Devoir de Philosophie

SI NOUS DÉSIRONS ÊTRE LIBRE, QU'EST-CE QUI NOUS EMPÊCHE DE L'ÊTRE ?

Publié le 13/03/2004

Extrait du document

N'est-elle pas plutôt - même si je l'affirme comme Kant à titre de postulat métaphysique - une potentialité qu'il m'appartient toujours d'amener au réel? C'est-à-dire un ensemble de conduites à élaborer, à constituer en fonction des situations que je rencontre. De ce point de vue, la liberté n'est pas déjà faite ou déjà là: elle se confirme dans la diversité de mes réactions, s'élabore à travers la suite des mes actes. Lorsque Sartre affirme que les Français n'ont jamais été aussi libres que sous l'occupation allemande, sa formule apparemment paradoxale indique que l'exercice de la liberté suppose qu'elle rencontre des résistances l'obligeant à se préciser par des prises de position, des choix relatifs à la réalité d'une situation particulière. La liberté, autrement dit, ne saurait se prouver ou s'éprouver de façon abstraite et dans le vide. On pourrait à son propos parodier Kant : comme la colombe, elle ne prend son envol que grâce à la résistance de ce qui paraissait d'abord l'empêcher d'être. On pourrait utiliser cette métaphore de la colombe pour aussi montrer notre rapport inconséquent à la loi. La colombe, dans son vol, éprouve la résistance de l'air et elle se plaît à imaginer qu'elle volerait bien mieux et bien plus haut sans cet obstacle: elle ignore que sans l'air, elle ne volerait pas du tout et que ce qu'elle ressent comme un empêchement est aussi une condition de possibilité même de son vol. Nous aussi nous plaisons à imaginer une vie sans règles, au-delà des lois: suppression des impôts, de la police, du code de la route, etc. Ce faisant, nous sommes aussi écervelés que la colombe, car nous oublions que sans ces contraintes, notre prétendue liberté n'existerait plus.

 La liberté. Un droit de l'homme. Une valeur. Une condition indispensable à l'épanouissement de l'homme. Un état auquel il aspire, qu'il revendique, pour lequel il combat. La liberté. Ce n'est pas seulement le souhait des adolescents qui désirent s'affranchir de la tutelle de leurs parents et de leurs professeurs. C'est, et ce fut le souhait de millions d'hommes, de tous les temps. Un souhait puissant et constant. Mais interrogeons-les. Interrogeons-nous. Nous sentons-nous libres ? Sommes-nous libres ? Demandons-le au chômeur et au malade. Au Somalien et à l'Irakien. Aux femmes saoudiennes, aux enfants brésiliens. Aux travailleurs et aux élèves. Aux personnes âgées, aux handicapés. Leur réponse sera probablement négative. Nuancée peut-être, dans certains cas, mais négative. Certes, les hommes de l'Occident sont plus libres qu'il y a quelques siècles, plus libres que ceux qui sont encore soumis aux dictatures, a  ux famines et aux guerres. Mais pas aussi libres qu'ils le désirent. Pas totalement libres. Alors que faut-il comprendre ? Les hommes désirent être libres mais ne parviennent pas à l'être. Ou si peu et si difficilement. Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi la liberté nous échappe-t-elle ? Si les hommes ne s'en souciaient pas, on comprendrait aisément qu'elle soit absente de leurs vies. Mais ils la désirent, ils cherchent à l'acquérir. Alors pourquoi se sentent-ils si peu libres ? Comment expliquer ce constat amer ? Faut-il dire que la liberté n'est qu'un idéal ? Un but auquel on peut tendre mais qu'on ne peut véritablement atteindre ? Ou doit-on penser que les hommes s'y prennent mal ? Qu'ils ne savent pas être libres ? C'est ce que dirait un sage stoïcien ou épicurien qui reprocherait aux hommes leur manque de discernement et qui affirmerait que la liberté est réalisable pour peu qu'on la pense bien. Mai  s devons-nous les croire ? N'est-il pas plus crédible de voir dans la liberté une utopie ? C'est ce que nous tenterons de déterminer dans ce qui suit. Nous chercherons donc quels sont les obstacles à la liberté. S'ils se trouvent en nous ou hors de nous ? Nous chercherons ce qui empêche les hommes d'être libres. Plus exactement, nous nous demanderons : si nous désirons être libre, qu'est-ce qui nous empêche de l'être ?

 

« Jamais nousn'avons été aussilibres que sousl'occupationallemande.(Situations, III) Sartre ne prétend nullement que l'occupation allemande auraitété propice à la liberté politique.

C'est de la liberté au sensmétaphysique du terme qu'il s'agit ici.

Être libre c'est êtrecapable de dire non, de refuser une situation.

