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D'un nouveau style de l'Amour.

Publié le 30/03/2011

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amour

Que l'amour soit aujourd'hui moins au cœur de la littérature qu'il ne l'était il y a une quarantaine d'années, c'est l'évidence même. Avant la Première guerre mondiale, il n'était guère de littérature qu'amoureuse, et le trio de l'adultère était toujours dans les feux de la rampe. Il n'en va plus de même pour la génération littéraire de Saint-Exupéry, de Malraux, de Sartre, de Camus, d'Anouilh, qui se pose de tout autres problèmes — l'action, la révolution, la liberté. Ce recul du thème amoureux est sans doute à mettre en rapport avec la crise d'une civilisation qui ne peut plus se permettre d'expérimenter sans arrière-pensée les plaisirs et les problèmes de la vie privée, et qui est amenée à envisager avec plus d'ampleur les aspects de la condition humaine. Cependant, un autre fait, et d'un tout autre signe, se constate généralement : c'est, dans la manière de traiter l'amour, non seulement un refus de l'idéaliser et de le romantiser, mais un parti de le prendre au niveau de son conditionnement biologique, de le décrire dans son accomplissement, souvent même dans ses perversions. Le phénomène est d'abord manifeste en nombre d'ouvrages où l'obsession sexuelle apparaît subie, sinon entretenue ; et aussi dans certaines modes littéraires, (...) enfin, dans, le fait que les auteurs honorables, parfois des femmes et des jeunes filles, publient sous leur signature des récits qui, il y a encore cinquante ans, n'eussent circulé qu'anonymes et sous le manteau. C'est là un symptôme considérable d'une transformation des mœurs et de la sensibilité. On doit d'abord l'admettre : dans une certaine façon d'arracher à la passion romanesque et romantique son masque de mysticité et ses oripeaux (1) de théâtre, dans un souci d'explorer le fond charnel de nos affections, il peut y avoir une forme de pureté, celle qui est refus de l'illusion, et une forme de dignité, celle qui est volonté de connaissance. Mais il faut dire aussi que le style clinique de l'amour, en se généralisant et en accentuant toujours davantage ses effets, produit de grands risques de détérioration morale et littéraire. A exalter la passion dans sa sublimation (2) sentimentale, mystique et poétique, on s'exposait .à des aberrations fâcheuses ; mais on va sûrement au-devant d'autres catastrophes en le réduisant à sa physiologie : on l'animalise, et toutes les lumières de conscience et de connaissance que l'on peut alors projeter sur lui ne l'humanisent pas encore, car l'homme est quelque chose de plus qu'un animal qui se connaît. Or tout ce qui diminue l'homme abîme le style. A côté de la pureté qui est de refuser l'illusion, il faut souhaiter que l'on rende sa part à celle qui est de respecter le mystère, de ne pas allumer à toute heure de la nuit la lampe de Psyché (1). Pierre-Henri Simon, Histoire de la Littérature française au XXe siècle, 1959. 1. Vous ferez d'abord ce texte, à votre gré, un résumé ou une analyse. Vous indiquerez votre choix au début de la copie. 2. Dans une seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous dégagerez du texte un problème qui offre une réelle consistance. Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée, étayée sur des faits et menant à une conclusion.

 

(1) Oripeaux : vieux vêtements bizarres qui ont conservé un reste de clinquant. (2) Sublimation : idéalisation.

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