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La notion de « Comique littéraire » ?

Publié le 02/04/2009

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  • I. - POINT DE VUE TECHNIQUE

Réfléchir sur la structure de la comédie est évidemment indispensable à qui veut comprendre le comique littéraire. Il s'agit en effet non pas d'expliquer le rire en général, mais un rire esthétique. On va donc chercher dans les conditions pratiques du théâtre, le passage au risible. On distingue traditionnellement le comique de gestes (Maître Jacques recevant une volée de coups de bâtons en récompense de sa franchise), le comique de mots (« Sans mot «) le comique de situation (l'avare amoureux contraint d'offrir un grand repas), le comique de caractère (l'avarice gouverne Harpagon, lui donnant une raideur maladroite). Quelle belle mosaïque ! Ne voit-on pas que le comique, c'est tous ces éléments réunis, à la fois des gestes, des mots, des situations, des caractères ? Parlons donc de procédés divers, et respectons l'unité de l'œuvre et de son effet.

Définir le « comique littéraire « pose un problème difficile à résoudre en l'absence d'une méthode réfléchie. Si on entend par comique la qualité intrinsèque du genre, on suppose un comique idéal en fonction duquel on établira comme une hiérarchie des comiques réalisés. Ainsi, malgré son projet d'étude historique, F. Gaiffe ne craint pas d'affirmer (Le Rire et la scène française, p. 29) ; « Il n'est pas téméraire, semble-t-il, en établissant une échelle des valeurs comiques, de mettre au plus bas échelon des productions dont un homme de culture moyenne, après en avoir ri malgré lui, s'empressera de dire : « C'est parfaitement idiot. « Il est vrai que cela conduit l'auteur à préférer les fadaises de S. Guitry aux « outrances « d'Ubu-Roi. C'est encore supposer que la littérature évolue dans l'univers figé de valeurs éternelles : les œuvres changent, le comique demeure. Si au contraire on entend distinguer le comique de l'Avare de celui du Barbier de Séville, la notion de comique ne va-t-elle pas s'éparpiller dans la diversité et se dissoudre dans la différence ? Et pourtant une notion comme celle du comique n'a de sens et d'intérêt que si elle permet de comparer des oeuvres, d'en dévoiler la qualité propre tout en saisissant la continuité du genre depuis le Jeu de Saint-Nicolas jusqu'au théâtre de Courteline.

« public.) « Jouons-nous une comédie » ? (Mariage de Figaro, IV-6.J N'oublions pas que les comédies de Molière et de Beaumarchais sont aussi des divertissements à grand spectacle : «On ne peut pas négliger dans Molière tout ce qui se ressent de la somptuosité des fêtes de la cour : une bonne partfurent écrites pour ces fêtes et conçues selon l'esprit qui y présidait », écrit P.

Bénichou (Morale du Grand Siècle, p. 161).

Beaumarchais nous propose de même une scène à la Van Loo (Mariage de Figaro, 11-4) et il nous fait entendre des chansons à plusieurs reprises. Enfin le langage de comédie est évidemment conçu pour distraire.

La parole y est plus souvent un son qu'un sens,et le dialogue peut sembler s'abandonner à l'ivresse verbale.

Dès le Moyen Age, la naissance du comique français semanifeste par une exubérance du langage dont nous avons comme un écho assez trivial dans les Sotties et lesSermons joyeux.

Du Jeu de Saint-Nicolas à la Farce de Maître Pathelin, la violence verbale, les jurons, les motsgrossiers, semblent le procédé le plus sûr pour faire rire le bon public.

Rabelais, dont les longues listes de motsparfois trop colorés surprennent un peu notre bon sens, est l'héritier d'une tradition comique fondée sur la virtuosité.Dans les « parades » du XVIIIe siècle, nous retrouvons cette verve distrayante ; la faconde de Figaro est pourbeaucoup dans cette impression de jeunesse et de vivacité que laissent les deux comédies du Barbier et du Mariage.Les répliques de Marivaux s'articulent sur des mots sans importance qu'on se renvoie comme des balles de tennis : « Il est bel homme, dit-on, et c'est presque tant pis — Tant pis, tant pis ! mais voilà une pensée bien hétéroclite —C'est une pensée de très bon sens.

Volontiers un bel homme est un fat; je l'ai remarqué.

