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Notre monde est-il le meilleur des mondes possibles ?

Publié le 17/03/2004

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La souffrance d'un seul innocent ne peut justifier aucune finalité. Il a permis de noyer un anabaptiste: peut-être était-ce là la raison finale de cette catastrophe, suggère Candide. Voltaire, avec ironie, montre par là qu'il est bien difficile pour Leibniz de justifier de façon convaincante une catastrophe naturelle, laquelle ne peut évidemment pas être expliquée par l'existence du mal. « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles « ne signifie donc pas que «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes «. Voltaire a certainement eu raison de s'insurger contre ce qui demeure une justification du mal, mais Leibniz est plus difficile à réfuter qu'à parodier. Ce qui est remarquable dans ce dialogue posthume du logicien, de l'inventeur de l'infinitésimale et du défenseur des Calas, c'est que toute théologie doit se confronter au problème du mal, et qu'aucune solution jamais ne satisfera pleinement : en quoi le mal est-il justifiable? Le meilleur des mondes possibles n'est pas un monde entièrement bon. C'est le contresens que fait Voltaire, et qui explique ses railleries. Mais c'est confondre la perception humaine et la compréhension divine, qui ne voient pourtant pas les choses à la même échelle. C'est pour cela aussi que l'« optimisme« de Leibniz ne peut que modérément nous rendre optimistes face à l'existence, car il ne garantit en rien que nous ne souffrirons pas et que tout ira pour le mieux pour nous.
Un mal particulier, évalué du point de vue de Dieu, se rapporte toujours à quelque fin positive. Il contribue à quelque bien ou annule l'effet d'un autre mal. Tout est donc disposé pour le mieux.
MAIS...
On pourrait admettre que Dieu veut que les fautes commises par les hommes aboutissent au bien. Mais que faire d'une catastrophe que le péché n'explique pas, comme le tremblement de terre décrit dans Candide ?

« Car tous les possibles prétendant à l'existence dans l'entendement de Dieu, à proportion de leursperfections, le résultat de toutes ces prétentions doit être le monde actuel le plus parfait qu'il soitpossible.

Et sans cela il ne serait point possible de rendre raison pourquoi les choses sont allées ainsiplutôt qu'autrement.Autrement dit, compte tenu de la compatibilité entre les possibles (c'est-à-dire entre les compossibles :tout possible compatible avec tous les autres possibles), tout est pour le mieux dans le meilleur desmondes possibles.

Dans ces conditions, il s'ensuit que non seulement le mal est possible (comme possiblecompatible avec tous les autres possibles) mais encore nécessaire puisque sans lui le monde ne seraitpas le meilleur des mondes possibles ! Donc, puisque tout arrive de par la volonté de Dieu, — c'est lepoint de vue de Leibniz théologien —, la raison — c'est le point de vue de Leibniz philosophe —, ne peutqu'intégrer le mal comme possible nécessaire pour le meilleur des mondes possibles ! Il va sans dire que nous laissons à Leibniz la responsabilité de sa thèse.

Remarquons cependant qu'aufond pour lui, le mal est dans les détails, car l'ensemble reste fécond.Qui dit «meilleur» ne dit d'ailleurs pas «parfait» mais tout simplement que le «bien» l'emporte sur le «mal», l'ensemble sur le détail.Qu'on ait donc appelé le système leibnizien optimiste n'est pas aussi paradoxal qu'il pouvait sembler àpremière vue.Pour Leibniz, Dieu «sait» l'avenir, mais ne le fait pas.

Dieu «permet» le mal, mais ne le fait pas.La fin de la Théodicée comporte un apologue qui résume le point de vue de Leibniz : Sextus, méchant detoute éternité, est compris dans le meilleur des mondes possibles où son crime est nécessaire pour quece monde soit le meilleur.

Tout se passe comme si la monade Sextus, possible librement méchant, estnécessaire à ce monde le meilleur possible qui, sans lui, eût été moins meilleur!C'est ici que le point de vue, le commentaire de chacun importe, car après tout, Sextus c'est aussitoutes les autres monades ! "Vous voyez que mon Père (Jupiter, ici métaphore pour Dieu) n'a point fait Sextus méchant, il l'étaitde toute éternité, il l'était toujours librement, il n'a fait que lui accorder l'existence, que sa sagessene pouvait refuser au monde, où il est compris; il l'a fait passer de la région des possibles à celledes êtres actuels.

Le crime de Sextus sert à de grandes choses, il rend Rome libre, il en naîtra ungrand empire, qui donnera de grands exemples.

Mais cela n'est rien au prix du total de ce mondedont vous admirerez la beauté, lorsqu'après un heureux passage de cet état mortel à un autremeilleur, les Dieux vous auront rendu capable de la connaître." Notre esprit est trop borné pour porter un jugement sur le mondePour Leibniz, notre point de vue est limité.

Nous ne percevons qu'une toute petite portion du monde, etpendant une durée limitée.

Dieu, quant à lui, connaît le monde dans sa totalité et dans ses moindres détails.

Ilsait donc que, l'un dans l'autre, tout concourt à la félicité des hommes.Ce qui apparaît cornme un mal aux yeux d'un individu particulier (une injustice, une souffrance) peut n'êtrequ'un moyen pour atteindre un bien.

Une souffrance peut avoir pour but de rapprocher un homme de Dieu - cequi est un bien.

Il faut donc relativiser les notions de bien et de mal en fonction des fins auxquelles ilsconduisent. Les stoïciens allaient même encore plus loin dans cette réflexion sur l'ordre des choses.

Ils ne s'en tinrent pasà cette simple conception de la nécessité absolue du rapport de cause à effet, idée qu'ont partagée tous lessavants qui ont fondé la science moderne.

Cela ne serait qu'une nécessité aveugle.

Mais les stoïcienspensaient que la Nature est un être divin et intelligent, qui ne fait rien en vain.

Tout est fait pour quelquechose, tout a un but, tout est finalisé.

Le but ultime que poursuit la nature, c'est évidemment le Bien.

Ledestin qui règne dans le monde est donc bon, il est une Providence.

Mais ce Bien, c'est la vie et le Bien duTout, de la nature elle-même, non de chaque créature qui la compose.

Chaque homme n'est qu'un rouage dugrand mécanisme universel, et c'est par une folle présomption que chacun s'imagine être le centre du mondeet voudrait que tout conspire à son bonheur.

En revanche, cette idée que le monde est dirigé par laProvidence, que chaque événement concourt à un Bien pour le Tout, même si la petite partie que noussommes ne l'aperçoit pas, cette idée est beaucoup plus puissante que celle de la simple nécessité pourincliner notre volonté à vouloir ce qui advient.

Telle est précisément l'attitude du sage qui peut ainsi goûter lebonheur.

Dès lors , chaque homme doit se persuader que la Providence lui a assigné un rôle à jouer sur laterre.

Il ne doit pas désirer changer de rôle ou de condition, mais il doit s'efforcer de jouer correctement sonrôle ; « Souviens-toi que tu joues dans une pièce qu'a choisie le metteur en scène: courte, s'il l'a vouluecourte, longue, s'il l'a voulue longue.

S'il te fait jouer le rôle d'un mendiant, joue-le de ton mieux; et fais demême, que tu joues un boiteux, un homme d'Etat ou un simple particulier.

Le choix du rôle est l'affaire d'unautre.

» (Pensée 17).. »

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