Devoir de Philosophie

Notes de cours: LES ECHANGES

Publié le 11/07/2012

Extrait du document

echanges
 
1) Vie sociale et échanges:
           La notion d'échange désigne une communication de biens, de services ou de signes supposant une réciprocité. Toute communication (du latin "communicare": parta           ger, mettre en commun), dans la mesure où elle est une mise en commun, détermine le passage de l'individuel au collectif. "Dans toute société, précise Lévi-Strauss[1], la communication s'op�re au moins à trois niveaux: communication des femmes, communication des biens et des services, communication des messages" (in "Anthropologie structurale").
           
           A) Nous avons vu, en étudiant la fonction de la prohibition de l'inceste, que celle-ci fondait et garantissait l'échange des femmes. L'alliance contraint les différents groupes à entrer en rapports d'échange et est donc une des conditions primordiales de toute vie sociale.
           
           B) Pour ce qui est des biens et des services, une étude du don dans les sociétés archaïques (où durant cérémonies, rites, fêtes, les différents clans rivalisent de présents, ce qui permet d'acquérir plus de puissance et plus de prestige), nous permet de saisir l'importance sociale de l'échange. On définit communément le don comme une communication de biens ou une prestation de services sans contrepartie. Or, Marcel Mauss[2] montre, dans son "Essai sur le don", que le don appelle toujours, à plus ou moins br�ve échéance, l'obligation de rendre.
Ainsi, dans les cérémonies primitives, le don a pour fondement trois obligations que l'on ne saurait séparer: donner, recevoir et rendre. Si l'on ne peut refuser le don, on doit, de plus, faire un contre-don plus important que le don accepté. Mauss dénomme ces prestations et ces contre-prestations des "prestations totales" car, malgré leur caract�re obligatoire, elles reposent sur un principe de réciprocité. De plus, cet échange ne doit pas être interprété simplement comme un simple troc de choses utiles de nature purement économique. Il a une signification magique, religieuse, mythologique. C'est pour reprendre une expression de Mauss, un "fait social total".
"La circulation des biens, écrit Mauss, suit celle des hommes, des femmes et des enfants, des festins, des rites, des cérémonies et des danses, même celle des plaisanteries et des injures. Au fond elle est la même. Si on se donne des choses et les rend, c'est parce qu'on se donne et se rend "des respects", des "politesses". Mais aussi c'est qu'on se donne en donnant et, si on se donne, c'est qu'on se doit -soi et son bien aux autres" (in "Essai sur le don").
 
           L'économie de nos sociétés repose sur l'échange des marchandises, le don n'occupant plus qu'une place tr�s restreinte. Nous avons désappris à offrir. La dépense a cédé la place à la gestion efficace, et la recherche du profit est déterminante.
   Une marchandise est un produit qui, comme tout produit, a une utilité. Elle poss�de une "valeur d'usage". Mais, ce qui caractérise une marchandise, c'est qu'elle n'est pas produite pour être immédiatement utilisée, mais pour être vendue sur un marché. Ce qui conf�re à un produit la "forme marchandise", c'est sa "valeur d'échange" que l'on peut définir avec Marx, comme la proportion dans laquelle des valeurs d'usage différentes s'échangent les uns contre les autres: "La valeur d'échange apparaît d'abord comme le rapport quantitatif, comme la proportion dans laquelle des valeurs d'usage d'esp�ce différente s'échangent l'une contre l'autre, rapport qui change constamment avec le temps et le lieu" (in "Le Capital" livre 1).
Puisque la valeur d'échange est la proportion dans laquelle des marchandises s'échangent, il faut qu'elles puissent être comparées quantitativement, qu'elles soient "ramenées à quelque chose qui leur est commun et dont elles représentent un plus ou un moins" (idem). La seule propriété commune à toutes les marchandises est d'être produites par du travail. C'est, selon Marx, la quantité de travail nécessaire pour produire une marchandise qui détermine sa valeur d'échange, quantité de travail mesurée par la durée du travail imparti pour ce même produit.
 
           C) Enfin, troisi�me niveau de la communication: celle de la linguistique.
Tout échange de messages suppose l'intervention d'un certain nombre de composants de communication. Roman Jakobson[3], dans ses "Essais de linguistique générale", dénombre six facteurs constitutifs de tout acte de communication verbale.
Outre, le "destinateur" (ou locuteur) qui transmet un "message" au "destinataire", il faut faire intervenir le "contexte" ou référent, c'est-à-dire ce à quoi renvoie le message. Autres facteurs: le "code" (la langue) qui est requis pour la formation d'un message et enfin le "contact", tout message supposant "un canal physique et une connexion psychologique entre le destina       teur et le destinataire, contact qui leur permet d'établir et de maintenir la communication" (Jakobson). 
 
