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NECESSITE DE LA CRITIQUE. LA DENT D'OR.

Publié le 28/04/2011

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Fontenelle, neveu de Corneille, a étendu sa vie de centenaire du milieu du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle (1657-1757), c'est-à-dire à l'époque où l'esprit critique s'est donné le plus violemment carrière en France et à l'étranger. Nul, peut-être ne l'incarne plus complètement. Le texte que nous citons est extrait du chapitre IV de l'Histoire des Oracles (1687), dans laquelle Fontenelle oppose l'esprit critique et l'esprit de crédulité. Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point. Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.

En 1593, le bruit courut que, les dents étant tombées à un enfant de Silésie âgé de sept ans, il lui en était venue une d'or à la place de ses grosses dents. Horatius, professeur de médecine dans l'Université de Helmstad, écrivit, en 1595, l'histoire de cette dent et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation et quel rapport de cette dent d'or aux Chrétiens ni aux Turcs ! En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit l'histoire. Deux ans après, Inglosteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse ; mais on commença par faire des livres et puis on consulta l'orfèvre. Fontenelle. Histoire des Oracles. IV.

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