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Nietzsche: Manière de penser d'aujourd'hui et manière d'autrefois.

Publié le 21/04/2005

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nietzsche
La méditation a perdu toute sa dignité extérieure ; on a tourné en ridicule le cérémonial et l'attitude solennelle de celui qui réfléchit ; on ne pourrait plus supporter un sage de la vieille école. Nous pensons trop vite, et en pleine marche, en chemin, au milieu d'affaires de toutes sortes, même quand c'est aux choses les plus graves; nous n'avons besoin que de peu de préparation, et même de peu de silence ; tout se passe comme si nous avions dans la tête une machine qui tournât incessamment et qui poursuivît son travail jusque dans les pires circonstances. Autrefois, quand quelqu'un voulait se mettre penser c'était une chose exceptionnelle ! - on s'en apercevait tout de suite ; on remarquait qu'il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : son visage se composait comme il le fait dans la prière ; l'homme s'arrêtait dans sa marche; il demeurait même immobile pendant des heures dans la rue sur une jambe ou sur les deux, quand l'idée venait. La chose valait alors cette peine. Nietzsche

Dans une société où se généralisent les conditionnements et les captations des hommes, réduits à de simples consommateurs d'autant plus dociles qu'ils sont moins maîtres de leur jugement, la liberté est gravement mise en cause. Le déluge de bruit et d'images destiné à faire vendre par toutes les formes de sollicitation publicitaire remplit une double fonction : il impose le produit en question par la violence des impressions sensibles destinées à manipuler en jouant sur les ressorts du réflexe conditionné, et il empêche effectivement l'exercice d'une authentique pensée réfléchie. Notre société n'évolue-t-elle pas vers l'obscurantisme généralisé, dès lors qu'elle interdit le véritable loisir (en grec scholè), celui qui permet à la pensée d'être enfin présente à elle-même dans le silence retrouvé de la méditation intérieure ? De fait, silence et méditation, conditions de la liberté du jugement, paraissent devenir chose rare, en tout cas peu prisée de nos jours. À l'aube de l'ère industrielle, Nietzsche semblait déjà se soucier d'une telle tendance. L'étude d'un de ses textes permettra d'approfondir la réflexion sur ce qu'il signalait sans doute à l'époque comme un danger naissant, et dont nous mesurons aujourd'hui toute l'ampleur.

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« non pas de simplement oublier ou neutraliser le corps, mais bien de le mettre en harmonie avec les exigences de lapensée.— On peut souligner aussi les allusions à une ambiance "de religiosité (« méditation », « cérémonial », « dans laprière ») qui indiquent que la pensée n'est pas du monde ordinaire.

Y avoir accès c'est se laisser prendre par ununivers autre. II.

La précipitation contemporaine — Le texte abonde en expressions signalant que la lenteur nécessaire n'est plus possible.

Il existe désormais unehâte généralisée qui interdit au penseur de prendre son temps (et le rendrait même ridicule, socialement nonconforme, s'il adoptait en pleine rue l'attitude indiquée à la fin).— On prétend donc réfléchir sans préparation, sans le silence nécessaire: la pensée est dégradée en productionordinaire et machinale, débitant ses phrases comme un automate.— Du même coup, la prétention à la réflexion se banalise ou vulgarise par comparaison avec son ancienne rareté(« c'était une chose exceptionnelle ! »).

Ces nouvelles conditions de la (pseudo-)pensée font que n'importe quidoit avoir « son mot à dire» sur n'importe quel sujet.

Le journaliste, le commentateur de l'actualité, celui dont laspécialité est de réagir à chaud, le plus vite possible, à l'événement, se substitue au penseur authentique. III.

Prolongements Au choix:— Montrer comment cette description des conditions de fa pensée, qui reprend la figure traditionnelle duphilosophe en la comparant à l'homme des temps modernes, implique une conception élitiste du travail de laréflexion : n'importe qui n'est pas penseur (en d'autres termes : il doit exister une division du travail.

La penséed'un côté, la production matérielle de l'autre.

On peut évidemment développer une critique de cette position d'unpoint de vue marxiste).— Adapter la critique nietzschéenne au monde contemporain, dans lequel les choses n'ont fait qu'empirer.

Lamultiplication des informations reçues, leur nombre croissant sans cesse grâce au perfectionnement des médias(radio, TV) s'accompagne d'une absence de pensée véritable : l'actualité est par définition cequi se démode — en même temps que ce qui peut s'en dire immédiatement.— Montrer comment les médias modernes font de la (pseudo-)pensée un spectacle éphémère en même tempsqu'une simple marchandise.

À l'inverse du sage ancien qui offrait un étrange spectacle parce que la penséel'exigeait, le journaliste ou l'intellectuel médiatique façonne son discours en fonction des exigences du médium (cf.dans le vocabulaire situationniste, la notion de société spectaculaire-marchande).

Il y a dès lors un «marché desidées» — avec sa succession rapide de vedettes et de modes — comme il y a un marché de l'automobile (ou del'art.

On peut, en parallèle au texte de Nietzsche, montrer que la production artistique a subi une dégradationcomparable à celle de la pensée). Conclusion Texte qui n'a rien perdu de sa vigueur critique — au contraire ! Sans pessimisme excessif, on doit constater, s'ilest vrai que le temps est devenu la forme actuelle du capital comme le suggère Jean-François Lyotard, que lesconditions sont encore moins favorables à l'exercice de la réflexion.

C'est peut-être ce qui rend la philosophie plusnécessaire que jamais — à condition qu'elle parvienne à se maintenir à l'écart des modes et à ne pas devenir unesimple marchandise.

NIETZSCHE (Friedrich-Wilhelm). Né à Rocken en 1844, mort à Weimar en 1900. Il fit ses études à l'école de Pforta, puis, renonçant à la carrière ecclésiastique, il les termina aux Universités deBonn et de Leipzig.

La lecture de Schopenhauer et la rencontre avec Wagner sont les événements capitaux decette période.

En 1868, Nietzsche est nommé professeur de philologie grecque à l'Université de Bâle ; il conserva ceposte jusqu'en 1878, date à laquelle il fut mis en congé définitif pour raisons de santé.

Commence alors la série desvoyages de Nietzsche en Italie : Gênes, l'Engadine, Rapollo, Nice, la Sicile, Rome, Venise, lisant Empédocle, jouantChopin et Rossini.

Il découvrit Stendhal et Bizet.

Il passe les mois d'été à Sils-Maria, dans une petite chambre, faceà la montagne.

C'est à Turin, en janvier 1889, qu'il fut terrassé dans la rue par une crise de démence, probablementd'origine syphilitique, et qui se termina par la paralysie générale.

Ramené à Bâle, Nietzsche dut être interné quelquetemps dans une maison de santé ; puis, sa soeur l'accueillit auprès d'elle, à Weimar, où il mourut le 25 août 1900.

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