                          Contexte
Destinateur --------- Message --------- Destinataire
                          Contact  
                           Code        
 
           A chacun de ces facteurs, Jakobson fait correspondre une fonction linguistique. Au facteur "destinateur" correspond la fonction "émotive" qui permet au locuteur d'exprimer son affectivité, son attitude à l'égard de ce dont il parle.
Au facteur "destinataire" correspond la fonction "conative" visant à agir sur le destinataire
Au facteur "contact" correspond la fonction "phatique" (du grec: "parole") qui sert à établir et à maintenir la communication entre les interlocuteurs.
La fonction "référentielle" (ou "dénotative") qui sert à désigner des objets et qui est prédominante dans le langage quotidien, correspond au facteur "contexte". Distinguant deux niveaux de langage, le "langage objet" qui parle des objets, et le "métalangage" qui a pour objet le langage, Jakobson fait intervenir une fonction "métalinguistique" qui porte sur le code utilisé.
Chaque fois que le destinateur et\ou le destinataire jugent nécessaires de vérifier s'ils utilisent bien le même code, le discours est centré sur ce dernier: il remplit une fonction métalinguistique (ou de glose): "Je ne vous suis pas; que voulez-vous dire?". Et le locuteur, par anticipation, s'enquiert: "Comprenez-vous ce que je veux dire?". Enfin, une derni�re fonction dite "poétique": le message est considéré dans sa structure matérielle. Elle "met en évidence le côté palpable des signes" et l'autonomie du langage par rapport à la réalité.
                                     Référentielle
                Emotive --------- Poétique ---------- Conative
                                                             Phatique
                                                       Métalinguistique
[1] Claude Lévi-Strauss: ethonologue français qui introduisit l'analyse structurale dans l'étude ethnologique.
[2] Marcel Mauss (1872-1950): sociologue et ethnologue français, disciple de Durkheim.
[3] Roman Jakobson (1896-1982): Linguiste américain d'orine russe, l'un des fondateur du structuralisme. Sa contribution à la théorie de la communication est fondamentale.
 



echanges

« 3.

Comment s'organisent les échanges? Réunis en société, les individus deviennent interdépendants grâce à l'échange continuel de services et de biens : dans la vie en communauté, l'homme travaille pour acheter le travail d'autrui.

Chaque bien produit a donc une double valeur: une valeur d'usage en tant qu'il satisfait un besoin, et une valeur d'échange, en tant qu'il est une marchandise.

Mais, ainsi que le note Aristote, comment échanger maison et chaussures ? C'est la monnaie, comme commune mesure instituée, qui rend possible l'échange de produits qualitativement et quantitativement différents.

C'est ici que Platon voit le danger d'une société fondée uniquement sur les échanges et le commerce : les individus y auront toujours tendance à profiter des échanges non pour acquérir les biens nécessaires à la vie, mais pour accumuler de l'argent.

De moyen, la monnaie devient fin en soi, pervertissant ainsi tout le système de production et d'échange des riches­ ses et corrompant le lien social.

4.

La société sert-elle uniquement à assurer notre survie ? Selon Aristote, la vie en communauté n'a pas pour seul but de faciliter les échanges afin d'assurer notre survie : ce qui fonde la vie en communauté, c'est cette tendance naturelle qu'ont les hommes à s'associer entre eux, la philia ou amitié.

Il ne s'agit pas simplement de dire que nous sommes tout naturellement enclins à aimer nos semblables, mais bien plutôt que nous avons besoin de vivre en société avec eux pour accomplir pleinement notre humanité.

Comme le remarquait Kant, l'homme est à la fois sociable et asocial : il a besoin des autres, mais il entre en rivalité avec eux.

C'est cette « insocia­ ble sociabilité » qui a poussé les hommes à développer leurs talents respec­ tifs et leurs dispositions naturelles, bref, à devenir des êtres de culture.

5.

Les échanges sont-ils réductibles au commerce des services et des biens ? Ainsi que l'a montré l'ethnologue Claude Lévi-Strauss, on ne saurait réduire les échanges aux seules transactions économiques.

En fait, il existe deux autres types d'échanges qui ont d'ailleurs la même structure : l' orga­ nisation de la parenté, et la communication linguistique.

Une société n'est donc pas réductible à une simple communauté écono­ mique d'échange : elle se constitue aussi par l'organisation des liens de parenté (le mariage), par l'instauration d'un langage commun à tous ses membres, par un système complexe d'échanges symboliques (promesses, dons et contre-dons) qui établissent les rapports et la hiérarchie sociale, etc.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles