donner de cette idée : si l'égoïsme était universel et exclusif, il
n'y aurait pas de société possible, du moins de société durable. On ne
conçoit pas la permanence d'une association dont tous les membres, sans
exception, n'auraient pas d'autre objectif que d'exploiter leurs
coassociés.
Liens utiles
- Le dernier progrès que fit la raison, achevant d'élever l'homme tout à fait au-dessus de la société animale, ce fut qu'il comprit (obscurément encore) qu'il était proprement la fin de la nature (1), et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit.
- Dans son essai Croissance zéro, Alfred Sauvy écrit, à propos de la fascination qu'exerce sur l'homme l'idée du retour à la nature : « ... L'idée séduisante de retour à l'état naturel, à une vie végétale, ne dure guère qu'un été et d'une façon très relative. Virgile s'extasiait devant les gémissements des boeufs, mais avait des esclaves pour traire ses vaches. Rousseau fut fort aise de trouver une assistance publique pour élever ses enfants. Quant à Diogene, il devait bien produire quel
- L'égoïsme est-il la nature de l'homme ?
- Victor Hugo écrit : «La nature procède par contrastes. C'est par les oppositions qu'elle fait saillir les objets. C'est par leurs contraires qu'elle fait sentir les choses, le jour par la nuit, le chaud par le froid, etc.; toute clarté fait ombre. De là le relief, le contour, la proportion, le rapport, la réalité. La création, la vie, le destin, ne sont pour l'homme qu'un immense clair-obscur. Le poète, ce philosophe du concret et ce peintre de l'abstrait, le poète, ce penseur suprême,
- ALAIN / 81 chapitres sur l'esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960 « L'homme, par nature, n'aimerait que lui, et ce serait la sauvagerie ; mais les liens de société l'obligent à compter avec les autres, et à les aimer pour lui, tant qu'enfin il arrive à croire qu'il les aime pour eux. Il existe un bon nombre d'ouvrages, assez ingénieux, où l'on explique assez bien le passage de l'amour de soi à l'amour d'autrui ; et j'avoue