L'occupationallemande est un de ces moments de notre histoire où notreattitude avait une pleine signification.

Accepter c'était êtrecomplice, refuser, devenir résistant c'était risquer la torture etla mort.

C'est donc une de ces situations limites où les choixne peuvent qu'être authentiques.

La liberté ne se mesure pasdans les situations sans risque mais dans celles où notreresponsabilité et ses conséquences sont pleinementengagées. Désirer être libre n'a de sens que si le désir devient volonté.

Cette dernière suppose une mise en oeuvreauthentique, c'est-à-dire de travailler relativement à un donné.

C'est précisément lorsque celui-ci paraît d'abord encontradiction avec la liberté qu'il peut provoquer des décisions réelles à travers lesquelles elle se réalise. Si l'on veut assurer la possibilité de cette conquête, il importe de prouver la possibilité même d'une liberté quiéchappe au déterminisme.

Autrement dit, la question est de savoir si l'on peut dépasser la simple preuvepsychologique de la liberté pour véritablement fonder sa certitude.

On peut répondre par l'affirmative à cettequestion en mettant en évidence, avec Kant (Critique de la raison pratique), la certitude de la libertétranscendantale.

La conscience de la loi morale, comme fait de la raison même, implique en effet cette libertétranscendantale.

En d'autres termes, la liberté est une donnée certaine de la nature humaine que l'on peut prouverindirectement à partir de la conscience morale: si la raison dit «tu dois», elle dit nécessairement en même temps «tupeux». Demanderais-je pourquoi « je dois », je ramènerais alors l'obligation morale à une obligation conditionnelle qui ne vaudrait que relativement à autre chosede posé.

Kant ne peut admettre que le devoir puisse être déterminé par des conditions empiriques.

Le devoir a sa source dans la raison et se définit, endehors de tout rapport à des mobiles sensibles ou à des situationsparticulières.

Il prend la forme d'une loi rationnelle.

D'une part, cette lois'impose au sujet comme une obligation absolue, cad impérieuse etinconditionnelle.

Elle constitue donc un impératif catégorique qui se distinguedes impératifs hypothétiques de l'habileté et de la prudence.

D'autre part,dans sa forme, elle se réduit à un pur jugement : « tu dois », indépendamment de ce sur quoi elle porte.

La loi ne peut, en effet, êtrecatégorique que dans la mesure où elle reste libre de tout contenu. Ainsi donc, la raison ne nous prescrit aucune obligation concrète du type :« Dans tel cas, tu dois faire ceci ».

Mais elle nous prescrit d'obéir aux règles qui peuvent, sans contradiction, prendre la forme d'une loi universelle.

Onpeut, par conséquent, dire qu'il n'y a qu'une seule formule du devoir : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même tempsqu'elle devienne une loi universelle.

» (« Fondements de la métaphysique des moeurs »).

Par maxime il faut entendre le principe subjectif du vouloir, cad celui qui détermine intérieurement la volonté agissante.

Cette formulepermet de reconnaître dans tous les cas et sans hésitation son devoir.

Si jeme demande par exemple si une promesse trompeuse est conforme au devoir, « le moyen de m'instuire le plus rapidement, tout en étant infaillible, est de me demander à moi-même : accepterais-je bien avec satisfaction quema maxime (de me tirer d'embarras par une fausse promesse) dût valoir comme une loi universelle (aussi bien pourmoi que pour les autres) ? [...] Je m'aperçois bientôt ainsi que, si je peux bien vouloir le mensonge, je ne peux enaucune manière vouloir une loi universelle qui commanderait de mentir : en effet, selon une telle loi, il n'y auraitplus à proprement parler de promesse. » (idem) .

La raison en est que si tout le monde mentait, on ne croirait plus aux promesses de personne.

Par conséquent la maxime qui me pousse à faire une fausse promesse, « du moment qu'elle serait érigée en loi universelle se détruirait nécessairement elle-même. » Cette certitude de la liberté apparaît parallèlement comme une exigence: en effet, la liberté transcendantale estfine donnée qui ne se donne qu'à travers l'impératif du devoir.

C'est pourquoi la liberté est toujours une conquête:elle est «ordonnée» par la raison comme «autonomie», c'est-à-dire comme capacité à agir uniquement en fonctionde l'impératif catégorique.

Et si la possibilité de cette autonomie est certaine, dans les faits, sa réalisation est uneconquête jamais assurée.

La liberté comme autonomie est une conquête de l'homme sur lui-même, afin qu'il semontre à la hauteur de l'exigence qu'il porte en lui-même. Le principe de la moralité réside dans l'autonomie, soit la faculté de se déterminer soi-même de par une législation. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles