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Notre conscience est-elle à nous ?

Publié le 09/04/2005

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conscience
Il ne s'agit pas ici de résoudre ce problème mais de voir que la conscience est individuelle et qu'à ce titre, parler d'autrui, pour un Je, est problématique. "Comment une action ou une pensée humaine peut-elle être saisie dans le mode du "on", puisque, par principe, elle est une opération en première personne, inséparable d'un Je? Il est facile de répondre que le pronom indéfini n'est ici qu'une formule vague pour désigner une multiplicité de Je ou encore un Je en général. J'ai, dira-t-on, l'expérience d'un certain milieu culturel et des conduites qui y correspondent ; devant les vestiges d'une civilisation disparue, je conçois par analogie l'espèce d'homme qui y a vécu. Mais il faudrait d'abord savoir comment je puis avoir l'expérience de mon propre monde culturel, de ma civilisation. On répondra derechef que je vois les autres hommes autour de moi faire des ustensiles qui m'entourent un certain usage, que j'interprète leur conduite par l'analogie de la mienne et par mon expérience intime qui m'enseigne le sens et l'intention des gestes perçus. En fin de compte, les actions des autres seraient toujours comprises par les miennes ; le "on" ou le "nous" par le Je. Mais la question est justement là : comment le mot Je peut-il se mettre au pluriel, comment peut-on former une idée générale du Je, comment puis-je parler d'un autre Je que le mien, comment puis-je savoir qu'il y a d'autres Je, comment la conscience qui, par principe, et comme connaissance d'elle-même, est dans le mode du Je, peut-elle être saisie dans le mode du Toi et par là dans le mode du "On"?"                                                           Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, II, IV. Transition: La conscience est individuelle.

La conscience, comme l'écrit Alain, "est le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-même, qui se met en demeure de décider et de se juger". Elle est, autrement dit, la capacité que possède l'être humain de se penser en première personne, d'être présent à lui-même. Il s'agit, par conséquent, d'une capacité qui appartient en propre à chaque individu. Notre conscience est-elle toutefois à nous? Si nous sommes sujet de nos pensées, en sommes nous à l'origine? Ce que nous pensons n'est-il pas le fruit d'une éducation qui nous vient de l'extérieur? Si notre conscience nous appartenait, nous serions les seuls à être à même de la déterminer. Or, ne s'avère-t-elle pas au contraire entièrement déterminée par notre environnement? Ce qui est en jeu ici, on le voit, est la liberté de notre conscience.

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« III.

La conscience créatrice de ses propres valeurs Nietzsche disait : « Le péché contre la terre, c'est le plus terrible péché.

Ne plus cacher sa tête dans le sable des choses célestes, mais la porter fièrement, cette tête terrestre qui crée le sens de la terre… Mes frères, demeurez fidèles à la terre.

» Nietzsche a mis en relief une notion fondamentale.

C'est l'homme qui crée lui-même ses valeurs. Au début de son ouvrage, Ainsi parlait Zarathoustra , Nietzsche nous conte les trois métamorphoses de l'esprit (voir texte ci-dessous).

Dans un premier temps l'esprit est chameau.

Comme cet animal il reçoit de lourdes charges.

Il s'agit ici de toutes les valeurs qui sonttransmises originairement à l'individu, par exemple celles du bien et du mal.

Or, il arrive un moment où l'esprit se fait lion.

C'est lemoment où l'esprit veut reconquérir sa liberté et par conséquent décide de détruire les valeurs qu'on lui a imposé sans son consentement.Se produit alors une troisième transformation qui fait du lion un enfant.

L'enfant symbolise la création.

Il est ce qui vient juste d'être misau monde.

De la même manière, l'esprit qui devient enfant est celui qui vient de naître, celui qui a su se créer ses propres valeurs. La leçon que l'on peut tirer ici est que si l'esprit est dans un premier temps déterminé par tout ce qu'il reçoit de l'extérieur, il peutcependant s'affranchir de ce déterminisme en renonçant à son héritage et en créant lui-même ses valeurs.

La conscience, en ce sens, està même de se déterminer elle-même.

Elle est à même de conquérir sa liberté.

Ceci n'est qu'une question de volonté. Ainsi toutes les valeurs sont relatives, toutes sans exception, même la liberté, même la justice.

Elles ne peuvent échapper aux limites de l'homme puisqu'elles naissent de l'homme.

Pour les assoiffés d'absolu, aucune ne sera jamais assez grande puisqu'elle nesera pas infinie, jamais assez solide puisqu'elle ne sera pas éternelle.

« Qui a le goût de l'absolu renonce par là même à tout bonheur » disait Aragon . Mais le refus délibéré de l'absolu n'implique aucunement la résignation à tout ce qui est ; le mépris des transcendances imaginairesn'implique pas la négation de ce qu'on peut appeler avec Camus une « transcendance vivante », concrète, cad le dépassement de nous- mêmes dans ce monde qui est le nôtre : « S'il y a un péché contre la vie, ce n'est peut-être pas tant d'en désespérer que d'espérer en une autre vie et de nous dérober à l'implacable grandeur de celle-ci… » "Je vais vous dire les trois métamorphoses de l'esprit : comment l'esprit se change en chameau, le chameau en lion, et le lion en enfant, pour finir.

Il y a bien des choses qui semblent pesantes à l'esprit, à l'esprit robuste et patient, et tout imbu de respect ; sa force réclame de lourdsfardeaux, les plus lourds qui soient au monde.

"Qu'y a-t-il de lourd à porter?" dit l'esprit devenu bête de somme, et il s'agenouille, tel le chameau qui demande à être bien chargé.

"Quelle est la tâche la plus lourde, ô héros, demande l'esprit devenu bête de somme, que je l'assume, afin de jouir de ma force.

Serait-ce de s'humilier pour meurtrir son orgueil? De faire éclater sa folie pour bafouer sa sagesse? Serait-ce d'abandonner une cause triomphante? De gravir de hautes montagnes afin de tenter le Tentateur? Serait-ce de se nourrir des glands et de l'herbe de la connaissance, et de faire jeûner son âme pour l'amour de la vérité? Serait-ce, étant malade, de congédier les consolateurs et de lier amitié avec des sourds qui n'entendent jamais ce que l'on désire? Ou de descendre dans une eau bourbeuse, si c'est l'eau de la vérité, et de ne point écarter de soi les grenouilles froides et les crapaudscuisants? Ou encore d'aimer ceux qui nous méprisent et de tendre la main au fantôme qui cherche à nous effrayer?" Mais l'esprit docile prend sur lui tous ces lourds fardeaux ; pareil au chameau chargé qui se hâte de gagner le désert, il se hâte lui aussi degagner son désert.

Et là, dans cette solitude extrême, se produit la deuxième métamorphose : l'esprit devient lion.

Il entend conquérir sa liberté et être le roi deson propre désert.

Il se cherche un dernier maître ; il sera l'ennemi de ce dernier maître et de son dernier Dieu ; il veut se mesurer avec le grand dragon, et levaincre.

Quel est ce grand dragon que l'esprit refuse désormais d'appeler son seigneur et son Dieu? Le nom de grand dragon, c'est "Tu-dois".

Maisl'âme du lion dit : "Je veux!" "Tu-dois" lui barre la route, tout brillant d'or, couvert d'écailles, et sur chacune de ces écailles brillent en lettres d'or ces mots : "Tu dois".

Des valeurs millénaires brillent sur ces écaillent, et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons : "Toutes les valeurs des choses étincellentsur mon corps.

Toutes les valeurs ont été créées dans le passé, et la somme de toutes les valeurs créées, c'est moi." En vérité, il ne devra plus y avoir de "jeveux"...

Ainsi parle le dragon.

Mes frères, à quoi sert d'avoir ce lion dans l'esprit ? Pourquoi ne suffit-il point de l'animal patient, résigné et respectueux? Créer des valeurs nouvelles, le lion lui-même n'y est pas encore apte ; mais s'affranchir afin de devenir apte à créer des valeurs nouvelles, voilà ce que peut la force du lion.

Pour conquérir sa propre liberté et le droit sacré de dire non, même au devoir, pour cela, mes frères, il faut être lion.

Conquérir le droit à des valeurs nouvelles, c'est pour un esprit patient et laborieux l'entreprise la plus redoutable.

Et certes il y voit un acte de brigandage et de proie.

Ce qu'il aimait naguère comme son bien le plus sacré, c'est le "Tu-dois".

Il lui faut à présent découvrir l'illusion et l'arbitraire au fond même de ce qu'il y a de plus sacré au monde, etconquérir ainsi de haute lutte le droit de s'affranchir de cet attachement ; pour exercer une pareil violence, il faut être lion.

Mais dites-moi, mes frères, que peut encore l'enfant, dont le lion lui-même eût été incapable ? Pourquoi le lion ravisseur doit-il encore devenir enfant ? C'est que l'enfant est innocence et oubli, commencement nouveau, jeu, roue qui se meut d'elle-même, premier mobile, affirmation sainte.

En vérité, mes frères, pour jouer le jeu des créateurs il faut être une affirmation sainte ; c'est son propre vouloir que veut à présent l'esprit ; qui a perdu le monde, il conquiert son propremonde.

Je vous ai dit les trois métamorphoses de l'esprit : comment l'esprit s'est changé en chameau en lion, et le lion en enfant, pour finir." Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra , "Des trois métamorphoses". Conclusion : Ce n'est pas parce que la conscience est le propre d'un sujet, d'un Je qui seul y a accès, qu'elle nous appartient.

Celle-ci ne peut sedévelopper qu'à la condition d'être éduquée.

Ce que le Je pense, si c'est lui qui le pense, n'est pas le produit de sa propre conscience.

Ilest celui de son environnement.

Il reste que cette conscience, une fois qu'elle s'est parfaitement développée, peut prendre son envol, selibérer de ses liens, réaliser que ce qu'elle pense ce n'est pas elle qui le pense au fond, et alors décider d'être véritablement à l'origine deses pensées.. »

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