Oh, il a tort d'être fat;mais il a raison d'être beau » (Le Jeu de l'Amour et du Hasard, 1-1). Et s'il y a un comique de Giraudoux, il est dû à la savante fantaisie de son langage : « Oui, voilà le géomètre ! et necrois pas que les géomètres n'aient pas à s'occuper des femmes ! Ils sont les arpenteurs aussi de votre apparence,etc..

» (La guerre de Troie n'aura pas lieu). Parfois dû à une simple dévaluation du langage, le comique peut exploiter ici toutes les ressources de ce qu'onappelle l'esprit calembour, l'à-peu-près: « Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin...

elle s'emplit.

» (Cf.

M.

Lalo, Lecomique et le spirituel, Revue d'esthétique, 1950). Le comique théâtral repose à la fois sur un mouvement dramatique créant une certaine tension, et sur unmouvement inverse de détente : équilibre savant, contrepoint subtil et discret soutenu par quelques notes graves,mais agrémenté de motifs distractifs, de fioritures légères, qui, sur le thème d'une intrigue continue, dessinent lesarabesques du divertissement.

Aussi quand on étudie la technique d'une comédie, il est essentiel (malgré l'apparentefutilité de cette tâche) d'expliquer comment un auteur réussit à enlever à l'aventure sa gravité fascinante, auxpersonnages leur sérieux, au monde sa réalité.

Pour priver l'homme et le réel de leur consistance, et en somme, lesnier en même temps qu'il les affirme, l'auteur cherche d'une certaine manière à les styliser.

C'est ce qui apparente lapsychologie de ce théâtre au métier de caricaturiste.

Bergson a défini l'occasion du rire comme du mécanique plaquésur du vivant, thèse qu'il faudrait élargir; d'abord parce que le procédé inverse : du vivant plaqué sur unemécanique, est aussi valable, comme dans cette définition de la bicyclette par un humoriste chinois : « Petit muletque l'on conduit par les oreilles et que l'on fait avancer en le bourrant de coups de pied », mais aussi parce que lastylisation s'étend au réel tout entier.

Dans Amphitryon, le soleil s'arrête pour laisser à Jupiter le bénéfice d'une longue nuit auprès d'Alcmède.

Dans la même perspective, toute imitation dénoncée, toute sensible contrefaçon nousparaissent comiques, car l'imposture nous présente sous l'aspect de la réalité une apparence que l'on sait fragile.Les valets de Molière singent leur maître ; comme Don Juan, Sganarelle éconduit son créancier, et cette imitationempêche d'admirer la désinvolture du grand seigneur.

La répétition donne toujours une impression de supercherie : «Deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur ressemblance », ditPascal.

C'est pourquoi, d'ailleurs, on considère un peu les jumeaux et les sosies comme des personnages truqués,dont les psychologues s'ingénient à démontrer les mécanismes.

A la limite, la comédie peut nous donner l'image d'unmonde inoffensif, avec des décors de carton où évoluent des pantins mécaniques.

L'essentiel est qu'elle nousdétache du réel, et laisse le seul esprit du spectateur, libre de toute passion et de la sentimentalité lourde,participer au jeu.

Le comique est la qualité d'un jeu qui nous fournit l'occasion de rire. II.

- POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE Il ne faut pas oublier l'attitude du public et cette émotion toute particulière qui se manifeste dans le rire.

Lespsychologues ont montré que le comique n'était pas un élément palpable de la réalité, que l'on pourrait toucher etdisséquer comme une forme sensible (F.

Jeanson, Signification humaine du rire).

La qualité du comique n'existe que dans une certaine façon qu'a le public de regarder, d'entendre, de saisir un spectacle.

C'est son regard qui peutprêter un sens particulier aux gestes, aux mimiques, aux incidents : comme les autres qualités esthétiques, lecomique n'est qu'une apparence.

Le même événement (un passant qui glisse sur une peau de banane) nous fait rireou non, selon qu'on se sent à l'abri, ou non, de la même mésaventure.

Il n'y a pas d'objet comique en soi, desituation typiquement comique, parce que c'est la perspective qui leur prêtera cette valeur. On sait que le rire est appelé par certaines situations qui exercent sur nous une contrainte.

Ce qui nous pèse,hostilité ou ennui, s'évanouira dans un éclat de rire; le papillon qui vient voltiger dans la classe n'est que le prétexteà secouer le poids de l'ennui.

On peut ainsi supprimer par le rire, d'une manière magique, la réalité de ce qui nousgêne.

L'autorité dont on se moque perd son prestige, elle ne fait plus peur.

Métamorphose proprement esthétique. »

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