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La notion de fait ?

Publié le 03/01/2004

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Pour le sens commun, il y a donc fait toutes les fois que l'on est en présence d'une certitude soit expérimentale, soit rationnelle. Un fait, c'est une « chose certaine « (Larousse). - B - Analyse en compréhension. En effet, ce qui domine dans l'idée du fait tel que le conçoit le sens commun, c'est l'impression d'une vérité objective. Aucun homme de bonne foi ne peut refuser de s'incliner devant les faits. On dit encore : « Les faits sont là «, pour affirmer des réalités indiscutables. Dans le même sens, on oppose le fait au droit, comme ce qui est réellement à ce qui devrait être, mais n'est pas ; par exemple, les hommes sont égaux en droit ; en fait, ils ne le sont pas. De même encore le fait s'oppose à la théorie, comme les réalités de l'expérience s'opposent aux constructions de l'esprit : « Théoriquement le train arrive à midi ; en fait il a toujours quelques minutes de retard. « On voit donc que la notion de fait implique d'une part l'idée de vérité objective, d'autre part l'idée de réalité expérimentale. Pour le sens commun, en effet, il n'y a de vérité objective que fondée sur l'expérience.

« II.

LE POINT DE VUE DE LA SCIENCE — A — Définition du fait scientifique.

Pour le savant comme pour le profane, la notion de fait implique l'idée d'unecertitude expérimentale.

Mais le savant ne se contente pas de constatations empiriques ; la certitude à laquelle ilveut atteindre n'est pas une certitude immédiatement donnée par la connaissance sensible ; elle suppose desconditions qu'ignore le sens commun.

C'est ainsi que le fait scientifique doit pouvoir se répéter.

Il ne suffit pas pourobtenir une certitude expérimentale d'une seule constatation ; pour être sûr d'un fait, le savant tient à le voir seproduire plusieurs fois, et c'est pourquoi les événements historiques pour lui ne sont pas des faits.

Même celui quiassiste à l'événement n'a pas le droit de le tenir pour un fait, parce qu'une erreur est toujours possible et qu'il y ades gens qui, comme dit Montaigne, « croient voir ce qu'ils ne voient point ».

Il n'y a donc de faits scientifiques queles faits susceptibles de se reproduire et par suite d'être observés précisément et objectivement.

Seule, en effet,une telle observation permet de découvrir les conditions dans lesquelles se produit le fait, et cette connaissancedes conditions est indispensable à l'établissement du fait scientifique.

Le passage d'une comète est un faitscientifique, depuis qu'on en connaît les conditions ; auparavant, c'était un pur événement.

Un phénomène qui nese produirait qu'une fois et dont on ignorerait les conditions ne serait pas un fait scientifique ; ce ne serait mêmepas un fait selon le sens commun, puisqu'on ne pourrait avoir à son sujet aucune certitude véritable.

On pourraitdire : « C'est un fait que j'ai eu telles sensations », mais non : « C'est un fait que j'ai vu ceci ou cela » ; en effet,en pareil cas, on ne pourrait vérifier l'interprétation des données sensibles. — B — Nature du fait scientifique : « Il n'y a de fait que par l'idée » (Alain).

Or il y a dans toute perception uneinterprétation des données sensibles.

Percevoir un fait, c'est poser un objet déterminé pour expliquer une diversitéde sensations.

On peut dire du fait ce que Kant dit de l'objet : « C'est ce dont le concept réunit les éléments divers d'une intuition donnée ».

Il ne faut pas oublier, en effet, que les seulesdonnées réelles sont les impressions sensibles.

C'est Un chaos d'apparencesdans lequel il faut mettre de l'ordre.

Établir un fait, précisément, c'estordonner, lier selon des lois les impressions sensibles.

Or cet ordre est del'esprit, c'est-à-dire que, selon la formule d'Alain, « il n'y a de fait que parl'idée ».

Il est bien évident par exemple que le mouvement de la terre a dûd'abord être supposé : pour saisir un fait, il faut premièrement en formerl'idée.

En un sens, on pourrait dire que nous connaissons un fait lorsque nousfaisons une hypothèse et que ses conséquences sont vérifiées parl'expérience.

La méthode qui sert à établir les faits dans les sciences est lamême que celle dont on se sert pour établir les lois ; c'est la méthodeinductive qui consiste à poser une hypothèse pour rendre compte desdonnées et à conclure que cette hypothèse est vraie, lorsqu'elle permet deprévoir exactement l'expérience.

Le fait est précisément ce que noussupposons pour expliquer les apparences. — C — Valeur du lait scientifique : « L'idée ne suffit jamais » (Alain).

Il estaussitôt évident que les faits n'ont pas la valeur absolue que leur accordevolontiers le sens commun ; ils contiennent, en effet, une part de suppositionet la méthode inductive grâce à laquelle on les établit nous permet d'obtenirune probabilité plus ou moins grande, mais non une certitude.

L'hypothèsen'est jamais absolument vérifiée par l'expérimentation ; c'est d'ailleurs laraison pour laquelle la science est toujours susceptible de découvrir des faits nouveaux.

Car découvrir un faitnouveau, c'est moins se trouver en présence de nouvelles données sensibles, qu'inventer une hypothèse capable dedonner une nouvelle explication des apparences.

Mais s'il est possible d'obtenir ainsi de nouveaux faits, c'est que lesconcepts par lesquels nous unifions la diversité de nos intuitions sensibles n'ont jamais qu'une valeur relative ; ils nepeuvent rendre compte du réel dans sa totalité.

« Le rapport de l'idée au fait, dit Alain, est en ceci que l'idée nesuffit jamais ».

Aucune idée n'épuise toute la richesse de nos intuitions sensibles ; en d'autres termes, il y atoujours dans le fait une part d'abstraction.

C'est en invoquant cet aspect du fait scientifique que les nominalistesont cherché à nier la valeur de la science : la science serait incapable de saisir la réalité toujours concrète etindividuelle parce que les faits sur lesquels elle repose sont abstraits et généraux. CONCLUSION L'analyse que nous venons de faire de la notion de fait nous permet de comprendre le sens et la portée de lacritique nominaliste de la science.

Nous avons vu, en effet, que si la notion de fait est liée, pour le savant commepour le sens commun, à l'idée d'une certitude expérimentale, cette certitude, contrairement à ce que croit le senscommun, ne peut être obtenue qu'à la suite d'un travail d'élaboration intellectuelle.

Or il est évident que cetteélaboration nous éloigne de l'expérience immédiate et que le fait acquiert ainsi un caractère artificiel et abstrait.Mais il ne faut pas oublier non plus que l'expérience immédiate n'est qu'un chaos de sensations et que, pour parvenirà la connaissance, il faut mettre de l'ordre dans ce chaos, c'est-à-dire établir des faits.

« Au commencement, disaitAnaxagore, tout était confondu ; mais l'intelligence vint, qui mit tout en ordre.

». »

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